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L'édito de la semaine: De l’utilisation de l’histoire en politique


Par Rédigé le 19/02/2017 (dernière modification le 19/02/2017)

Comment faire pour se démarquer en politique? Comment faire pour se faire remarquer par les dirigeants des pays étrangers et se poser en candidat crédible comme futur président de la République française? C’est très simple, vous reprenez un vieux discours et vous l’adaptez à la situation actuelle.


edito_190217.mp3 Edito 190217.mp3  (1.59 Mo)

C’est ce que n’a pas hésité à faire le candidat Emmanuel Macron en voyage en Algérie. Face à un public conquis d’avance – comment pourrait-il en être autrement, vu le comportement des colonisateurs de quelque nationalité qu’ils soient en terre africaine et ailleurs – il a qualifié la colonisation française en Algérie de crime contre l’humanité. Le résultat n’a pas manqué d’être à la hauteur du gros pavé jeté dans la mare. Bien sûr, on voit tout de suite l’opportunisme de la déclaration. Macron ne se soucie pas plus des Algériens et de leur histoire que d’une guigne. Mais il y avait là l’occasion de passer pour un moderne face aux dinosaures des partis politiques classiques et il ne pouvait la laisser passer. Une belle occasion de se démarquer encore de ces mêmes partis et de faire le buzz autour de soi, ce que manifestement le candidat Macron sait faire. C’est par conséquent une réussite.
Dans les faits, Macron n’a pas tort. Ce qu’ont fait les Français en Algérie et dans d’autres colonies est inqualifiable, justement. Crime contre l’humanité ou génocide, le débat est lancé en France et évidemment pas ailleurs – j’entends chez les colonisés - où la question ne se pose même pas tant elle est évidente. Mais là encore, le problème n’est pas juridique mais moral. Les victimes voudront qualifier ce qu’ils ont vécu de crime contre l’humanité, les colonisateurs voudront minimiser leurs exactions, tout en sachant, et les derniers sondages le prouvent, que le temps passant c’est de moins en moins vrai. Connaître son passé et l’assumer, c’est faire preuve de maturité. Alors évidemment, lorsqu’on l’a vécu et qu’on pense en avoir été victime, lorsqu’on n’est pas par conséquent capable d’avoir un certain recul sur la question soulevée, le mieux semble-t-il est de ne rien dire. Même si nous sommes d’accord qu’en histoire comme avec d’autres sujets, la vérité n’existe pas, il y a néanmoins des faits établis et celui des crimes commis par les colonisateurs quels qu’ils soient, en est un. Mais une fois d’accord sur ce point que reste-t-il à faire? Faire son mea maxima culpa? Indemniser les victimes? Demander pardon est de facto reconnaître le mal commis. Cela semble le plus important et le plus réalisable. L’inconvénient dans l’histoire de l’humanité, c’est qu’à un moment ou à un autre, tout peuple a été victime d’un bourreau et plus tard, la victime est parfois devenue elle-même un bourreau. Plus délicat encore, on s’aperçoit vite que la victime n’est pas un bloc monolithique et que parmi les peuples victimes se sont glissés des opportunistes. Le passé n’a jamais qu’une seule face et il faut se préparer à regarder toute la vérité en face. L’exercice n’est évident pour personne. D’où l’importance de la recherche historique qui doit faire son travail et restituer chaque cas dans son contexte. Mais tous doivent savoir qu’ouvrir la boîte de Pandore peut être dangereux mais en même temps nécessaire pour certaines victimes afin d’être reconnues en tant que telles.
Aussi la droite et d’autres ont tort de pousser des cris d’orfraie à la seule évocation de la culpabilité des Français dans le massacre de certaines populations colonisées. La reconnaissance des faits ferait avancer le débat historique, non pas pour les faits qui sont avérés mais pour ce qui a exactement été commis. Mais il semble que là aussi, la recherche n’avancera qu’à coup de déclarations médiatiques. C’est regrettable. Surtout, elle fait le jeu du candidat Macron qui surfe sur les fractures de la société française pour faire le buzz autour de lui en faisant croire qu’il s’intéresse vraiment aux Algériens hier et aujourd’hui aux partisans du mariage pour tous. Prendre les Français pour des imbéciles n’était manifestement pas suffisant…


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