Accord sur la taxation des multinationales : Que devrait y gagner l’Afrique centrale ?


Par Le Podcast Journal Rédigé le 19/11/2021 (dernière modification le 17/11/2021)

Le 10 juillet dernier, les ministres des Finances des pays du G20 ont acté l’accord qualifié du siècle sur la taxation internationale, qui prévoit désormais un impôt minimal de 15% sur les multinationales.


Il est important de noter que l’ensemble des préoccupations posées par les pays africains ont été renvoyées aux calendes grecques, au regard de l’enjeu qui oppose les pays développés, les pays émergents et les pays en développement tels que ceux d’Afrique centrale. L’Afrique n’a pas obtenu le seuil de 20 milliards d’euros pour le montant A, seuil qui va exclure de nombreuses multinationales qui ont des filiales dans la zone CEMAC, Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale, Cameroun, République centrafricaine, République du Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad. Le relèvement du taux minimum à 20% comme l’avait proposé l’Union africaine en lieu et place de 15% proposé par le G7 et la prise en compte du bénéfice résiduel. Au moins, l’injustice fiscale aurait été réparée si cela avait été accepté eu égard à cette injustice que subissent les juridictions de source, l’essentiel du droit d’imposition étant orienté vers les pays de résidence. 

La réforme applicable aux multinationales

La réforme de la fiscalité internationale est axée sur plusieurs piliers. Cette nouvelle réforme concerne une nouvelle répartition du droit d’imposition des multinationales, qui autorise qu’une multinationale soit imposée dans un pays, même si elle ne dispose pas d’installation. En ce qui concerne la fixation d’un taux d’impôt minimum pour toutes les multinationales. Le taux minimum fixé à 15% est censé mettre fin aux paradis fiscaux. Cependant, la nouvelle réforme ne concerne pas toutes les multinationales, on peut constater que seules les plus grandes sont concernées selon les prévisions. Celles qui  entrent dans le champ d’application ont un chiffre d’affaires d’au moins 20 milliards d’euros avec un taux de profit d’au moins 10%. 

Ce que gagnent les pays de la zone CEMAC avec cette réforme

Théoriquement, les pays de la CEMAC devraient gagner leur part dans la nouvelle répartition du droit d’imposition à travers ce qu’il est convenu d’appeler le montant A. Objectivement, si une multinationale a un chiffre d’affaires de 20 milliards et un taux de profit de 10 % et a une filiale dans la zone CEMAC, alors ces pays peuvent bénéficier de l’imposition d’une part du bénéfice résiduel de cette multinationale si le chiffre d’affaires qu’elle réalise dans cette zone peut atteindre 250.000 €. Il s’agit en ce moment d’un gain potentiel puisqu’en vertu des règles actuelles, cette zone ne disposant d’aucun droit d’imposition pour les multinationales n’ayant pas d’installation fixe dans la zone CEMAC.  L’étude réalisée par l’OCDE pour ce qui concerne les pays de la zone CEMAC fait ressortir une situation de gain potentiel de 1,66 million de dollars selon le scénario et 2,8 millions de dollars selon un scénario optimiste. Il faut dire qu’à priori les pays de cette zone n’y perdent pas puisque pour la plupart de ces pays, leurs taux d’impôts sur les sociétés sont plus élevés donc supérieurs à celui de 15%.   

Toutefois, avec les régimes dérogatoires que ces juridictions accordent, on peut craindre que les multinationales ne bénéficient que de ces régimes à travers les filiales. En effet, l’étude d’impact ayant été réalisée par OCDE montre un gain potentiel de 7, 61 millions de dollars comme le prévoit le scénario optimiste. 

Quant au taux de 15%, celui-ci constitue une occasion en ce sens qu’il contribuera à freiner la course vers le moins disant fiscal et donc à réguler les pressions faites sur les autorités de ses pays pour les régimes dérogatoires. 

Les moyens humains pour recevoir cette taxe

De prime abord, il convient de préciser qu’il ne s’agit pas de créer une nouvelle taxe. C’est simplement pour établir une justice fiscale. Ce qui permet désormais que les multinationales soient imposées dans les juridictions où elles réalisent les affaires.
Toutefois, les modèles d’affaires innovants, où l’on  réalise des affaires sur des territoires donnés sans présence physique ne permettent pas de collecter les impôts là où la valeur ajoutée est créée. Si on prend en compte les règles actuelles : il est important de reformuler les règles pour les adapter à la nouvelle réalité. Cependant, il est nécessaire de s’interroger sur les moyens qu’auront des administrations fiscales de ces juridictions afin de bénéficier de ces nouvelles dispositions. Cela dépendra nécessairement de la complexité des règles élaborées. Il sera important pour les pays de la zone CEMAC que les règles soient simplifiées et que le coût de conformité soit faible pour son application.

Les chances d'aboutissement de la réforme

Il faut déjà se féliciter du consensus et mieux encore de cette victoire. A ce jour, 132 juridictions ont accepté le consensus sur 139 que compte le cadre inclusif. En Afrique, seuls le Nigeria et le Kenya n’ont pas donné leur consensus mais ont tout au moins participé aux travaux. Le reste des pays étant considérés comme paradis fiscaux. Ce qui laisse à comprendre que le taux minimum de 15% ne peut pas être favorable pour un pays tel que l’Irlande qui a un taux de 12,5%. 
Les pays africains doivent songer à promouvoir davantage les investissements locaux afin d’éviter l’importation des capitaux qui enferment automatiquement les juridictions dans le cercle vicieux de l’endettement. 
Il est également important de penser à la transformation sur place afin de faire des pays de la zone CEMAC, une zone émergente.   

MALANG II Salomon 
Juriste fiscaliste, titulaire d’un master 2 en Administration fiscale 
Tel : 00237691088934 
 





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