CINQUANTENAIRE POMPEUX SUR FONDS CREUX : LE DESENCHANTEMENT(2)


Par Simon Yefou Rédigé le 02/03/2011 (dernière modification le 01/03/2011)

Pendant la période où les peuples africains luttaient de toutes leurs énergies pour l’indépendance, la période d’après indépendance a été idéalisée en un véritable eldorado où les chefs nationalistes disaient vouloir les conduire et où tous les problèmes trouveraient des solutions. Malheureusement, ce rêve va rapidement se transformer en cauchemar tant la période post-coloniale va être désastreuse.


51 fête d'indépendance du Ghana par scolmccj
Voyant déjà venir les difficultés auxquelles va être confronté le continent noir, René DUMONT tire la sonnette d’alarme en estimant que "l’Afrique noire est mal partie". Cette prise de position va lui valoir d’être déclaré persona non grata dans presque tous les pays qui venaient d’accéder à l’indépendance. Pourtant, les faits étant têtus comme ils sont, René DUMONT ne va tarder à avoir raison. Au cours des premiers mois et des premières années qui suivent la proclamation des indépendances, on assiste au désenchantement de la part de ceux qui ont tout misé sur l’après indépendance. Comme le dit si bien ELIKIA M’BOKOLO, l’Etat national qui était censé remplacer l’Etat colonial ne va pas voir le jour en raison entre autres du tribalisme, du régionalisme, de la confiscation du pouvoir et des ingérences étrangères. Pour éviter alors que les différences ethniques, tribales ou régionales se traduisent dans les structures politiques, les élites africaines qui avaient remplacé les administrateurs coloniaux vont pratiquement perpétuer la manière de gouverner de ces derniers pour asseoir leur pouvoir. C’est pour cela que la période de démocratie pluraliste commencée avant les indépendances ne va plus durer après celles-ci. En effet, dans le but avoué de mobiliser les masses africaines pour le développement en évitant la dispersion des énergies et les replis identitaires, le multipartisme va être envoyé aux calendes grecques et remplacé par le monopartisme. C’est le cas du président Léopold SEDAR SENGHOR du Sénégal qui dès 1962 institue son parti, l’Union Progressiste Sénégalaise en parti unique. C’est aussi le cas du Président Félix HOUPHOUET BOIGNY de la Côte d’Ivoire qui dès 1963 proclame son parti, le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire-Rassemblement Démocratique Africain (PDCI-RDA) en parti unique. C’est également le cas du Cameroun où le Président Ahmadou AHIDJO crée le 1er septembre 1966 un parti unique appelé Union Nationale Camerounaise (UNC) après avoir utilisé la persuasion et même la force contre tous ceux qui étaient réticents ou opposés à son projet. On peut aussi mentionner le cas du Togo où le Lieutenant-colonel Etienne EYADEMA crée le 30 novembre 1969 un parti unique appelé Rassemblement du Peuple Togolais (RPT).
Cette période d’instauration des partis uniques synonyme de dictature, va aller de paire avec l’irruption des militaires sur la scène politique. C’est ainsi que de multiples coups d’Etat et tentatives de coups d’Etat vont déstabiliser les pays nouvellement indépendants. Beaucoup de ces coups d’Etat étaient souvent organisés en complicité avec les anciennes puissances colonisatrices désireuses de préserver leurs intérêts vaille que vaille. C’est le cas du Togo où le Président Sylvanus OLYMPIO est renversé et tué le 13 janvier 1963 par un groupe de sous-officiers togolais conduits par Etienne EYADEMA qui allait le remplacer en 1967 après une période intérimaire exercée par Nicolas GRINISKY. C’est aussi le cas du Congo-Brazzaville où l’abbé Fulbert YOULOU est renversé le 15 août 1963 et remplacé par Alphonse MASSEMBA-DEBAT. Quant au Gabon, le Président Léon MBA est renversé le 18 février 1964 avant d’être rétabli au pouvoir quelques jours après par les militaires français envoyés par le Général Charles de GAULLE. Le 24 novembre 1965, le colonel Joseph MOBUTU renverse le Président KASAVUBU et s’installe au pouvoir au Congo-Kinshasa. Le 1er janvier 1966, le colonel Jean BEDEL BOKASSA renverse le Président David DACKO de Centrafrique et s’empare du pouvoir. Trois jours après, en Haute-Volta, le Lieutenant-colonel SANGOULE LAMIZANA renverse le Président Maurice YAMEOGO et prend le pouvoir. Toujours en janvier 1966 et le 15 de ce mois, la prise du pouvoir au Nigéria par le Général AGUIYI IRONSI inaugure dans ce géant une période d’instabilité chronique qui va culminer entre 1967 et 1970 avec l’effroyable guerre du Biafra qui va ensanglanter le Nigéria et se solder par près de 2 millions de morts





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