Ecole à domicile aux Antilles


Par Nouria Anseur Rédigé le 18/04/2020 (dernière modification le 08/04/2020)

En Martinique les grèves de février et mars ont habitué
parents et enfants aux cours à la maison. Le confinement ne fait que prolonger cet épisode incongru.


Parents et élèves habitués...

Le cours de mathématiques, prévu pour deux heures, se termine ...en quinze minutes. (c) Canva.
Si l'annonce du confinement a été ressentie comme un choc, celle de la fermeture des écoles n'a suscité qu'un dépit résigné. En Martinique, certains élèves n'ont pas eu de cours depuis le 6 décembre 2019 dès le début du mouvement de grève de l'enseignement. La plupart en ont été privés depuis début février : la reprise des cours en mars a duré moins d'une semaine jusqu'à la fermeture nationale.
Les cours à domicile constituent donc pour beaucoup un retour à une situation déjà connue peu avant. Cette "habitude" ne facilite pas les choses. Ici la lassitude des uns et des autres pour cette manière de fonctionner se ressent plus qu'ailleurs. La perte de repères temporels que constituent les week-ends et les vacances est exacerbée. L'école et les professeurs semblent loin.
L'annonce précoce du calcul d'obtention du bac et du brevet a sonné comme le début des grandes vacances.

Une journée type d'une famille de Martinique

En Martinique, certains élèves n'ont pas eu de cours depuis le 6 décembre 2019 dès le début du mouvement de grève de l'enseignement. Wikipedia, domaine public.
Il y a d'abord le réveil des enfants. Les prévisions discutées, toujours optimistes, avaient fixé le travail scolaire à heure fixe. Mais passée cette heure, les enfants dorment toujours et refusent de se lever. Après tant de jours, la motivation est difficile à trouver. Les promesses et punitions ont toutes été utilisées sans effet réel. L'indulgence des parents ne peut qu'augmenter ; la fatigue et la lassitude ne sont pas feintes.

Une dernière supplique ou une dernière menace (selon l'humeur fragile du parent) finissent par avoir raison du sommeil. Mais les enfants ne sont pas encore à leur bureau : le rituel du lever peut également prendre du temps.
Internet semble s'être lassé des cours à domicile : les professeurs ne donnent plus que çà… L'idée de suivre le programme est morte après les 3 premières semaines de grève. Aucun cours en "live", des devoirs donnés par paquets de quinze pages : l'institution n'était pas préparée à ce tsunami, et n'assure pas l'accompagnement.
Les parents et les élèves ne peuvent pour autant pas baisser les bras. Alors les cours se mettent en place.
La magie opère parfois : parent habité, élève attentif ; une nouvelle sorte de complicité mêlée de fierté s'installe. Les parents se plongent dans le programme jusque-là bien lointain des élèves, qui eux regardent leurs parents d'un nouvel œil, amusé et curieux. Dans ces rares moments, l'apprentissage se fait jeu.
La plupart du temps, la réalité diffère de ce tableau idyllique.

Le tour des livres s'est fait rapidement : ils ont été oubliés à l'école. Les cours se font à partir de supports divers, piochés chez les amis, sur internet, à la télévision ou, dans la propre expérience du parent. Les cours peuvent se transformer en leçon de vie ou en moment pénible pour tous. Mélange d'exhortation à l'effort, à la mise en évidence des valeurs de travail et de courage entremêlé d'exercices.

Le cours d'histoire se base sur la mémoire du parent. Une fois données les dates de début et de fin de guerre, il est vite confronté aux lacunes et confusions de sa mémoire défaillante. Le plan de secours consiste à un visionnage de documentaire trouvé au hasard sur une plateforme de partage.
Les cours de musique, technologie, espagnol, éducation civique, SVT, arts plastiques aboutissent à un consensus simple : ils sont mis de côté, soit par manque évident d'intérêt de la matière, de connaissance sur la matière, ou encore par manque évident de motivation, de la part des élèves et des parents.

Le cours de mathématiques, prévu pour deux heures, se termine ...en quinze minutes.
Perdus dans les méandres sans fin de la pédagogie, les parents abrègent l'heure de cours faute de matière bien préparée. Les patiences sont mises à l'épreuve.
L'inverse s'avère impossible : les enfants suivent le chronomètre à la suite. Dépasser les trois heures
quotidiennes d'une minute ne s'envisage pas : les autres inoccupations attendent...

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