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Mme Lydia Sessi Loko, présidente de l’ONG ICD: «Notre démarche est de ramener l’éthique sur nos écrans de télévision»


Par Rédigé le 27/07/2010 (dernière modification le 27/07/2010)

Au-delà des critiques portées contre les telenovelas, de plus en plus de voix s’élèvent contre l’influence néfaste de la télévision qui confronte très tôt les enfants à la violence, à la sexualité et au matraquage publicitaire. L’ONG Initiative pour la citoyenneté et le Développement (ICD) réfléchit aux effets pervers du phénomène et fait des propositions pour protéger au mieux les enfants sans nuire à leur curiosité. Mme Lydia Sessi LOKO qui préside aux destinées de ladite association nous parle de ce combat pour libérer les consciences des programmes pernicieux de la télé.


Quelle analyse faites-vous des programmes qu’offrent les chaînes de télévision au public des enfants ou des jeunes ?

Mme Lydia Sessi Loko, présidente de l’ONG Initiative pour la Citoyenneté et le Développement (ICD).
Mme Lydia Sessi Loko, présidente de l’ONG Initiative pour la Citoyenneté et le Développement (ICD).
Telle la langue d’Esope, la télévision est à la fois le meilleur et le pire des compagnons pour nos chers petits. Selon les spécialistes, dès la naissance, les processus de pensée, d’imagination, d’éveil et même le comportement de l’enfant peuvent être modifiés par la télévision. Elle lui attribue des modes de pensée positifs ou négatifs selon les messages enregistrés au fil du temps par le jeune téléspectateur. Car pour les enfants, tout ce que la télé montre est vrai. L’enfant s’identifie très facilement à son héros du petit écran. Il ne peut pas encore faire la part des choses, il rêve et construit autour de lui un monde plus dangereux selon qu’il est bombardé d’images violentes ou de scènes à caractère sexuel. Les téléfilms qui passent sur nos chaînes nationales, par exemple, ne sont pas faits pour les enfants. Mais étant diffusés à des heures pas très avancées et comme les parents eux-mêmes les suivent avec passion, les enfants finissent par s’y intéresser. Or dans ces films l’enfant perçoit la jalousie, la rivalité, la violence, les tueries, bref, des attitudes à ne pas reprendre. Mais ne pouvant faire le tri entre fiction et réalité, il a tendance à imiter les mêmes attitudes, reproduisant précocement des schémas réservés à la vie adulte. Combien de fois n’avons nous pas assistés incrédules à une course poursuite d’enfants avec à la main des objets représentant pour eux des armes et se tirant dessus ? C’est un jeu bien entendu mais une conduite qui n’est certes pas anodine. Deux exemples vrais parmi tant d’autres pour illustrer cette influence de la fiction générée par la télévision sur l’enfant.
Le 12 octobre 2008 en Espagne, un enfant de 9 ans se croyant invulnérable à l’instar de son héros préféré, Spiderman, a enfilé le masque de l’homme araignée avant de tenter de sauter d’un immeuble à un autre faisant une chute mortelle du 4ème étage.
A Cotonou, une fillette de 6 ans s’est sentie « amoureuse » après avoir regardé le feuilleton Rubi. Répétant ainsi naïvement la réplique d’une des actrices de ce film à l’eau de rose.
Les experts sont formels : la télévision peut participer à l’éveil de l’enfant et à son accès à la connaissance du monde tout comme elle peut le transformer négativement. Ce puissant outil de découverte s’avère donc potentiellement nocif pour les tout-petits trop tôt plongés sans boussole dans cet univers des adultes.

Comment limiter les risques de la télévision pour les enfants ?

L’influence de la télé sur les enfants dépend de plusieurs facteurs tels que le temps passé par les enfants devant le petit écran, leur âge, leur personnalité, le fait de regarder seuls les émissions ou en compagnie d’adultes, la discussion qui se fera, par la suite, sur le contenu visionné. Le rôle des parents se révèle dès lors crucial en termes d’encadrement des enfants face à la déferlante des images télévisuelles. En jouant sur l’un ou plusieurs de ces facteurs, il est possible de minimiser les effets potentiellement négatifs de la télé tels que énoncés dans les conclusions des chercheurs. En effet, des études ont révélé trois réactions possibles chez les enfants exposés à un contenu télévisuel violent : l’accroissement de la peur, la désensibilisation face à la violence en général et l’augmentation du comportement agressif. Il est démontré également que la télévision peut nuire à l’apprentissage et à la performance scolaire de l’enfant et avoir ainsi des effets à terme sur son développement. Enfin que dire du contenu sexuel des messages et des images présents abondamment à la télé mais aussi dans d’autres médias comme Internet, films et magazines ? Certaines campagnes publicitaires menées pour prévenir les Infections Sexuellement Transmissibles (IST), par exemple, utilisent le canal télévisuel comme un puissant outil d’éducation des jeunes sur leurs responsabilités et les risques de leur comportement sexuel. Ce qui n’est, malheureusement, pas le cas de la quasi majorité des émissions à caractère sexuel de la télé. Les enfants de la télé entament souvent une vie sexuelle trop précoce avec à la clé des cas de viols et de déviations sexuelles.

