Canal+, une rentrée sous haute tension


Par Rédigé le 12/09/2016 (dernière modification le 12/09/2016)

Depuis plusieurs décennies, la chaîne Canal+ détonne dans le paysage audiovisuel français. La large part accordée au cinéma et au sport, couplée à une certaine liberté de ton lui confèrent un statut à part. Pourtant, depuis que Vincent Bolloré est propriétaire du groupe Canal, celui-ci navigue en eaux troubles.


Une révolution interne peu appréciée

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Entre le départ de nombreuses personnalités, une grille des programmes remaniée et des choix stratégiques curieux, la chaîne cryptée apparaît en grand danger. Des péripéties qui n'inquiètent en rien le nouvel actionnaire, persuadé que sa politique mènera la chaîne parmi les leaders du secteur à l'international.

C'est à la la rentrée 2015 que Vincent Bolloré est officiellement devenu président du conseil de surveillance de Canal+, avec l'ambition de faire de ce groupe un géant à l'international. Afin d'atteindre cet objectif, il impulse d'importants changements, qui font autant jaser en interne que sur la scène médiatique. Sa première décision forte est de licencier le président du directoire du groupe (Bertrand Méheut), le directeur général (Rodolphe Belmer) et le patron des chaînes en clair (Ara Aprikian). Au total, ce sont une trentaine de cadres de Canal+ qui sont remplacés par des proches du nouvel actionnaire, qui s'attaque ensuite à la réorganisation des programmes.

La première victime est un des programmes phare de la chaîne cryptée: "Les guignols de l'info". D'abord menacée de disparaitre, l'émission satirique fait finalement son retour sous un autre format. Devenus simplement "Les guignols", le programme se veut moins subversif et plus divertissant. Pour cela, les quatre auteurs historiques (Lionel Dutemple, Julien Hervé Philippe Mechelen et Benjamin Morgaine) sont renvoyés car jugés trop en décalage avec les attentes des nouveaux patrons. Des changements qui inquiètent les téléspectateurs, d'autant que l'émission est désormais en crypté et qu'elle rencontre un écho infiniment moins important qu'à ses plus belles heures.

Par la suite, Vincent Bolloré s'attaque au fameux "esprit Canal" en pratiquant une censure tout azimut au sein du groupe. Toutes les émissions qui peuvent porter atteinte à ses intérêts où qui critiquent ses partenaires passent à la trappe. C'est ainsi que l'émission "Spécial Investigation" est régulièrement retoquée par le chef du groupe. Celui-ci avait même lancé une procédure de licenciement contre Jean-Baptiste Rivoire, le récalcitrant rédacteur en chef adjoint de l'émission.

Cependant, ces nouvelles méthodes déplaisent au grand public et à de nombreuses personnalités de la chaîne. C'est ainsi qu'au cours des derniers mois, plusieurs vedettes de la chaîne comme Yann Barthès, Ophélie Meunier, Ali Baddou, Thomas Thouroude, et même Maïtena Biraben, (pourtant installée présentatrice du Grand Journal) quittent la chaîne. Même Michel Denisot, à Canal+ depuis 1984, (soit un an après le lancement de la chaîne) a vu son contrat être rompu. Une désertion qui n'est pas sans conséquence: au premier semestre 2016, le groupe Canal déplorait une perte de 200.000 abonnés dans l'Hexagone. Une perte qui ne semble pas inquiéter Bolloré, puisque celui-ci continue son opération nettoyage en supprimant à la rentrée 2016 les émissions "Spécial Investigation" et le "Zapping", bien trop irrévérencieuses à son égard.


Des choix forts à assumer

Tous ses éléments annoncent une rentrée difficile pour Canal+, amputé de la majorité de ses présentateurs vedettes mais aussi de plusieurs programmes phares. La perte des droits du football anglais a notamment fait beaucoup de mal à la chaîne et obligé ses dirigeants à repenser leur stratégie, avec toujours l'objectif de devenir l'un des groupes de télévision les plus importants au monde. Les quelques 60% d'abonnés qui admettaient à BFM TV choisir la chaîne cryptée en grande partie pour son offre sportive devront ainsi se contenter de la Ligue 1, la Coupe de la Ligue et le Top 14 de Rugby, soit une offre bien moins attractive que celles de ces dernières années.

Afin de surpasser cet handicap, la chaîne va ainsi proposer un contenu complètement différent à ses abonnés. Tout d'abord celle-ci va réduire son temps d'antenne en clair, qui passe de six à deux heures quotidiennes afin de réserver la quasi totalité des programmes aux seuls abonnés. En effet, la chaîne désire laisser à ses chaînes satellites Canal 8, Canal Star et Canal News (anciennement D8, D17 et ITélé) le soin de toucher le public qui n'a pas accès à son contenu payant. Pour le reste, Canal compte mettre l'accent sur des sujets qui ont fait son succès, à savoir le sport et le cinéma. Ainsi, à la rentrée, les abonnés auront accès quotidiennement à une émission de sport et une autre consacrée au cinéma.

La stratégie du groupe Canal se trouve donc à un tournant. Le succès de ses créations originales ("Braquo", "Baron Noir"...) et de ses nouveaux formats d'émission (Cyril Eldin au "Petit Journal" ou encore le retour de Mouloud Achour pour "Le Gros Journal") révéleront si la stratégie de Bolloré s'avère payante. Un défi de taille car la chaîne souffre désormais d'un déficit d'image certain dans l'hexagone. Reste que la volonté de développer la chaîne à l'international porte ses fruits: en 2015, Canal+ Afrique revendiquait quelques 500.000 nouveaux abonnés.







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