Blaise Bulonza : “Cris du Cœur”, donner un avenir meilleur aux enfants en situation de handicap au Congo


Par Rédigé le 28/09/2025 (dernière modification le 28/09/2025)

À Bukavu, dans l’Est de la République Démocratique du Congo, Blaise Bulonza incarne la résilience et l’engagement. Juriste de formation et lui-même en situation de handicap, il a choisi de transformer son parcours personnel en une force collective en fondant l’association INAM, Initiative pour l’Avenir Meilleur. Son objectif : offrir dignité, éducation et espoir aux enfants et adultes les plus vulnérables.


Blaise Bulonza : 'Cris du Coeur', donner un avenir meilleur aux enfants en situation de handicap au Congo. (c) Blaise Bulonza.
Au milieu des collines de Bukavu, un homme incarne avec force et humilité la résilience face à l’adversité : Blaise Bulonza Bwamungu. Né le 10 mars 1990 avec une infirmité motrice cérébrale, conséquence d’un accouchement difficile, il a grandi dans un environnement où la différence est souvent synonyme d’exclusion. Pourtant, loin de laisser le handicap définir ses limites, il a choisi d’en faire le moteur d’un engagement hors du commun.

Déterminé à prouver que la dignité et le droit de rêver appartiennent à chacun, Blaise a poursuivi des études universitaires jusqu’à obtenir un diplôme en droit à l’Université catholique de Bukavu. Ce parcours, semé d’obstacles mais guidé par une volonté inébranlable, l’a conduit à fonder l’association INAM, Initiative pour l’Avenir Meilleur. Sa mission : défendre les droits et améliorer les conditions de vie des personnes en situation de handicap, enfants comme adultes. Les personnes en situation de handicap sont parmi les plus vulnérables. Déjà confrontées à des barrières sociales et matérielles au quotidien, elles subissent encore plus durement le manque d’infrastructures adaptées, l’accès limité à l’éducation ou aux soins, et la rareté des aides spécialisées. Pour les familles, envoyer un enfant à l’école devient parfois un défi insurmontable lorsqu’il faut déjà lutter pour répondre aux besoins les plus élémentaires. Par son association, Blaise offre une réponse locale et concrète à cette situation. Plus qu’une aide matérielle, INAM propose un espace de solidarité, d’accompagnement et d’espérance. « Très peu d’initiatives existent pour soutenir cette catégorie de personnes, et celles prises par les premiers concernés eux-mêmes sont encore plus rares », explique-t-il avec lucidité.

Un message d’inclusion et d’espérance

Aujourd’hui, l’organisation de Blaise ne se limite pas à la distribution de fournitures ou à l’accueil d’enfants vulnérables. Elle porte un message universel : celui de l’inclusion, de la dignité et du droit à l’éducation. Son combat rappelle une vérité simple mais essentielle : l’avenir ne devrait jamais être conditionné par les limites du corps ni par les circonstances de la vie. Nous avons donc eu l’opportunité d’interviewer Blaise Bulonza, afin de mieux comprendre son parcours, ses motivations et la portée de son engagement.

Blaise Congo.mp3  (2.24 Mo)


Interview Blaise Bulonza

INAM, Initiative pour l’Avenir Meilleur. (c) Blaise Bulonza.
1.    Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a conduit à créer l’association Initiative pour l’Avenir Meilleur (INAM asbl) ?

Je suis monsieur Blaise BULONZA BWAMUNGU, né le 10 mars 1990. Je vis à Bukavu avec un handicap moteur lié à un accouchement difficile. Mais ce handicap ne m’a pas empêché de poursuivre mes études avec l’appui de ma maman, aujourd’hui défunte, ainsi que d’autres personnes soucieuses de me voir avancer. J’ai une Licence en Droit de l’Université Catholique de Bukavu malgré plusieurs contraintes d’ordre social. Plusieurs autres jeunes nés dans d’autres familles n’ont pas eu la même chance que moi. Ils n’ont pas eu de soutien pour les intégrer dans nos communautés ou les enfants nés avec handicap ne sont pas acceptés et sont victimes de rejet. Conscient de cette situation si discriminatoire nous avons décide de mettre en place une structure dénommée : Initiative pour l’Avenir Meilleur devenue a ce jour une organisation qui alerte sur la situation que traverse actuellement la personne vivant avec handicap et d’autres groupes vulnérables surtout en cette période de guerre.