Vous ne condamnez pas la télévision de façon absolue. Pour vous, il y a de la bonne télé…

La télévision peut influencer favorablement nos loisirs notre savoir, notre culture et nous renseigner sur l’actualité, la météo, le sport et même sur la musique. Il suffit, dans un environnement surchargé où la multiplication des chaînes numériques spécialisées est croissante, que les parents recherchent des émissions de grande qualité et chaque fois que c’est possible de les suivre en famille. La télé peut devenir un catalyseur et amener les enfants à approfondir un sujet à l’aide de livres ou en consultant des auteurs dont le travail a été adapté pour une émission. Des émissions de qualité peuvent transmettre des valeurs importantes et donner des leçons de vie aux enfants. Certaines émissions traitant de sujets controversés peuvent faciliter la discussion entre parents et enfants. Mieux, les émissions telles que celles éducatives peuvent développer la socialisation, aider les enfants à mieux connaître d’autres peuples et d’autres cultures, développer leur esprit critique, etc.
Mais une fois encore le rôle de régulation revient prioritairement aux parents qui doivent prendre conscience des dangers que représente la télé pour les enfants et encadrer par conséquent les séances de télé de leurs enfants. Les chaînes de télévisions nationales également devraient s’efforcer de rendre leur programmation plus adaptée au public des jeunes. Les télénovelas porteuses de messages désaxés, contraires à la morale et étrangers à la culture africaine en vogue aujourd’hui de même que les séries télé importées les unes plus violentes que les autres et la quasi absence de productions autochtones se combinent, reconnaissons le, à rendre plus difficile la lutte contre les risques réels encourus par nos enfants du fait de cette déferlante d’images.


Que fait concrètement votre ONG face à ce phénomène ?

Nous avons mis en place un projet appelé «Ecran éthique». Ce projet, le principal de ICD pour 2011, est un plaidoyer pour la diffusion des images saines sur les écrans de télévision. En effet, il est notoire aujourd’hui de constater que les programmes télévisuels en général et les productions cinématographiques en particulier qui sont télédiffusées ne tiennent compte ni du jeune âge des téléspectateurs ni des heures adéquates de passage ni même de leur contenu instructif. Les scènes indécentes ou de violence envahissent ainsi les foyers et frappent de plein fouet en endommageant le fragile mental des enfants. Notre démarche vise d’abord à donner l’alerte. Notamment attirer l’attention des pouvoirs publics sur le phénomène afin qu’en amont, ils puissent faire une programmation qui tienne compte des normes morales et sociales. Notre combat compte rallier les pouvoirs religieux à cette cause, appeler à la vigilance les parents sur ce problème qui est d’autant plus dangereux qu’il paraît anodin. Ensuite, il conviendra d’éduquer les enfants quant à l’attitude à adopter face à cette déferlante des images télévisuelles. En gros, il s’agit de sensibiliser le public sur les méfaits de ces images sur les enfants. Avec le concours des spécialistes thérapeutes, on va animer des discussions et des fora sur les effets pervers des images indécentes et/ou violentes sur le développement psychologique et mental des téléspectateurs mineurs.

En dehors de la sensibilisation, que comptez-vous faire pour mettre fin à ce que vous considérez comme un péril ?

Nous allons faire le point des solutions technologiques existantes notamment celle proposée par exemple à travers le procédé ‘Ethiquemètre’. Cette technologie serait, semble t-il, efficace pour prévenir contre les programmes inadéquats à la télé. Ce procédé permettrait le paramétrage complet des programmes télévisuels afin de prévenir leur éventuelle nocivité. Nous allons tenter de nous approprier ce procédé et le mettre en place, en partenariat avec des organismes internationaux que nous avons déjà identifiés afin d’en permettre l’accès à un large public.
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