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L'enlèvement au sérail de Mozart à l'Opéra de Nice


Par Rédigé le 20/01/2012 (dernière modification le 19/01/2012)

Un Mozart dans l'optique du siècle des lumières.


Dans son "Enlèvement au Sérail", son premier opéra vraiment populaire, Mozart a tout mis: les exaltations juvéniles du cœur, les résonances douloureuses de l’amour opprimé, la tradition du théâtre allemand et les turqueries à la mode en 1782, l’opéra buffa et l’ivresse lyrique de la voix, le frémissement sensuel de la tendresse, le sourire et les larmes…
Mais ne nous y trompons pas! Avec son profil de guignol et son appui presque innocent sur les conventions de carnaval, voilà bien un Singspiel archiaristocratique! Les sentiments y sont d’une pudeur, d’une élévation toute cornélienne, et les chanteurs sont, eux, confrontés aux plus exigeantes prouesses du plus exquis belcanto.
Le sujet des chrétiens réduits en esclavage par les Turcs était alors très en vogue à cette époque. Mais là encore, Mozart et son librettiste Stephanie innovaient. Depuis Metastase, la magnanimité des despotes était un argument en faveur dans les opéras de cour. Peut-être pouvons-nous y voir aussi l’influence d’un Rousseau: le Pacha Sélim illustrant bien en effet la théorie du "bon sauvage" donnant aux Européens "civilisés" un sublime exemple de générosité.

A l’opéra de Nice, le spectacle proposé par Ron Daniels (décors et costumes de Riccardo Hernandez et Deidre Clancy) emporte l’adhésion la plus totale. Débarrassée de toute turquerie de pacotille, sa mise en scène s’attarde simplement sur un cruel jeu de l’amour et du hasard, avec ça et là quelques touches de fantaisie qui ne vont jamais à l’encontre de la musique, mais la rehausse. Avec ce côté respect de l’opéra alla grand-papa qui vous réconcilie avec la tradition. Un rien statique en première partie, l’ouvrage prend son envol en seconde tout en gardant ce côté grave et solennel, tel qu’écrit et voulu par un Mozart déjà mûr.
Au pupitre d’un Orchestre Philharmonique de Nice dans une forme éblouissante, Leopold Hager, épouse logiquement cette conception avec une direction volontairement appuyée, aux tempi amples et lents, aux couleurs sombres, aux tons feutrés, les marches turques devenant alors presque anachroniques.

Côté plateau on frôle la perfection. Volons à l’essentiel. Le géant islandais Kristinn Sigmundsson, basse saine et généreuse en Osmin, évite tout effet facile et abandonne tous les tics d’un personnage que la coutume transforme en clown. Maxim Mironov, dans la tradition des ténors mellifluents, prend parfois des accents héroïques bienvenus, qui au-delà de Belmonte annoncent peut-être déjà Florestan. Joli travail aussi de Joanna Mongiardo, vive et espiègle Blondine et de Peter Hoare, merveilleusement gavroche, qui renouvellent totalement l’image du couple de valets et font dignement face au pathétique Selim de Wolfgang Rauch. On sera par contre un tantinet plus réservé pour la jolie Constance d’Anna Kristina Kaapola. Emérite Gilda et Reine de la Nuit, la soprano finlandaise, en ce soir de première, manque d’un rien de germanité dans son chant. Si "Traurigkeit" plein de couleurs, murmuré, est déchirant, "Martern alle Arten" d’une prudence rare, plein de grâces subtiles reste bien étroit, avare de feu, de violence, d’aisance dans la vocalise. On ne la sent jamais au bord du suicide. Minime réserve.








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