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La justice de la manipulation


Par Max Dominique Ayissi Rédigé le 13/05/2009 (dernière modification le 13/05/2009)

La Cour suprême du Cameroun juge irrecevable un recours en révision introduit par l’Etat, représenté par le Ministère de la Culture, contre l’ordonnance de sursis à exécution du retrait de l’agrément de la Cameroon Music Corporation (CMC).


AMA TUTU MUNA, le Ministre de la Culture (Photo : Max Dominique Ayissi)
AMA TUTU MUNA, le Ministre de la Culture (Photo : Max Dominique Ayissi)
La plus haute juridiction camerounaise reproche au ministère de la Culture d’avoir exercé son recours « contre une décision provisoire », en même temps qu’elle juge inacceptable le fait que « le recourant n’invoque aucune des conditions visées par la loi susceptible d’entraîner l’ouverture en révision ». Pour la Cour Suprême, l’Etat du Cameroun a « méconnu les textes organisant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs ».
L’opposition, introduite le 14 février 2009, répondait à l’ordonnance du 17 décembre 2008, de sursis à exécution de la décision ministérielle, du 12 mai 2008, portant retrait de l’agrément de gestion collective du droit d’auteur dans la catégorie « B », de l’art musical, à la CMC. Une décision suivie de la mise sur pied d’un comité ad hoc, chargé de liquider les affaires courantes. Le processus aboutira à la création, le 07 juin 2008, de la Société Civile Camerounaise de l’Art Musical (Socam), qui obtient son agrément le 03 juillet de la même année.

Désaveu et légèreté

L’ordonnance, qualifiée à juste titre de désaveu de l’Etat du Cameroun par la Cour Suprême, est venue en rajouter à la confusion qui régnait déjà dans la gestion collective du droit d’auteur de l’art musical, au Cameroun. Silencieuse depuis le 17 décembre 2008, la CMC fait diffuser, depuis quelques semaines, des communiqués annonçant son retour dans la collecte de la redevance du droit d’auteur. Dans la foulée, la Socam, soutenue par le ministère de la Culture, informait l’opinion de ce qu’elle était seule habilitée à le faire. Les deux parties affirment, à qui veut les entendre, que toute personne qui aura payé à l’autre devra y aller par deux fois.
Contrairement à ce qu’affirme l’ordonnance du 05 mai dernier, l’ordre public est incontestablement menacé, dans un environnement où une étincelle suffit, comme en février 2008, pour laisser exploser la colère des misérables et la malignité des déstabilisateurs. L’on va inéluctablement vers un embrasement, vers un clash, entre des équipes antipathiques qui iront simultanément sur le terrain, pour la même cause. La décision semble donc en contradiction avec les dispositions légales qui affirment que, pour rendre justice, la Cour doit s’assurer que l’exécution de la décision n’est pas de nature à causer des dommages irréparables, ni à troubler l’ordre public.

Injuste justice

Ces décisions de la Cour Suprême sont loin d’être la preuve, par excellence, de l’indépendance du pouvoir judiciaire, qu’elles peuvent paraître. Le juge Emmanuel Sandeu, qui a rendu l’ordonnance du 17 décembre 2008, avait ignoré les mémoires de l’Etat du Cameroun, que les défendeurs disent pourtant avoir déposé dans les délais. Ce qui devrait juridiquement conduire à la nullité de la décision. L’ordonnance du 05 mai n’en tient pas non plus compte. Interrogé sur cette omission, le juge fait valoir son devoir de réserve. Une lapalissade selon laquelle « un juge n’a pas le droit de commenter sa décision ». 
Pour réfuter la thèse de la conspiration du silence, il estime n’avoir « aucune raison de prononcer un jugement contre l’Etat ». Il n’en demeure pas moins qu’il s’est passé des dispositions de l’Article 101 de la loi de 2006, portant organisation de la Cour Suprême du Cameroun. Celle-ci lui donne le droit de mettre les parties en demeure, pour une présentation, dans les 15 jours, de leurs conclusions.
D’autre part, les deux ordonnances mettent sur la scène deux sociétés de gestion du droit d’auteur de l’art musical, alors même que la loi stipule qu’il ne doit en exister qu’une seule à la fois. La suprême des cours de justice camerounaises ne semble pas avoir été au courant de ces dispositions. Le juge s’en défend. La réponse positive, au sursis à exécution, introduit par la CMC, est intervenue, 5 mois après la fin de l’action concernée. Puisque, légalement, la mort de la CMC était consommée avec la naissance de la Socam. La CS a-t-elle pu ignorer qu’un recours en sursis à exécution ne vaut que le temps que dure l’action concernée ?

Des décisions hors la loi

La Cameroon Music Corporation se voit donc remise en scelle, par une Cour Suprême, qui semble avoir choisi cette espèce pour faire preuve d’une indépendance, qui lui aurait été utile en d'autres circonstances plus cruciales. Ignorait-elle que l’agrément de la CMC, obtenue en 2003, avait expiré en septembre 2008 ? Ce serait une injure de le croire ! Alors qu’elle envoie tacitement la CMC collecter la redevance du droit d’auteur de la catégorie « B », sans clairement déclarer la mort de la Socam, elle s’est également octroyé le droit de prolonger son agrément. En contradiction avec les textes en vigueur, qui en donnent l’exclusivité au ministre de la Culture.
Entre autres curiosités, Sam Mbendé et Claude Laurent, respectivement Pca et Directeur Général de la CMC, au moment des faits, font l’objet de poursuites judiciaires pour détournement de 450 millions de franc Cfa. L’enquête fait du sur place par devant la Direction de la Police Judiciaire du Centre, à Yaoundé, depuis un an. Une autre plainte, déposé au commissariat du 8e arrondissement de Yaoundé, contre la levée « illégale » des scellés apposés sur les bureaux de la CMC, ne va pas plus vite. D’autres espèces restent en suspens devant le juge d’instruction du tribunal de grande instance du Mfoundi à Yaoundé, concernant les mêmes individus et sur les mêmes motifs. Il en est de même pour l’audit de la gestion de CMC, qui est devenu un vrai serpent de mer. Autant de des circonstances suspectes qui ne sont pas innocentes d’un désir volontaire et certainement très haut placé de ne pas voir clair dans la gestion qui a été faite du droit d’auteur, entre 2003 et 2007.
Dans un pays où la manipulation et la fragilisation de l’Etat sont devenues l’exercice favori des cercles mystico-pouvoiristes, il est incontestable que cette affaire CMC-MINCULT marque une autre étape vers la recherche d'un embrasement social au Cameroun. La célérité avec laquelle la Cour Suprême va traiter le pourvoi en cassation, que va certainement déposer l’Etat du Cameroun, en dira un peu plus sur les mobiles et motivation de cette « liberté subitement retrouvée » de la justice camerounaise.








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