Diesel en France: la fin de l’état de grâce?


Par Rédigé le 05/10/2013 (dernière modification le 05/10/2013)

Dangereux pour la santé, néfaste pour l'environnement: les critiques sur le diesel se font de plus en plus saillantes à mesure que paraissent des rapports d'experts sur ses conséquences. La France est particulièrement touchée par cette question. Avec 70% de voitures roulant au diesel, le parc automobile français est le plus diésélisé au monde.


Photo © Croquant

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Au Danemark, conduire une voiture diesel est passible d’une amende. Rouler au gazole est également sanctionné en Suisse et strictement interdit au Japon. Avec des prix à la pompe avantageux pour le gazole, la France fait figure d’exception.

Cette préférence française pour le diesel trouve son origine dans les années 1960. Le général De Gaulle, alors président de la République, lance son programme nucléaire et doit trouver une solution pour écouler tout le fioul qui ne va plus être utilisé pour le chauffage domestique. Il décide donc de moins taxer le gazole pour l’usage routier. Depuis, le diesel bénéficie d’incitations fiscales en France.

Des risques de cancers et de maladies pulmonaires

Les plus de vingt ans se souviennent sans doute des nuages de fumée noire qui accompagnaient les voitures roulant au diesel. A l’origine de cette fumée noire: de fines particules au nom scientifique de benzopyrènes. Ces particules, que l’on trouve également dans la fumée des cigarettes, provoquent des maladies cardio-pulmonaires et des tumeurs.

Dès 1988, les gaz d’échappement des moteurs diesel avaient été classés "probablement cancérogènes pour l’homme" par le Centre international de recherche sur le cancer (membre de l’Organisation Mondiale de la Santé).
Après de nouvelles études, les spécialistes internationaux du Centre de recherche (CIRC) ont confirmé que ces gaz d’échappement "sont cancérogènes pour l’homme". Dans un communiqué de presse publié en juin 2012, le CIRC précise que "bien que l’émission de particules soit réduite grâce à des technologies nouvelles il faudra des années pour remplacer les véhicules ne bénéficiant pas de ces évolutions".

L’oxyde d’azote: l’arme pollueuse des moteurs diesel

Le bonus écologique encourage, depuis 2007, les moteurs diesel au motif qu’ils rejettent moins de dioxyde de carbone que les moteurs à essence. Si ce constat est aujourd’hui largement admis, le diesel ne fait pas pour autant figure de bon élève en matière d’environnement.

Les moteurs diesel rejettent jusqu’à trois fois plus d’oxyde d’azote que les moteurs à essence. Outre ses effets nocifs sur la santé (il pénètre dans les poumons et provoque des maladies respiratoires), l’oxyde d’azote est un gaz à effet de serre. L’augmentation de sa présence dans l’atmosphère contribue au réchauffement climatique.

Quand intérêts économiques et enjeux sanitaires ne font pas bon ménage

Le diesel est donc un enjeu sanitaire et environnemental. Mais le gazole est aussi un enjeu économique et il n’a pas que des ennemis.

Au premier rang des fervents défenseurs du diesel: les constructeurs automobiles. En 2001 déjà, Dominique Voynet, alors ministre de l’Environnement, dénonçait "le poids du lobby automobile sur le gazole". Aujourd’hui c’est PSA, apôtre du gazole, qui mène la lutte contre la suppression des avantages fiscaux du diesel. Le groupe automobile a en effet lourdement investi dans le diesel au cours des années 1990 et il entend désormais amortir ces efforts financiers. Patrice Marez, directeur de la conception des moteurs de PSA, assure que les études sur la pollution et les dangers du diesel ne concernent que les anciens véhicules. Pour lui, le filtre à particules est la solution à tous les maux: "Il arrête tout! Ce qui passe à travers n’est même pas mesurable".

Dans sa lutte pour la survie, le diesel peut compter sur un autre soutien: les routiers. Gros consommateurs de diesel, les routiers tirent leur force d’une capacité de nuisance et de blocage quasiment sans égal. Une hausse du prix du gazole et les routes françaises sont immédiatement bloquées par des poids lourds à l’arrêt.

Des progrès… insuffisants

Les discours sur les dangers du diesel sont anciens. Ils ont entraîné les pouvoirs publics et les constructeurs automobiles à aller dans le sens d’un diesel "plus propre".

En 2000, Peugeot invente le filtre à particule. Devenu obligatoire en janvier 2011, ce filtre permet d’éliminer 99% des particules rejetées par un moteur diesel.
Les émissions d’oxyde d’azote sont elles aussi réduites grâce à la généralisation du pot catalytique.

"Ces technologies ont de grosses faiblesses" réplique Bruno Guibeaud, président d’Europe Qualité Expertise, l’un des plus grands réseaux d’experts automobiles français. M. Guibeaud, qui est également un interlocuteur principal des pouvoirs publics sur la question du diesel, rappelle que le filtre laisse passer les plus petites particules. Or ces micro-particules (inférieures à 1 micromètre) seraient les plus dangereuses. "Elles se fixent dans les poumons et peuvent entraîner de l’asthme ou un cancer des poumons" affirme Bruno Guibeaud.

Par ailleurs le pot catalytique et le filtre à particules, qui ont besoin d’une température supérieure à 600 degrés pour fonctionner, ne sont pratiquement d’aucune utilité lors des trajets en ville. En effet, le moteur y tourne à bas régime et n’atteint pas la température requise.

L’année prochaine, le diesel devrait faire un nouveau pas vers une ère "plus propre". "Euro 6", une norme européenne qui entrera en vigueur en 2014, vient limiter les émissions d’oxyde d’azote pour les moteurs diesel.





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