À la rencontre de Sébastien Bietrix, professionnel du Récup’ Art


Par Rédigé le 13/01/2020 (dernière modification le 27/12/2019)

Il était un artiste, mais pas un artiste solitaire dont le monde n’est peuplé que de ses seules inspirations et créations. Un artiste tourné vers l’autre qui a choisi de s’inscrire dans une démarche environnementale, celle visant à réduire les déchets en passant de "l’objet rebut à la poésie de l’objet". Rencontre avec Sébastien Bietrix, créateur de l’insolite.


Du sport à l'art

Costume d'inspiration Steampunk (c) Sébastien Bietrix
Autodidacte en matière d’art, le Saint-Marcellinois que rien ne prédestinait à exposer s’est dirigé, après obtention d’un bac littéraire, en vue d’études au Conservatoire de musique de Grenoble puis Romans-sur-Isère (respectivement deux et quatre ans), vers une voie plus sportive à l’UFRAPS (UFR Sciences et techniques des activités physiques et sportives). C’est en 1991 que la première rencontre avec le monde de l’animation se fit pour rapidement se muer en une activité réalisée en alternance des études. "J’ai ensuite bifurqué en vue d’obtenir un Brevet d’Etat animation des activités physiques pour tous, le seul qui me permettait d’avoir une équivalence pour faire de la direction d’accueil de loisirs". Accueil de loisirs un jour, accueil de loisirs toujours, celui qui ambitionnait une carrière sportive, redessina progressivement son propre chemin pour finalement s’investir pleinement dans un métier au service des enfants. "Le sport, j’aimais vraiment ça, mais j’étais frustré de ne pas pouvoir en inventer de nouveaux. Il y a bien eu l’Osball, et le Bigballfoot, mais bon… " confiait-il en riant de bon cœur. "Inventer", le verbe était prononcé, huit lettres qui marqueront le parcours de l’artiste de quarante-cinq ans.

De l’objet rebut à la poésie de l’objet

Phoenix réalisé entre août et octobre 2019 (c) Sébastien Bietrix
"J’ai toujours été bricoleur, mais m’y suis réellement mis pour les accueils de loisirs où il faut proposer un large panel d’activités. D’abord en cherchant de l’inspiration dans les bouquins dédiés, et rapidement à ma sauce". Marqué par l’émission Art Attack lancée dans les années 90, et laissant la part belle à la récupération d’objets du quotidien, Sébastien Bietrix a rapidement adapté le concept pour en proposer de petits ateliers dans les écoles saint-marcellinoises. "C’était le début de la récup’, et je suis particulièrement sensible aux enjeux de notre société qui gaspille à tout va. J’aime donner une deuxième, voire une troisième vie à des objets usagés, périmés. Passer de l’objet rebut à la poésie de l’objet". Exit livres de bricolage, émissions, vint le temps de passer à la vitesse supérieure avec des créations plus personnelles.

Lorsque l’art se fait collectif

Chouette cycliste (c) Sébastien Bietrix
"Mes premières réalisations d’importance sont les géants qui sont un peu ma marque de fabrique". Des personnages allant jusqu’à cinq mètres de hauteur pour plus de cent-cinquante heures de travail. Premier né : Goldorak. Un héros réalisé, comme toujours, avec l’aide des enfants du centre de loisirs, des accueils périscolaires et extrascolaires, quelques amis et animateurs. Dans la ville de Saint-Marcellin le carnaval est désormais indissociable de ces géants sur char autour desquels les jeunes prennent plaisir à déambuler costumés. Puis, il y a quatre ans, vint l’idée de réaliser une petite chouette à partir de jouets cassés, de fonds de tiroir, bouts de lunettes ou encore capsules. "Tout est parti d’une invitation chez des amis où je voulais amener un cadeau personnalisé. Je savais que la dame qui me recevait aimait les chouette, je lui en ai donc fait une, à ma manière". Et des chouettes, à ce jour, il y en a eu plus de cent-cinquante. Autant de petites créatures fantastiques mises en scènes au gré de l’inspiration, mais surtout des rencontres. Chouette sur un dragon, descendant d’un hélicoptère, chouettes danseuses, les idées sont infinies et réalisables grâce à des caisses remplies de jouets cassés que l’artiste garde précieusement chez lui.

