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Erdoğan et les 2000 procès pour "insulte au président"


Par Bulent Inan Rédigé le 25/04/2016 (dernière modification le 25/04/2016)

En 2015, la justice turque a prononcé des interdictions d’émettre à six médias, tenu cinq procès à huis clos, quand le pouvoir administratif a ordonné le blocage de 118 sites Internet et de 353 comptes Twitter. Enquête sur les procès pour "insulte au président" qui se multiplient en Turquie, muselant un peu plus la parole.


Özgür Mumcu n’est pas une exception

Recep Tayyip Erdoğan est à la tête de l'Etat turc depuis 2003. Image du domaine public.
Recep Tayyip Erdoğan est à la tête de l'Etat turc depuis 2003. Image du domaine public.
erdogan_et_les_2000_proces.mp3 Erdogan et les 2000 procès.mp3  (2.73 Mo)

Éditorialiste au quotidien turc de centre-gauche Cumhuriyet (La République), Özgür Mumcu devra justifier à la barre de ses écrits, le 10 mai 2016, en vertu de l’article 299 du code pénal turc qui condamne l’"insulte au président". Son crime: avoir qualifié le président turc, Recep Tayyip Erdoğan, de "lâche" et de "cruel". L'article 299 existait avant l’arrivée d’Erdoğan au pouvoir, mais n’était pas appliqué.

Journalistes, avocats, médecins, professeurs, ex-footballeurs ou simples adolescents... Près de 2000 procédures judiciaires ont été ouvertes depuis l’élection à la présidence d’Erdoğan, en août 2014, pour des insultes à son encontre. 1845 exactement, selon les chiffres divulgués début mars par le ministère de la Justice turc.

A noter que l'article du code pénal en question (le 299) existe dans d’autres pays. La France n’a abrogé le délit d’offense au chef de l’État qu’en 2013! Il a été utilisé pour la dernière fois contre un homme qui avait brandi en 2008 à l’encontre de Nicolas Sarkozy l’affichette "casse-toi pov’con", ce qui avait valu à la France d’être condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme. Toutefois, l’injure et la diffamation envers le président de la République française sont passibles de 45.000 euros d’amende.


Un président hypersensible

Sur cette longue liste de citoyens poursuivis, le journaliste côtoie un lycéen de 16 ans accusé d’avoir qualifié le chef de l’État de "chef du vol, des pots-de-vin et de la corruption"; une ex-miss Turquie, Merve Büyüksaraç, pour avoir partagé un poème satirique sur son compte Instagram raillant le président turc; un médecin, Bilgin Çiftçi, pour avoir diffusé sur les réseaux sociaux un photomontage associant le président au personnage de Gollum dans la saga "Le Seigneur des anneaux".

Deux journalistes du quotidien Cumhuriyet, Can Dündar et Erdem Gül, encourent une peine de prison à vie pour avoir divulgué des images d'un transfert d'armes supervisé par les services secrets turcs à destination de rebelles islamistes en Syrie. Leur procès pour - espionnage, divulgation de secrets d’État, terrorisme et tentative de coup d’État - devait se tenir initialement le 25 mars 2016, mais a été suspendu pour des raisons officielles de sécurité nationale et repris le 1er avril à huis clos. Ex-éditorialiste au quotidien turc de centre-gauche Milliyet (La Nation), Kadri Gürsel raconte dans son récent ouvrage, "Turquie, année zéro", comment il a été licencié en juillet 2015 pour un tweet ayant déplu au président turc.

Deux satires télévisées à l'origine d'une crise diplomatique entre Ankara et Berlin

Un clip satirique sur la politique du président turc, diffusé par une chaîne de télévision publique allemande, a provoqué l’indignation d’Ankara. Le clip intitulé "Erdowie, Erdowo, Erdogan", diffusé le 17 mars 2016, critique Recep Tayyip Erdoğan pour notamment la répression de la liberté de la presse menée par son gouvernement et les violences policières envers les manifestants.

Ankara a dans la foulée convoqué l’ambassadeur d’Allemagne, Martin Erdmann, pour des explications officielles. Le ministère des Affaires étrangères turc a demandé que le clip soit supprimé. Berlin a néanmoins refusé, soulignant que la liberté de la presse en Allemagne était indiscutable.

La chaîne "NDR" a rediffusé, le 30 mars 2016, en signe de protestation, le clip satirique sur le président turc Recep Tayyip Erdoğan. "Peut-être qu'Erdoğan n'a pas compris la chanson? C'est pourquoi la revoici et avec des sous-titres en turc!", a lancé le présentateur de l'émission Extra 3, Christian Ehring, pointant la sensibilité d'Erdoğan à la critique.

Une autre satire télévisée visant le président turc le 31 mars a tendu les relations entre Berlin et Ankara. Erdoğan a réclamé des poursuites contre l'humoriste Jan Böhmermann de la chaîne publique allemande "ZDF" l'ayant dépeint en pédophile et zoophile. Embarrassée, Angela Merkel a finalement autorisé les poursuites contre l'humoriste pour "insultes visant le représentant d'un État étranger". Un délit passible de trois ans de prison selon l'article 103 du code pénal allemand.

Cette affaire a placé la chancelière allemande dans une situation délicate, partagée entre le fait de s’en prendre à la liberté d’opinion ou prendre le risque d’ouvrir une crise avec la Turquie, son partenaire privilégié dans la lutte contre la crise des migrants. Perdante dans les deux cas, Angela Merkel a tenté un compromis en promettant la suppression pour 2018 de la disposition permettant de réclamer des poursuites pénales dans ce genre d’affaire.


Un humoriste allemand risque trois ans de prison









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