Face à la crise grecque, les solidarités se développent


Par Rédigé le 18/04/2018 (dernière modification le 17/04/2018)

Yannis Youlountas, réalisateur franco-grec connu pour ses films "Ne vivons plus comme des esclaves" et "Je lutte donc je suis", était à Strasbourg pour présenter son dernier documentaire intitulé "L'amour et la révolution". Le film retrace les révoltes à Athènes et en Crète dans le contexte de la crise grecque qui dure depuis 2008. Interview.


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On y plonge en immersion dans le quartier d'Exarchia, au centre d'Athènes, qui est devenu à la fois le centre et l'emblème des luttes sociales grecques. Face à la crise, la population s'organise et répond par la solidarité.

Contre la faim, on développe des réseaux de cuisine sociale qui distribuent des repas gratuits. Contre la crise du logement et la crise des réfugiés, on investit des bâtiments inoccupés pour accueillir. Lorsque plus d'un tiers des Grecs n'ont plus de couverture maladie, des médecins offrent bénévolement des consultations gratuites dans les hôpitaux. Même à l'école, alors que des enfants tombent dans les pommes par faim, des équipes d'élèves animent des petits déjeuners autogérés pour tous.

Qu'est-ce qui explique cette solidarité et ce vivre-ensemble que l'on voit dans ton film, notamment avec les réfugiés, et entre des personnes très différentes?
On peut sans doute comprendre cette ouverture à l'égard des migrants, qui est la forme de vivre ensemble la plus périlleuse avec des gens qui ont une culture et parfois une langue très différentes, par le fait que la population grecque est une population d'immigration et d'émigration.
Il y a, enfin, un art de vire en Grèce, bien sûr qui n'est pas si différent que ça de ce qu'on peut trouver ailleurs dans les différentes zones d'humanité, mais qui a quand-même pour particularité de prendre le temps de suspendre le temps et de partager des moments ensemble. Et pour savoir vivre ensemble, il faut d'abord savoir prendre le temps, savoir arrêter le temps.

Comment le système d'autogestion à Exarchia s'est-il mis en place?. Était-ce naturel?
L'autogestion ce n'est pas naturel et c'est naturel, les deux à la fois. Ce n'est pas naturel dans ce sens que nous sommes habitués en Europe, même en Grèce et a fortiori en France, d'être dans un état dit providentiel sur les questions sociales, mais, en fait, qui est de moins en moins un état providence, parce qu'il abandonne progressivement toutes ses prérogatives sociales. [...] En Grèce, c'est quelque chose tout de même de naturel, en ce sens que la débrouillardise a toujours été l'un des traits de cette population sur ce territoire, qui a connu beaucoup d'occupations, de colonisations, de dictatures; qui a connu des moments de grande détresse et de grande misère, et enfin qui est un peuple de voyageurs, ce qui aussi entraîne pas mal de savoir-faire en matière de débrouillardise. Et puis n'oublions pas aussi que c'est une terre où la démocratie a été travaillée de diverses manières. Par conséquent, le fait qu'on développe aujourd'hui des formes autogérées de solidarité, s'accompagne de réflexions sur la démocratie directe, de pratiques d'auto-organisation, qui sont un peu dans la logique des choses sur ce territoire.

Yannis Youlountas conclut en insistant sur l'importance de préserver des lieux comme Exarchia et d'y participer dans la mesure du possible, car ils permettent d'expérimenter des alternatives et d'imaginer de nouveaux modèles de société.







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