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Haïti : triste tropique ?

Cet article a participé au 1er Concours Reportage Nouveau Média


Par Lea Raso della Volta Rédigé le 16/12/2010 (dernière modification le 16/12/2010)

Petite ONG, Haïti-France Partage a lié son sort aux habitants de ce qui fut le plus grand bidonville de Port-au-Prince. Inlassablement elle vient en aide aux plus démunis, mais sa présidente confesse son pessimiste quant à l’avenir des habitants de l’île.


Photo personnelle
Photo personnelle
Cela fait plus de quinze ans qu’Anne-Marie Freygefond Négre est sur le terrain, un temps qu’elle a mis à profit pour "se faire accepter" des habitants du plus grand bidonville de Port-au-Prince, si réticents à l’égard des étrangers. Quinze ans qui lui ont permis d’apprendre les règles de ce microcosme à l’organisation si stricte et pyramidale.

Quinze ans aussi à partager leur quotidien, fait de petits, mais surtout de grands tourments bien antérieurs au séisme. Car Haïti, avant que les médias ne place l’île au centre de l’actualité était au ban de la communauté internationale : mauvaise élève des droits de l'homme, république bananière atteinte d'une pauvreté qui a pris depuis bien longtemps une allure de maladie endémique, société minée par la corruption où les gangs imposent leur loi aux plus vulnérables et régnant sans partage sur les bidonvilles.

Suite au séisme l’association d’Anne-Marie, Haïti-France Partage s'est vue contrainte de mettre entre parenthèses son action dans ce bidonville littéralement suspendu à la colline ! : "La population était désemparée et on s’entendait dire : "vous les blancs vous n’êtes bons qu’à vous faire de l’argent sur notre dos ! Je leur ai demandé de quelle manière je pouvais les aider ; ils m’ont dit en faisant du déblayage !"

Anne-Marie se retrouve confrontée à un problème à première vue insurmontable : "Je n’avais aucun moyen logistique, mais j’ai mobilisé les comités de quartier, ou du moins ce qu’il en restait pour qu’ils assurent des rondes avec la MINUSTAH et puis j’ai monté des équipes de quatre ouvriers que je changeais tous les quinze jours, pour faire travailler tout le monde."

Ses équipes s’attachent à déblayer les corridors, pour éviter tout risque de vol, et parfois à la demande de particuliers effectuent des incursions dans les maisons, le plus souvent pour y faire de macabres découvertes.

Tout sauf le saupoudrage de l’action humanitaire

Depuis qu’elle a repris les rênes de l’association en 1989 Haïti-France Partage, cette infirmière spécialisée dans les maladies tropicales, n’a qu’un seul objectif en tête : celui de coller au plus juste aux besoins de la société haïtienne et d’aider efficacement cette population en grande détresse : les enfants, mais surtout les adolescents souvent rejetés de leur foyer, que l’on retrouve sur les places de Port-au-Prince et qui le soir venu investissent le moindre coin : "J’ai vu des choses terrifiantes, des enfants sortir de dessous les étals comme des cafards."

Anne-Marie va prendre un créneau sur lequel personne jusque-là n'a osé s’aventurer et concentrer ses efforts sur les gamins. En compagnie du père Strà, elle se met à sillonner les rues à la recherche de ceux qui deviendront "ses enfants", pour eux elle louera des chambres en ville afin de leur éviter la rue et de devenir les proies des gangs. Puis viendra l’accueil des fillettes, dont personne ne veut s’occuper qui souvent sont enceintes dès l’âge de treize ans, convaincues de donner naissance à une poupée. Anne-Marie assurera leur suivi sanitaire, juridique et luttera pour les soustraire à la prostitution et la drogue, en partenariat avec le Centre Lakou-Lakay. Enfin, autre cheval de bataille et non des moindres, le micro-crédit et l’épargne qu’elle accorde aux femmes des Vérrettes, qui seules assurent la responsabilité et la charge de famille. Ces femmes issues des zones rurales, se sacrifient pour payer l’école à leurs enfants, car à Haïti, l’école est payante à 80 %, ce qui explique le taux de fréquentation si bas.

Une action qu’elle veut le plus ciblée possible, car Anne-Marie le sait bien, ce qui guette les associations humanitaires, c’est le risque de saupoudrage. D’ailleurs, elle n’est pas tendre avec les ONG peu à l’écoute des besoins réels de la population et qui sont guidées par une idéologie bienveillante, qu'elle juge contre-productive, comme l’aide psychologique : "Jamais, les Haïtiens n’iront se confier à un étranger, c’est un vieil héritage de l’esclavage où l’on se méfiait des blancs, donc toutes les ONG spécialisées dans ce genre d’activité n’apportent rien !" ou bien encore les vastes programmes d’alphabétisation en faveur des femmes : "Autant d’argent perdu, car les paysannes haïtiennes n’ont qu’une chose en tête, travailler pour offrir une éducation et une vie meilleure à leurs enfants ; quant à elles, c’est terminé, elles savent qu’elles n’apprendront jamais à lire et d’ailleurs, le souhaitent-elles vraiment ?"

Anne-Marie pense qu'il est urgent de restaurer le système économique, mais les choses n’en prennent pas vraiment la voie, les camps de tentes risquent de se prolonger dans le temps et les Haïtiens n’y resteront pas : "J’ai constaté que l’ancien bidonville est en train de se reconstruire à l’identique, alors même qu’il serait judicieux de construire du neuf, en bois et de sortir la population de la pauvreté."








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