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Tribune: Festival des Nuits du sud, la vérité d’un homme

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Par Andres Valdes Rédigé le 24/07/2017 (dernière modification le 23/07/2017)

Depuis plus de 20 ans, chaque année, le festival des Nuits du sud investit le cœur de Vence et pendant plus d’un mois la ville vit au rythme des airs latinos et de la rive sud de la Méditerranée. Son fondateur, Teo Saavedra Cantillana est toujours aux commandes et pendant les trois mois qui précédent l’ouverture du festival, avec son équipe, il est dans les starting-blocks, sélectionnant artistes et groupes qui auront le privilège de se produire sur cette scène devenue au fil des ans, incontournable. Mais qui est Teo Saavedra Cantillana? Gros plan sur un homme qui a découvert l’Amérique en arrivant en France.


Sur la place du Grand Jardin à l’heure où les cigales donnent de la voix, impossible de manquer l’imposante scène du festival des Nuits du sud, qui trône au fond de la célèbre place. Difficile aussi de se soustraire à la personnalité haut en couleur de son fondateur, Walter Teo Saavedra Cantillana, sa stature d’abord, ses chemises à fleurs aux accents exotiques et son accent non moins exotique aux S chuintant à la bonhommie contagieuse. Tout le monde à Vence connaît l’histoire de Téo, ce tonton Cristobal, qui n’est pas revenue d’Amérique du sud, cousu d’or, mais au contraire dénué de tout, un Juan Sin Nada, comme l’on dit en Espagne.
Walter Teo Saavedra Cantillana est un exilé chilien qui a passé près de quatre ans dans les terribles geôles de Pinochet avant d’être expulsé vers la France. Comme il le dira lui-même: "j’avais le choix entre la France et l’Angleterre", mais les "brumes anglaises" l’en dissuadèrent.
Toute histoire a sa part de légende, et celle de Teo Saavedra Cantillana ne déroge pas à la règle.

Les geôles de Pinochet? Pas si sûr!

Au moment du coup d’État le 11 septembre 1973 qui a fait plonger le Chili dans des décennies de dictature, Teo Saavedra Cantillana a tout juste 20 ans, et bien que sympathisant du parti communiste chilien dont les membres les plus éminents finiront vraiment leur vie dans les prisons chiliennes, lui, il n’en sera pas membre.
Les archives d’Amnesty international à Londres mentionnent qu’il a déjà femme et qu’il est père d’une petite fille, il travaille à Santiago comme ouvrier dans le textile. A cette date, il sollicite l’organisation internationale pour quitter le Chili, une approche qui lui est facilitée par sa sœur Ximena secrétaire à la Croix rouge, car il vit dans des conditions très précaires que l’état de guerre n’a pas arrangé.
Il fait le choix de la France et arrive à Rabastens dans le Tarn où avec sa famille il est recueilli par un médecin qui émue par la souffrance de ces réfugiés, l’accueille sous son toit. Interrogée, elle affirmera que Teo Saavedra et sa famille ont fui le Chili pour des raisons économiques étant dans un dénuement extrême.

La fée Providence et la rencontre inespérée

A Rabastens, Teo Saavedra Cantillana se lie d’amitié avec le compagnon de sa bienfaitrice, mais va faire une rencontre capitale, en la personne de Marie-Laure De Decker, photographe de guerre, très introduite dans les milieux intellectuels de gauche, elle possède une maison de famille dans cette commune. Elle le confessera quelques années plus tard: "Je suis tombée sous le charme de ce beau Sud-américain".
Dès lors Teo Saavedra Cantillana envisage de la suivre à Paris, ambitieux, il songe à y faire carrière. Mais comment? En dépit de ce qu’il prétend, il n’a jamais fréquenté le prestigieux lycée Ignacio Carrera Pinto, à Santiago, où son nom demeure inconnu au directeur et moins encore l’Université d’Orient, dont sont issus les cadres de la nation chilienne et l’intelligentsia du continent sud-américain.

Créer sa propre légende

Nous sommes au début des années 1980 et François Mitterand vient de remporter les élections. Les élites sont acquises au socialisme et Teo Saavedra Cantillana entrevoit une possibilité de faire son chemin.
Entretemps sa compagne, Marie-Laure De Decker lui a donné un fils, Pablo, né en 1983, et Teo affine sa biographie qu’il commence à diffuser, jusqu’à faire de lui, un symbole de la résistance à Pinochet.
Il acquiert une renommée dans les milieux intellectuels pour avoir lutté contre le régime, telle la chèvre de Monsieur Seguin qui vaillamment résista au loup pour au matin être dévorée. Teo Saavedra produira un récit identique, un air de "déjà entendu" qui va faciliter l’adhésion de certains esprits à son histoire: "Ils m’ont cherché pendant une semaine, j’étais prêt à me battre", affirme t-il, mais la DINA, police politique du dictateur, parvient à l’arrêter et à le jeter en prison. Dès lors il prétend avoir été transféré de prisons en prisons dont les noms figurent en marge des archives d’Amnesty international et qui révèlent que les rédacteurs de l’organisation humanitaire chargés de l’exfiltrer, n’ont pas été dupes. Il affirmera même avoir été interné dans l’effroyable Villa Grimaldi, à ceci près que les noms de tous ses prisonniers sont parfaitement connus et figurent sur une liste et que le sien n’y est pas.

Les Nuits du sud, l’apothéose

Cette biographie de combattant et d’artiste en exil qu’il s’est forgé lui permettent de présenter à la ville de Vence son projet de festival des Nuits du sud qui sera accepté. Vence a conservé la nostalgie de son premier festival qui s’est achevé à la fin des années 1970. Sa proposition tombe à point nommé.
Et sa renommée va croître ainsi que sa fortune personnelle. Dans les années 1990, le régime de Pinochet tombe et le dictateur et ses sbires connaissent à leur tour la prison. Des commissions se mettent en place, Rettig puis Valech et demandent à ceux qui ont eu à souffrir des exactions commises de se faire connaître. Teo Saavedra Cantillana sera l’un des premiers à inscrire son nom. Mais la commission Valech exige une preuve de cette détention et des tortures subies. Preuve qu’il ne sera jamais en mesure d’apporter. Aussi la commission Valech raye son nom de la liste des véritables victimes du régime de Pinochet, comme des centaines d’autres, car beaucoup, comme lui, ont cherché à s’engouffrer dans cette brèche, un passage vers l’héroïsme, mais les vrais héros l’ont payé de leur vie. Néanmoins la légende continue et en 2010, il a été nommé chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres et le ministre français n’a pas manqué de souligner "la contribution et l'engagement" de l'Azuréen d'adoption "au service de la culture de notre pays". Une photo a immortalisé l’instant où sur le perron de la mairie de Vence il pose avec son épouse Julie dont il a eu deux filles. Mais un succès n’arrivant jamais seul, il accompagnera François Hollande au Chili, comme représentant d’une lutte contre la tyrannie, qu’il n’a jamais menée.









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