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Un procès kafkaïen en Russie

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Par J.N.B.L. Rédigé le 28/01/2013 (dernière modification le 27/01/2013)

Le procès d'un avocat russe qui a mis au jour un scandale de corruption de haut niveau, avant de mourir des suites des mauvais traitements endurés en détention, est une manœuvre visant à détourner l'attention loin des véritables auteurs des crimes qu'il avait dénoncés, a déclaré Amnesty International.


Déni de justice, même après la mort

Sergueï Magnitski, décédé le 16 novembre 2009, a été inculpé des crimes qu'il avait lui-même dénoncés, provoquant un enchaînement d'événements qui ont conduit à son décès prématuré.
Il travaillait en tant qu'avocat et comptable pour une société étrangère et c'est dans ce cadre qu'il a découvert une fraude fiscale de grande ampleur, qui aurait représenté pour le gouvernement russe un manque à gagner de plus de 150 millions d'euros. Les autorités russes ont ouvert une enquête pénale en rapport avec cette fraude fiscale supposée et Sergueï Magnitski a été entendu comme témoin dans cette affaire. Toutefois, au lieu de se pencher sur ses préoccupations et ses allégations, elles ont arrêté Sergueï Magnitski en tant que suspect, le 24 novembre 2008, et l'ont inculpé de fraude fiscale. Au moins un des enquêteurs de police chargé de l'affaire était, selon le témoignage de Sergueï Magnitski, impliqué dans l'affaire de corruption et dans le "raid financier" ayant sous-tendu la fraude fiscale.

"La volonté des autorités russes de maintenir les poursuites pénales à l'encontre de Sergueï Magnitski après sa mort bafoue, aujourd'hui encore, les droits fondamentaux de cet homme, notamment le droit de se défendre en personne", a indiqué John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale.
Le procès d'un défunt et l'implication forcée de ses proches dans cette procédure établiraient un dangereux précédent et ouvriraient un nouveau chapitre du bilan contesté de la Russie en matière de droits humains. "Les motifs juridiques qui fondent les poursuites posthumes à l'encontre de Sergueï Magnitski sont pour le moins douteux et les autorités doivent mettre fin à cette parodie."

Les poursuites pénales engagées contre Sergueï Magnitski ont été abandonnées 13 jours après son décès, le 29 novembre 2009, comme l'exige la loi. Cependant, elles ont été rouvertes après un arrêt de la Cour constitutionnelle de 2011; cette juridiction a décidé que dans les affaires où le suspect, ou l'accusé, décède avant l'issue des poursuites pénales à son encontre, la famille a le droit d'insister pour que l'enquête soit menée à bien en vue de sa réhabilitation. Cette décision met l'accent sur le droit de la famille du défunt de réclamer l'aboutissement des poursuites pénales en cours qui, autrement, seraient abandonnées. Cependant, les autorités russes chargées de l'enquête et des poursuites s'en sont servies comme d'un prétexte pour relancer les poursuites contre Sergueï Magnitski.
"Ses proches ont toujours clamé son innocence et demandent que les responsables présumés des persécutions illégales dont il a fait l'objet et de sa mort soient traduits en justice. Mais ils n'ont jamais réclamé la reprise de la procédure dans le but de le réhabiliter, car il n'a jamais été déclaré coupable et les accusations portées contre lui étaient ouvertement frauduleuses. Ces poursuites posthumes sont à la fois grotesques, et profondément sinistres. L'insistance dont font preuve les autorités pour que ses proches participent au procès kafkaïen prévu ces jours-ci témoigne d'un harcèlement éhonté et d'une volonté de salir le nom et le travail de Sergueï Magnitski. Sergueï Magnitski était un avocat consciencieux et cela lui a coûté la vie. Cette affaire met en lumière la corruption endémique au sein du système d'application des lois en Russie", a indiqué Jon Dalhuisen.

Sergueï Magnitski a passé 358 jours en détention provisoire, jusqu'à son décès le 16 novembre 2009. Pendant cette période, il a envoyé un grand nombre de lettres à l'administration pénitentiaire, au ministère de l'Intérieur, au bureau du procureur et au tribunal, dans lesquelles il protestait contre sa détention et les poursuites pénales illégales engagées contre lui, et évoquait les menaces explicites et les pressions dont il était victime afin de le pousser à revenir sur ses déclarations et à s'accuser lui-même, ainsi que son client, des crimes qu'il avait révélés. Il se plaignait également d'avoir été plusieurs fois placé à l'isolement illégalement, de subir des mauvais traitements et des conditions de détention inhumaines, de voir sa santé se dégrader et de ne bénéficier d'aucun soin médical. Lorsqu'a été diagnostiqué une pathologie grave, il a été décidé qu'il serait opéré à l'hôpital d'un centre de détention, mais il a en fait été transféré dans un autre centre, à Boutyrka, juste avant l'opération.
Le récit des derniers jours de Sergueï Magnitski est marqué par l'agonie et le désespoir. Le 12 novembre 2009, il a commencé à se plaindre de fortes douleurs, mais ce n'est pas avant le 16 novembre que son grave problème médical, jusqu'ici ignoré par l'administration pénitentiaire de Boutyrka, a été pris en compte. Il a été emmené d'urgence dans le centre où il devait être initialement opéré pour y recevoir des soins à l'hôpital interne. Néanmoins, à son arrivée, il semble qu'il ait été placé à l'isolement, menotté et battu à coups de matraques en caoutchouc par des agents pénitentiaires. Sergueï Magnitski est mort le jour même.

La communauté internationale et les défenseurs des droits humains ont fait pression sur les autorités russes pendant des mois, à la suite de quoi une enquête pénale a été lancée sur les circonstances de sa mort. Celle-ci a abouti à l'inculpation pour négligence de deux médecins du centre Boutyrka.
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