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L’état d’urgence en France, entre inquiétudes et controverses


Par Rédigé le 14/12/2015 (dernière modification le 13/12/2015)

Depuis le 14 novembre 2015, la France est soumise à l’état d’urgence, qui élargit sensiblement les pouvoirs de la police et de l’armée, et interdit les rassemblements. L’événement mondial COP21 a mis en exergue ces mesures, que certaines instances contestent.


Les libertés en danger?

Illustration. Photo (c) Thierry Ehrmann
Illustration. Photo (c) Thierry Ehrmann
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Dans un communiqué du 27 novembre 2015, l’ONG Amnesty International s’est élevée contre l’interdiction de manifester en France, notamment dans le cadre des rassemblements civils prévus en marge des réunions officielles de la COP21. "Ces restrictions répondent certes à l’objectif légitime de la protection de la sécurité publique mais il est important de s’interroger sur leur nécessité et proportionnalité au regard de la liberté d’expression et de rassemblement" déclare l’ONG, qui ajoute "le caractère systématique des mesures annoncées ne semble pas compatible avec l’exigence de respect du droit d’expression de la société civile."

Amnesty International n’est pas la seule instance à se questionner sur le bien-fondé des mesures prises par le gouvernement français. Le 3 décembre, le quotidien Libération publiait "L’appel des 333 pour la levée de l’état d’urgence": une pétition en ligne (sur Change.org) qui a récolté environ 8000 signatures. Les premiers signataires, majoritairement syndicalistes, enseignants et avocats, s’insurgent contre le "renforcement considérable du caractère autoritaire de la Ve République" et signalent que "sous couvert de combattre le terrorisme, l’état d’urgence fait peser un danger sérieux sur nos libertés démocratiques, individuelles, sociales et politiques et sur la démocratie".

Les assignations à résidence d’une vingtaine d’écologistes depuis la fin novembre, ainsi que certaines violences policières filmées le 30 novembre à Paris lors d’un rassemblement sur la place de la République, ou dénoncées lors de perquisitions "musclées", alimentent les réseaux sociaux et donnent à craindre une dérive autoritaire. En effet, le rapport entre le terrorisme et l’activisme de ces militants demeure incompréhensible pour beaucoup.


Le gouvernement soupçonné d’instrumentaliser les attentats

La journaliste et militante altermondialiste Naomi Klein, auteure du documentaire "La stratégie du choc", va encore plus loin. Dans une vidéo publiée le 29 novembre par Mediapart, elle accuse le gouvernement français de pratiquer justement cette stratégie du choc: "Pour la journaliste canadienne, le gouvernement français pratique la "stratégie du choc" en utilisant l'état d'urgence pour réduire au silence les militants du climat" peut-on lire en marge de la vidéo en question. Rappelons qu’en avril elle appelait à la désobéissance civile, convaincue que les pouvoirs publics ne feraient rien de tangible pour limiter le réchauffement climatique.

Pour Nicolas Bourgoin, démographe, docteur de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, enseignant-chercheur et auteur de plusieurs ouvrages dont "Le virage autoritaire de la gauche libérale" (Paris, L'Harmattan, 2015), l’état d’urgence pourrait se révéler être "un coup d’État silencieux". Sur son blog, au lendemain des attentats, il s’inquiétait déjà et écrivait: "Les attentats se suivent et apparaissent comme autant de fenêtres d’opportunité dans lesquelles s’engouffrent le pouvoir exécutif pour mettre à mal les libertés publiques" et concluait par un sombre "si toutes ces mesures comme les précédentes n’empêcheront probablement pas d’éventuels terroristes de passer à l’acte, elles lamineront en revanche la démocratie en faisant sauter les derniers garde-fous qui la protègent encore de l’arbitraire du pouvoir politique".

Plusieurs observatoires ont été mis en place

Dans l’émission "Un jour en France" de France Inter, Bruno Duvic pose directement la question le 2 décembre: l’état d’urgence devient-il inquiétant? Sa possible inscription dans la Constitution et sa prolongation pour 6 mois, envisagée sous forme d’un projet de loi, suscitent l’inquiétude.
Serge Slama, maitre de conférences en droit public et membre du CREDOF (Centre de recherche et d'études sur les droits fondamentaux) explique que le principe même d’état d’urgence entraîne forcément des abus. Laurent Borredon, journaliste au Monde, spécialiste des questions de sécurité et coordinateur d’un observatoire de l’état d’urgence, souligne que sur les quelques 2500 perquisitions administratives qui ont eu lieu depuis le 14 novembre, aucune n’a donné lieu à une information judiciaire auprès de la cellule anti-terroriste.

Plusieurs organes de presse se sont inspirés de l’initiative de Laurent Borredon et ont mis en place un observatoire de l’état d’urgence. Parmi eux, citons la carte des controverses du Huffington Post et celle du Nouvel Observateur, ainsi que les blogs dédiés de Mediapart et de la Quadrature du net (une association de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet).

Il faut savoir cependant que la Commission des lois de l'Assemblée nationale a mis en place un contrôle de l’application de l’état d’urgence, dont l’objectif est de "favoriser, en temps réel, le regard de l’Assemblée sur les services auxquels ont été consentis temporairement des pouvoirs particuliers et ainsi prévenir, le cas échéant, tout risque d’abus". Jean-Jacques Urvoas, dont c’est l’initiative, et le député (LR) des Yvelines Jean-Frédéric Poisson, en seront les rapporteurs.









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