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Un Hongrois en Turquie


Par Jeanne Voisin Rédigé le 11/03/2012 (dernière modification le 09/03/2012)

Fin 2011 paraissait chez Honoré Champion, éditeur réputé de textes classiques, dans la collection Bibliothèque d’Études de l'Europe centrale, un ouvrage intitulé "Lettres de Turquie" de Kelemen Mikes. Elles ont été publiées pour la première fois en 1794 à Szombathely, une bonne trentaine d'années après la mort de leur auteur et leur unique manuscrit se trouve au Liceum d'Eger. Une édition parut à Budapest en 1906. Quelques œuvres inédites, particulièrement religieuses, de Mikes sont aux Archives des manuscrits du Musée national de la capitale hongroise.


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Kelemen Mikes est né en août 1690, en Transylvanie, à Zágon où une statue lui a été érigée. Il est élevé chez les Jésuites de Kolozsvár, aujourd'hui Cluj-Napoca, et entre en 1707 au service du prince François II Rákóczi, d'abord comme page. En 1712, il le suit en Pologne, en Angleterre puis en France jusqu'en 1717. Ils partent alors pour la Turquie et s'installent à Rodosto, l'actuelle Tekirdağ, au bord de la mer de Marmara. C'est là que s'éteint le prince le 8 avril 1735, jour de vendredi saint et il fait le récit bouleversant de cette fin. "Dieu nous a rendus orphelins, aujourd'hui il nous enlevé notre tendre seigneur et père, ce matin après trois heures" écrit Mikes dans sa lettre 112. En 1741, les derniers exilés demandent une amnistie à l'impératrice Marie-Thérèse, qui la leur refuse. En 1758, Mikes devint chef des Hongrois de Rodosto, par ailleurs ils ne sont plus que deux compagnons de l'entourage de Rákóczi, il meurt le 2 octobre 1761.

Des loisirs bien employés

Durant ce long exil, il va écrire, à un seul interlocuteur, ou plutôt une interlocutrice, une cousine imaginaire, la comtesse d'E. P., avec laquelle il correspondra jusqu'à la fin, "ma douce cousine". Qu'il lui confie de petits faits ou le 19 novembre 1740 de Rodosto, "Les oreilles te sonnent-elles? L'empereur romain est mort le 20 octobre", il s'agit de Charles VI, empereur romain germanique, roi de Hongrie, mort le 20 octobre précédent à Vienne. Dans l'avant-propos d'Antal Szerb qui est extrait de son Histoire de la littérature hongroise parue en 1934, l'écrivain nous révèle son admiration pour Mikes, pour ses lettres et le rôle fondateur qu'elles jouent. "Après les âmes farouchement dévotes et ardemment héroïques, il introduit l'ère de l'humanité qui marquera l'époque la plus digne de fierté de la littérature hongroise avec Kazinczy, Kölcsey et Vörösmarty. Après la grandeur artistique et culturelle de Balassi et Zrínyi, l'exploit de Mikes est la victoire de la civilisation". Rien à voir naturellement avec "Les Lettres persanes" de Montesquieu où il s'agit d'une correspondance fictive échangée entre deux voyageurs. Depuis la première lettre adressée de Gallipoli, actuellement Gelibolu, le 10 octobre 1717 jusqu'à la dernière rédigée le 20 décembre 1758, 207 lettres écrites en hongrois avec de nombreux emprunts au dialecte transylvain, qui nous mènent d'Andrinople, YeniKöy, Beykoz, Buyükali,Constantinople, Cernavoda, actuellement en Roumanie, à Vidin et Rustchuk en Bulgarie, Fetislam en Serbie, Bucarest et Iassy avec retour à Rodosto. Il lui raconte des faits de la vie quotidienne, des remarques sur la vie des émigrés hongrois, des descriptions de l'Empire ottoman, des nouvelles de la Porte, des allusions aux coutumes et mœurs turques qu'il a le temps de connaître au cours e ces quarante ans de séjour. La lecture de celui que l'on appelle parfois le Goethe hongrois, est des plus réjouissantes et on se se félicite de faire ainsi la connaissance d'un des grands acteurs de la prose hongroise. Outre qu'il est excellemment traduit et annoté par Krisztina Kaló et Thierry Fouilleul, l'ouvrage dispose d'un appareil complet d'indications, chronologie, glossaire linguistique, de noms de personnes et de lieux qui en font une mine de renseignements sur cette époque. Il a été présenté à Paris, à Bordeaux et à Budapest dans le cadre de colloques internationaux.

Rappels

En novembre dernier, le président de la République et le Premier ministre hongrois qui effectuaient une visite de quatre jours en Turquie, se sont rendus à Istanbul les 16 et 17 et se sont recueillis sur le tombeau du prince Rákóczi. Il fut enterré dans la chapelle de l'ambassade de France, actuellement au sein du lycée privé Saint Benoît, auprès de sa mère Ilona Zrínyi, décédée le 18 février 1703. Revenus en Hongrie en 1906, leurs corps furent enterrés le 29 octobre de cette année-là dans la crypte de la Cathédrale Sainte-Élisabeth de Košice, en Slovaquie. Le prince Rákóczi était né le 27 mars 1676 à Borsi, actuellement Borša, près de de Košice. En accord avec son testament de 1732, son cœur a été déposé à Yerres dans le département de l’Essonne de la banlieue parisienne où de 1715 à 1717, le prince de Transylvanie avait fait retraite au couvent des Camaldules.
En novembre encore, on pouvait voir au musée des Beaux-Arts de Budapest une petite exposition de photos intitulée "The traces of Hungarians in Turkey". Elle rappelait que ce pays accueillit de nombreux Hongrois ou que ceux-ci y voyagèrent. Des héros nationaux tels Imre Thököly, François II Rákóczi, Lajos Kossuth, ou des artistes comme Bartók et Liszt. Leur souvenir est perpétué à İzmit, Tekirdağ, Kütahya, Istanbul et au Palais de Dolmabahçe de cette ville.








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