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La Traviata de Verdi termine en beauté la saison lyrique à Marseille


Par Rédigé le 26/06/2014 (dernière modification le 24/06/2014)

Splendeur et misère d'une courtisane conduite à l'abattoir.


La Traviata ou l'opéra de la mise à mort

traviata_marseille.mp3 Traviata Marseille.mp3  (99.72 Ko)

Verdi a jeté dans sa musique, en se multipliant, son esprit passionné pour susciter, encore une fois, comme par magie, un monde de sons qui reflète la passion dévastatrice des personnages... qui finit par nous emporter également. Inaltérable, l'émotion du dernier acte, quand, l'héroïne, malade de son destin tout autant que de phtisie, affronte comme un Golgotha rédempteur son sacrifice, dans un rêve aigre-doux faisant revivre le bonheur et les souffrances d'autrefois. Rétrospective, requiem pour une vie ratée, Dévoyée à la recherche d'un temps perdu...?

Finalement, un peu tout cela dans la mise en scène de Renée Auphan aux décors et costumes viscontiens et modernes à la fois des complices de toujours, Christine Marest et Katia Duflot. Avec toujours ce véritable travail sur le texte, respecté à la lettre. Les rapports de l'héroïne avec le monde extérieur, la puissance de l'argent, de l'honneur et de la famille sont clairement dégagés. Dans ce demi-monde parisien qui étale sa suffisance et sa vulgarité de jouisseur, rongé par la décadence, apparaît soudain le trouble, l'étrangeté (E strano) de quelque chose qui échapperait à ce même monde: l'amour...

Deux distributions pour les rôles des tourtereaux, et un seul baryton (un exploit rare à saluer bien bas !) se partageaient les six représentations phocéennes.
Ne chipotons pas, impossible, devant l’excellence des deux spectacles d’apporter la moindre critique… Si quand même : quelques coupures dans la partition plus ou moins bienvenues selon le goût de chacun et l’intérêt que l’on porte à l’ouvrage de Verdi.

Au jeu cruel des comparaisons, la brune Zuzana Markovà et la blonde Mihaela Marcu avaient la lourde tâche de conquérir et séduire le public marseillais. Qu'admirer de plus chez la première ? Aisance scénique ou présence dramatique d’une fragilité de porcelaine, splendeur du haut médium, luminosité des notes filées, ou cet art consommé de faire passer l'émotion mezza voce? C’est vous qui voyez…
Plus de violence dramatique peut-être avec sa consœur bulgare Mihaela Marcu, superbe panthère blonde sadiquement menée à l’abattoir, avec en prime cette réjouissante insolence des aigus piqués ou ces graves de poitrine légèrement rauques, telle une confidence charnelle. Les deux se brûlent et se consument aux feux de l’amour dans l’expression toute lyrique de la pureté d’une âme blessée. Dumas est ici servi avec grande classe, Verdi également.

Les ténors rivalisent de juvénilité, de charme, de flamme, d’élan. Une préférence pour Teodor Ilincai? Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas. Peut-être Bülent Bezdüz a-t-il tendance à trop jouer un rôle consolateur auprès d’une malade, et prêt à lui atténuer ses derniers et douloureux instants…
A la fois gardien de l’ordre et de la morale, consolateur d’un père puis d’une tuberculeuse, Germont est un rôle atroce.
Se "tapant" les six représentations d’affilées (les doublures prévues ayant déclaré forfait), Jean François Lapointe rend ses lettres de noblesse au "baryton verdien". Beauté du timbre, texte récité autant que chanté avec ce savoureux sfumato fait de mépris dédaigneux et de paternalisme moralisateur éclatant. Notre baryton québécois, transformé ici, avec originalité ou ironie, lui qui ne parle que de Dieu et de morale, en une sorte de pasteur de campagne, décape totalement l’approche du personnage expurgé de ses réflexes véristes et donne de nouvelles lueurs à ce rôle charbonneux, terriblement conventionnel.

"Comprimari de primo cartello" (une mention pour le grandiose Baron Douphol chanté avec aplomb et impertinence, vécu de main de maître par un Jean-Marie Delpas sorti tout droit de chez Daumier ou de la Banque de France!) et chœurs parfaits comme toujours.

On croyait connaître l’ouvrage sous la direction "haute tension" de Eun Sun Kim. Que nenni! Plaisir de redécouvrir un chef qui crève l’écran, capable de respirer avec ses chanteurs, de les mettre en valeur, attentif comme pas deux au tissu orchestral ou à la rigueur rythmique.
Ce qui sort de la fosse ressemble à une tiède braise vénéneuse qui se fond admirablement dans l’esprit mortifère de la mise en scène. Pour mieux déployer la violence étouffante de cette passion déchirante et déchirée.














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