2.    Comment la guerre actuelle affecte-t-elle spécifiquement les personnes vivant avec un handicap dans votre région ?

Toute guerre apporte misère noire et morts et pousse des centaines de milliers de personnes à abandonner leur milieu et leurs biens et fuir vers les centres urbains ou les pays voisins. Les personnes vivant avec handicap, les personnes de 3e âge ainsi que les femmes et les enfants sont les plus affectés. Ainsi la personne vivant avec handicap se trouve fortement désemparée et abandonnée dans cette tragédie. Nous n’avons plus accès aux besoins sociaux de base en alimentation, trouver de quoi manger est devenue un casse-tête, l’accès aux soins primaires est devenu une utopie. Certains handicaps qui se soignaient régulièrement ne trouvent plus de réponse : la kiné, des albinos sans baume pour leur peau,... Ceux qui n’ont plus d’autre choix que de se livrer à la mendicité pour leur survie sont victimes de poursuites par les nouvelles autorités installées par les rebelles.
En bref la situation de la personne vivant avec handicap est devenue catastrophique et nous ne savons plus à quel saint nous vouer pour sortir de ce cycle infernal.

3.    Quels sont les plus grands défis auxquels font face les enfants en situation de handicap lorsqu’il s’agit d’accéder à l’éducation aujourd’hui ?

Les enfants en situation d’handicap font actuellement face aux défis suivants :
La non-acceptation : beaucoup de gens considèrent un enfant vivant avec un handicap comme un signe de malédiction dans la société, à cause de la prolifération des églises de réveil qui répandent ces inepties. Cela s’est accentué avec la guerre, certains prédicateurs confirment leurs thèses en pointant du doigt ces pauvres enfants qui se retrouvent ainsi gravement marginalisés. La plupart de ceux-ci proviennent de familles pauvres et sans revenus. Beaucoup de bâtiments officiels, hôpitaux, écoles refusent à cette catégorie de personnes sans défense tout accès. Les nouvelles autorités ont aboli la gratuité de l’enseignement primaire. S’il est vrai que la plupart des parents sont dépourvus de moyens suite à la guerre, la scolarité des enfants handicapés est toujours considérée comme le dernier des soucis. Ils n’accèdent pas à une éducation de qualité et ne peuvent ainsi pas acquérir les compétences indispensables pour mener une vie digne, au risque de confirmer encore plus les préjugés de la société.

4.    Pouvez-vous nous décrire les initiatives concrètes que vous mettez en place pour améliorer la vie de ces enfants et de leurs familles ?

L’INAM a travers ses structures de base et selon l’esprit de ses statuts organise :
-       L’assistance sociale par la distribution de vivres et de non-vivres, des kits ou fournitures scolaires
-       L’accompagnement juridique et judiciaire de personnes en situation d’handicap, victimes d’injustices sociales et discrimination
-       Le paiement de frais scolaires aux enfants vivant avec handicap provenant des familles les plus démunies.
-       Du lobby et plaidoyer auprès des autorités locales, urbaines et provinciales pour exiger une politique publique qui respecte les droits de l’homme des personnes en situation d’handicap
-       Des activités de sensibilisation qui visent à éduquer toute la population sur l’acceptation, sur la valorisation des aptitudes des personnes en situation d’handicap ainsi que leur participation a la vie communautaire pour un développement durable. Ces actions positives se passent sous format d’émission radiodiffusées, d’interviews et de conférences thématiques en organisant des journées portes ouvertes, des ateliers et autres actions de socialisation.
INAM est à la recherche d’un partenaire qui peut soutenir son projet de crédit rotatif en finances, en semences et géniteurs d’animaux d’élevage pour créer des activités génératrices de revenu et ainsi échapper à la précarité en évitant la mendicité et la répression de celle-ci par les nouvelles autorités.

5.    Vous avez récemment lancé un appel pour obtenir des fournitures scolaires. Pouvez-vous expliquer pourquoi cet appui est crucial à ce moment précis ?

