Cameroun: Des élections à l’épreuve de la participation


Par Rédigé le 03/10/2013 (dernière modification le 01/10/2013)

Sur les 29 formations politiques et les 35 partis respectivement en lice pour la conquête de sièges à l’Assemblée nationale et le choix des conseillers municipaux, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc, au pouvoir) est déjà assuré de sa victoire. Mais le pays fait face à une atonie civique, de sorte que le taux d’abstention n’est plus, selon un avis largement partagé, un enjeu périphérique aux élections.


Le Rdpc de Paul Biya est déjà sûr de sa victoire aux législatives et municipales du 30 septembre. Photo (c) Présidence de la République

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"Le jour du vote, je suis bien obligé de travailler. Je dois d’abord résoudre les problèmes. Les élections, ce n’est pas mon affaire". Au volant de son taxi de ville à Yaoundé, la veille du double scrutin du 30 septembre, Jean-Claude Mballa, la trentaine, est préoccupé par son quotidien. Loin des joutes politiques. Peut-être fait-il partie des 40% des jeunes "résignés", "qui ne s’occupent pas de la chose publique, qui n’ont pas un avis et se sentent exclus", recensés dans une étude réalisée en 2011 sur un échantillon de 650 sujets de 18 à 35 ans, répartis dans six des dix Régions du Cameroun, par la Fondation Friedrich Ebert? Toujours est-il que les précédents scrutins ont montré que la participation politique est travaillée par un malaise certain: de 17% lors de l’élection présidentielle de 2004, le taux d’abstention a doublé sept ans plus tard lors de l’échéance similaire. Encore ne s’agit-il que de statistiques officielles validées par la Cour suprême, siégeant comme Conseil Constitutionnel. Selon l’Organisation non gouvernementale de lutte contre la corruption, Transparency International, le taux d’abstention pour la présidentielle de 2011 s’établissait à quelques 65%...

Depuis de longues années, le Cameroun fait face à ce que les politologues désignent comme la "crise de participation". Les deux principales indications de cette "anomalie politique" sont connues: peu d’enthousiasme pour les inscriptions des citoyens sur les listes électorales d’une part, peu d’engouement pour le retrait des cartes d’électeurs, et un empressement modéré pour le vote, d’autre part. Ces trois éléments combinés sont apparus si importants pour la crédibilité des consultations électorales que les autorités ont dû y faire face à coups de mesures : instauration par le président de la République de la gratuité de la carte nationale d’identité; campagne d’intensification des inscriptions sur les listes électorales initiées et menées par le Rdpc, - auquel se sont joints d’autres formations politiques y compris celles de l’opposition au pouvoir -; report des élections, notamment pour les députés et conseillers municipaux élus en 2007 pour un mandat de cinq ans.

Élections Cameroon (Elecam), l’organe central de régulation du jeu électoral, n’aura pas été en reste, dans cette démarche de mobilisation civique; communicant sur le sujet, et multipliant des descentes sur le terrain. A l’arrivée, quelques chiffres interprétés selon les positions des acteurs politiques: officiellement, quelques 5,5 millions de Camerounais se sont inscrits sur les listes électorales, soit moins des 7 millions escomptés par le "gendarme électoral". "Insuffisant" pour ceux qui - de l’opposition en l’occurrence - estiment que le pays aurait dû mobiliser "au moins 8 millions" de citoyens pour ces élections. "Raisonnable" aux yeux de ceux qui rappellent que tous les 21 millions de Camerounais ne sont pas en âge de voter.
Mais le malaise est perceptible. Comment en est-on arrivé là?

"Il y a la fait que de nombreux Camerounais estiment que les jeux sont faits et donc qu’il n’est plus important pour eux de s’exprimer. Mais il y aussi le fait que nombre d’entre eux sont convaincus que les engagements de campagne, quand on arrive à les situer, ne sont pas suivis d’effets. En troisième lieu, il faut ajouter la faiblesse de la réponse alternative dans notre système. Sur les plans programmatique et conceptuel, on voit très peu de contradictoire chez les adversaires du régime en place. Ces défaillances sont très bien comprises par les citoyens qui croient que pouvoir et opposition, c’est finalement bonnet blanc et blanc bonnet", explique le politiste Stéphane Akoa, chercheur à la Fondation Paul Ango Ela de géopolitique en Afrique centrale. D’où finalement l’enjeu de ce double scrutin: légalité et légitimité. "Il y a", dit Stéphane Akoa, "d’un côté, la légalité entendue comme la conformité aux normes établies aux règles de droit édictées; et de l’autre côté, la légitimité, c’est-à-dire le fait que le poids des élus soit représentatif de l’ensemble des Camerounais. Et de ce dernier point de vue, on doit s’assurer qu’un nombre suffisamment significatif de Camerounais se sont déplacés pour manifester leurs choix".
Autant dire qu’il ne suffira pas d’être déclaré élu. Encore faudra-t-il être bien élu. Tout un programme.





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