Podcast Sébastien Bietrix.mp3  (18.03 Mo)


Exister en tant qu'artiste

Lampe accumulation (c) Frédérique Gelas
"J’ai un gros réseau de récupération et il n’y a pas un jour où on ne me propose quelque chose". Il faut dire que Sébastien Bietrix est un personnage étroitement lié à l’actualité culturelle de la ville, dont personne ne saurait ignorer l’existence. "Il y a les gens qui ont des objets sentimentaux dont ils veulent se débarrasser, mais pas jeter. Les commerçants, entreprises, parents, associations, étrangers rencontrés via le comité de jumelage qui savent que je bricole et pensent toujours à m’apporter quelque chose". Si les petites chouettes ont marqué les débuts de Sébastien Bietrix en tant qu’artiste "en son nom propre", le principe est désormais étendu à d’autres petites bêtes telles que tortues et peut-être bientôt des moustiques. Il s’agit également de travailler l’accumulation d’objet avec des vases, lampes, miroirs, et tableaux des plus impressionnants : portraits de Johnny, Barbara, Gainsbourg ou encore Brel, Marilyn Monroe et Michael Jackson étant en projet.

Des œuvres et des styles éclectiques

Portraits d'artistes (c) Sébastien Bietrix
"Je suis un fana du temps, des Mystères de l’Ouest, des Gentlemen Extraordinaires. J’ai découvert le Steampunk dans les Japan Expo et j’ai commencé à en faire il y a six ans". Un courant initialement littéraire inspiré de l’époque victorienne et mettant à l’honneur le cuivre, le laiton et autres matières évoquant la Révolution Industrielle. Une machine à remonter le temps est par ailleurs née de cette passion, et se trouve désormais à Carcassonne. Étape suivante pour l’inventeur, régulièrement surnommé "Géo Trouvetou" : mettre ses créations en mouvement grâce à la technologie. "Je suis fan de la compagnie Royal de luxe, des géants de Nantes, c’est inspirant pour moi". Mais au-delà de l’accumulation, du Steampunk, il est aussi question de dessins et autres œuvres issues des objets de nos placards, à l’image d’un robot qui n’était auparavant autre qu’un aspirateur. "Quand on va voir une exposition, il y a soit des tableaux, soit des sculptures. J’aime qu’il y ait de tout, et c’est ce que j’essaie de faire". Objectif atteint.

Puis une rencontre…

Chouette chef cuisinier (c) Sébastien Bietrix
Fort de son impressionnant réseau et de ses créations se partageant sur la Toile, Sébastien Bietrix a été repéré il y a quelques mois par des adeptes d’art résidant San Francisco. "Étant intéressés par ce que je fais, ils sont venus à ma rencontre pour tourner un reportage". Le court métrage réalisé à partir d’interviews, expositions et démonstrations dans des ateliers de fabrication est actuellement en montage. Il sera dans un premier temps destiné à une diffusion sur le Web. Enfin questionné sur ses projets, l’artiste qui collabore régulièrement avec des associations locales, adaptant ainsi son art à tous les domaines, s’avoue particulièrement attiré par la capitale. "J’aimerais un jour exposer là-bas. J’y ai quelques contacts, des amis m’emmenant dans des ateliers. Il est aussi question d’une galerie où je serai peut-être amené à exposer lorsque le Récup’ Art sera à l’honneur".

À l’heure où vous lisez, nul doute que Sébastien Bietrix s’est emparé d’une nouvelle idée, pour toujours créer, et peut-être aussi faire rêver.

https://sebastien-bietrix.book.fr/

Ent inspiré de Tolkien (c) Sébastien Bietrix

Géant réalisé pour Halloween 2017 (c) Sébastien Bietrix






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