Bénin : la contestation électorale vire à la violence


Par Gervais Loko Rédigé le 26/03/2011 (dernière modification le 26/03/2011)

Le jeudi 24 mars, les forces politiques de l’opposition ont chauffé le macadam dans la ville de Cotonou pour protester contre les conditions scabreuses d’organisation de la présidentielle du 13 mars et les résultats qui en sont issus. Une manifestation rudement réprimée par les forces de l’ordre. Toutes les casernes du pays sont mises en état d’alerte pendant qu’enflent les rumeurs de troubles à propos de la cérémonie d’investiture du président élu, Boni Yayi.


La police est mobilisée pour mater toute marche de protestation en cette période postélectorale. (c) Polycarpe TOVIHO
Dénoncer les résultats proclamés par la Cour constitutionnelle qui donnent Boni Yayi gagnant dès le premier tour de la présidentielle. L’opposition béninoise n’a pas trouvé mieux que d’organiser une marche pacifique à travers la ville de Cotonou. Mais elle n’a pas été très loin, stoppée net dans son élan par les éléments du commissariat central de Cotonou qui n’ont pas lésiné sur les coups de matraque et de crosse. La riposte a été violente comme en témoignent le nombre de victimes et l’ampleur des blessures : plusieurs manifestants avaient le visage ensanglanté ; un journaliste du quotidien Le Nokoué, proche de l’opposition, qui couvrait la manifestation en est sorti la tête en sang et trois dents cassées. Plusieurs manifestants ont été arrêtés dont le député de l’opposition, Raphaël Akotègnon et un photojournaliste, Sévérin Gandonou.
Ils ont été interpellés pour trouble à l’ordre public en violation de l’arrêté du ministre de l’Intérieur en date du 17 mars qui interdit toute manifestation durant cette période postélectorale. Le député arrêté a d’abord été gardé à vue avant de passer devant le procureur de la République ce jeudi 24 mars. Le procureur a prorogé sa garde à vue et demandé un complément d’enquête.
En tant que député, Raphaël Akotègnon devrait bénéficier d’une immunité parlementaire mais "il a été pris en flagrant délit de trouble à l’ordre public ; donc son immunité tombe", explique le commandant Louis Philippe Houndégnon, chef du commissariat central de Cotonou qui a personnellement dirigé la riposte et arrêté le député. Et il ne compte pas en rester là : "si c’est à refaire, je n’hésiterai pas. Ceux qui ont des revendications politiques n’ont qu’à utiliser des voies de recours légales. Pour moi, l’arrêté d’interdiction des manifestations du 17 mars doit être respecté". Et d’ajouter : "je n’ai pas d’état d’âme".
Du côté de l’opposition, on dénonce "une réponse disproportionnée d’une police aux ordres", rappelant que "manifester est un droit inaliénable". Elle dénonce également une application clientéliste de l’arrêté du ministre de l’Intérieur. Puisque, rapporte-t-on, mercredi dernier, une marche de soutien a été organisée à Parakou, la grande métropole du nord et fief du président, pour le féliciter de sa victoire. Sans que la police n’intervienne. Les manifestations de contestation seraient-elles les seules réprimées ? On se souvient que le vendredi 18 mars, la police a empêché les centrales syndicales de protester contre les nombreuses irrégularités ayant entaché la présidentielle. Les syndicalistes, fortement encadrés, n’ont eu droit qu’à un simple meeting dans la petite cour de la Bourse du travail, quartier général des syndicats.

L’armée en état d’alerte

Raphaël Akotègnon, député de l'opposition arrêté lors de la marche du 24 marrs à Cotonou. (c) Polycarpe TOVIHO
Au fur et à mesure que l’on s’approche du 6 avril, date retenue pour l’investiture du président élu, les rumeurs de troubles se font insistantes. Porto-Novo, capitale du Bénin, fief du candidat de l’opposition et ville abritant le parlement où le chef de l’Etat béninois est appelé à prêter serment, est fortement militarisé depuis l’élection du 13 mars. Et ce, pour prévenir et contenir toute velléité de contestation. Les rumeurs sont prises très au sérieux au niveau de l’armée béninoise. Dans une déclaration à la presse, la semaine écoulée, le chef d’état-major, le général Mathieu Boni a annoncé que tous les effectifs militaires sont en ce moment en position d'intervenir pour faire face à toute tentative de remise en cause de l'ordre républicain. Les forces armées béninoises sont en état d'alerte n°3, explique le chef d’état-major. Ce qui veut dire que "tous les militaires sont en tenue de combat et dorment dans les casernes comme vous pouvez le constater sur moi avec le treillis que je porte depuis quelques jours", détaille le général Boni.
A Porto-Novo comme à Cotonou, la police et l’armée sont voyantes à chaque coin de rue. La paix sociale est précaire, la vie économique tourne au ralenti, la hantise de la crise ivoirienne est dans tous les esprits.






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