A cause de la guerre plusieurs écoles ont été brulées et des familles entières ont perdu leurs revenus. Les parents dans les milieux ruraux, qui tirent leur revenu de base pour scolariser leurs enfants de l’agriculture, n’ont pas pu cultiver leurs champs à cause de l’insécurité. Ici en ville, les parents ont perdu leurs emplois et se trouvent ainsi coincés et incapables pour répondre aux besoins scolaires de leurs enfants en ce début de l’année scolaire. Chaque année, INAM accompagne, selon ses possibilités, grâce a certains bienfaiteurs locaux, quelques enfants par la distribution et paiement des frais scolaires. Mais malheureusement la plupart de ces bienfaiteurs sont aujourd’hui réduits au chômage dû a la guerre et à la coupure de l’aide internationale par l’administration du président Trump.

6.    Quel rôle espérez-vous que la communauté internationale, les associations ou les personnes de bonne volonté puissent jouer à vos côtés ?

Le rôle d’assistance-conseil et de plaidoyer, relayer notre combat et nous connecter aux institutions et réseaux de solidarité internationale qui disposent de moyens pour appuyer les associations comme la nôtre, qui aident les personnes vivant avec handicap à mener une vie digne et jouir de tous leurs droits.

7.    Quels sont vos projets à moyen ou long terme pour INAM, et quel message souhaitez-vous adresser au monde au nom des personnes en situation de handicap dans l’Est du Congo ?

Notre premier souci et souhait de cœur est la fin de la guerre afin que nos droits soient respectés et que la personne vivant avec handicap rentre dans ses activités normales, si modiques soient elles, mais qui l’aident à subvenir dignement à ses besoins quotidiens. La paix est conditionnée par la recherche de solutions aux nombreux problèmes qui minent la région depuis plus de trente ans. Nous avons besoin d’un engagement réel de toute la communauté mondiale pour la paix dans les Grands Lacs, tout en évitant des solutions non-durables, trop étroitement focalisées sur l‘attrait des ressources naturelles de la RDC.

Un pays vaste, entre richesses et fragilités

Celebration de la journée des handicapées au Congo. (c) Blaise Bulonza.
La République Démocratique du Congo est l’un des géants du continent africain. Avec ses plus de 2,3 millions de kilomètres carrés, elle occupe une place centrale sur la carte de l’Afrique, véritable carrefour entre l’Afrique de l’Est, l’Afrique centrale et l’Afrique australe. Le pays est traversé par le majestueux fleuve Congo, deuxième au monde par son débit, dont les eaux puissantes serpentent à travers forêts denses, plaines fertiles et zones montagneuses.

La RDC est aussi reconnue pour l’incroyable diversité de ses paysages : savanes, volcans encore actifs dans la région des Grands Lacs, forêts équatoriales parmi les plus vastes du globe, et une faune d’une rare richesse. Son sol recèle d’immenses ressources naturelles, minerais, métaux rares, bois précieux. Sur le plan culturel, la mosaïque de plus de 200 ethnies et langues témoigne d’une histoire humaine aussi foisonnante que complexe, où traditions orales, musiques et artisanats occupent une place essentielle dans la vie quotidienne. Pourtant, derrière cette abondance et ces contrastes naturels se dessine une autre réalité. L’histoire contemporaine du pays a été marquée par de longues périodes d’instabilité, freinant son développement et accentuant les inégalités sociales. Dans certaines régions de l’Est, les paysages de montagnes, de collines et de lacs offrent un décor spectaculaire, mais la beauté des lieux se heurte aux difficultés économiques et à un quotidien souvent précaire. Dans ces territoires, la vie est marquée par des défis constants : infrastructures insuffisantes, accès limité aux soins et à l’éducation, marchés fragiles et emploi rare. Les familles doivent souvent improviser des solutions pour répondre aux besoins élémentaires. Pour les personnes en situation de handicap, ces difficultés sont multipliées : barrières physiques, exclusion sociale et manque de soutien institutionnel renforcent leur isolement.

C’est précisément dans ce contexte que des initiatives locales comme INAM – Initiative pour l’Avenir Meilleur prennent une importance capitale. Elles permettent d’apporter des réponses concrètes là où l’État ou les structures internationales ne suffisent pas toujours. Elles rappellent aussi que, même dans un environnement marqué par l’adversité, la solidarité humaine reste une ressource inépuisable et une clé pour construire l’avenir.

Un message d’inclusion et d’espérance. (c) Blaise Bulonza.




🎙️ Wanderlust Ice & Ink By @sarahaerial.ice Sarah | Professional Figure Skater & Lifestyle… En savoir plus sur cet auteur


Autres articles dans la même rubrique ou dossier: