D'Alexandrie à Bordeaux par les terres - Balades italiennes

A Piran, on est déjà presque en Italie, risotto de fruits de mer au menu de tous les restos, orgie de grisini à l’apéritif, et dolce vita à l’accent slave, ce petit port slovène méconnu fut une bonne surprise. Dernier petit tour de Piran et de ses curiosités architecturales au matin avant de partir, le temps d’admirer une dernière fois une petite place de la ville à l’ambiance méridionale avec son café sous une tonnelle et une étonnante gouttière qui passe par la gueule béante d’une gargouille facétieuse. Et on reprend le bus dans l’autre sens pour Trieste. Entre l’Italie et la Slovénie, pas de frontière, on a plutôt l’impression d’une liaison locale. La Slovénie est totalement européenne, le plus riche des pays balkaniques est le premier des dix pays d’Europe de l’Est entrés dans l’Union Européenne à être déjà passé à l’Euro.

On ne verra pas grand-chose de Trieste si ce n’est les grands bâtiments néo-classiques autour de la gare. Mais j’ai l’impression de me retrouver soudainement revenue à la vie active à l’européenne avec les employés pressés qui se précipitent pour prendre leur train le matin, dossiers sous le bras. A travers les gares et les trains italiens, on sent que la France et la fin de notre périple sont proches, il ne nous reste qu’une dernière escale dans la belle ville de Vérone. Une fois arrivées, la gare est assez éloignée du centre-ville, il s’agit alors de s’y retrouver dans la jungle des numéros des lignes de bus et de leurs arrêts autour de la gare. On est finalement en route dans le bon bus qui nous conduira non loin de l’auberge de jeunesse. Sur le chemin, premier aperçu de la ville et de ses charmantes petites rues Renaissance dans lesquelles on a immédiatement envie de se perdre. L’auberge de jeunesse est un monde en soi, aménagée dans une ancienne demeure du XVIe siècle, c’est une ambiance d’internat avec ses règles strictes (draps à la réception, dortoir, casier, douche collective, couvre-feu…) dans un décor de villa bourgeoise au milieu d’un parc aux statues classiques. On évite cependant le dîner de l’auberge qui fait un peu « cantine » car on est trop impatientes de se délecter de gastronomie italienne dans un restaurant de la ville sous les portiques d’une rue de la vieille ville.

A Vérone, difficile d’oublier qu’on se trouve dans la ville romantique de Roméo et Juliette, leur souvenir est rappelé un peu partout sous la forme de noms de restos, de petites pâtisseries « baisers de Juliette » et « baisers de Roméo », ça a l’air d’être un marketing assez porteur… Et devant la maison de Juliette, il y a toujours à n’importe quelle heure du jour et de la nuit des badauds pour se prendre en photos ou laisser des inscriptions sur les murs d’entrée. A l’intérieur de la cour de la maison, il y a également une statue de Juliette dont les visiteurs ne cessent de tripoter le sein droit, ce qui d’après la légende, porterait bonheur en amour. Mais ce qui nous intrigue au cours de notre séjour à Vérone c’est la question de savoir si Roméo et Juliette ont vraiment existé… Nous pensions qu’ils étaient seulement les héros d’une tragédie imaginée par Shakespeare mais du coup, comment peut-il se trouver à Vérone la maison d’une héroïne de fiction ? Renseignements pris, il s’avère que cette maison a bien appartenu à une famille véronaise du nom de Capulet (Capuleti en italien, dont l’insigne, un chapeau, figure toujours sur la façade de la dite maison).

Et si rien ne prouve au niveau historique qu’une Giuletta Capuleti ait existé et vécu dans cette maison, il n’y a rien non plus qui prouve qu’elle n’ait pas existé. Comme toujours, une histoire d’amour sûrement véridique a dû se mêler à une part d’imagination au fur et à mesure qu’elle se racontait dans le pays pour créer un mythe qui a ensuite été retranscrit par différents auteurs italiens entre le XIV et le XVIe siècle. Puis elle a été reprise par un auteur français, et cette version a elle-même été traduite en anglais. C’est cette dernière qui est arrivée jusqu’à Shakespeare et lui a inspiré sa célèbre tragédie. Il n’en reste pas moins, qu’authentique ou non, cette maison au célèbre balcon est une magnifique demeure de la fin du Moyen-âge, superbement restaurée. La supposée tombe de Juliette dans un autre quartier de la ville nous laissera plus sceptiques. Mais Vérone a également bien d’autres points d’intérêts, comme ses arènes avec ses grandioses décors d’opéra, la Piazza delle Erbe flanquée de ses palais Renaissance, sans oublier sa délicieuse Gelateria à laquelle on devient addict dès la première lippée de glace à la pistache fraîche…