Karabagh : sur la possibilité d’une guerre arméno-azérie

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Par Collectif VAN Rédigé le 30/06/2010 (dernière modification le 30/06/2010)

« En plus des dizaines de milliers de morts dus à la guerre, l’Azerbaïdjan se trouverait au bord d’un effondrement économique total. En tant qu’État, l’Azerbaïdjan ne survit aujourd’hui uniquement que par ses exportations de pétrole et de gaz naturel. C’est pourquoi les puits de pétrole, les pipelines de pétrole et de gaz et autres infrastructures sont des sites d’importance stratégique et, par conséquent, des cibles légitimes. N’est-il pas évident, qu’aux premières heures de la guerre, il ne restera que des débris fumant de métal, à la place de ces infrastructures ? »


Ara Papian, Directeur du Think tank “Modus Vivendi”, a signé le 21 juin 2010, une analyse sur le risque de guerre entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie concernant la République autonome du Haut-Karabagh (« Artsakh » en arménien). Le Collectif VAN vous propose la traduction de cet article.


Sur la possibilité d’une guerre en Artsakh

Je suis d’accord avec l’opinion exprimée de nombreuses fois au sujet du Nagorno-Karabakh (Artsakh), la politique suivie par Ilham Aliyev se base largement sur des facteurs domestiques. Ilham, comme son père, appartient à cette école de politiciens pour qui seul le pouvoir est sacrosaint, leur donnant la possibilité d’empocher de vastes sommes d’argent avec ce statut. Par conséquent, c’est dans cette perspective qu’il faut examiner la possibilité pour Aliyev de déclencher une guerre sur le front de l’Artsakh. Toute guerre comprend des conséquences graves et imprévisibles pour les autorités au pouvoir. Ilham Aliyev, je pense, n’a pas oublié que le pouvoir a changé de mains en Azerbaïdjan suite à la défaite militaire en Artsakh.

Aliyev a-t-il actuellement une quelconque garantie de pouvoir mettre à genoux la partie arménienne par une guerre ? Je suis convaincu que ce n’est pas le cas. De plus, la probabilité que l’Azerbaïdjan perde davantage de territoires dans une guerre est bien plus grande.

Essayons de comprendre à quel prix l’Azerbaïdjan pourrait remporter une victoire hypothétique en Artsakh. Si nous allons jusqu’à imaginer l’impossible, soit, si les forces armées azéries réussissaient à détruire l’armée arménienne (une chose qui ne peut survenir en ce qui concerne une armée en position défensive retranchée) et à se débarrasser de tous les Arméniens de l’Artsakh (c’est une réalité, cette guerre n’est pas juste une guerre entre deux pays, mais également entre deux peuples), qu’elle serait alors la situation en Azerbaïdjan ? En plus des dizaines de milliers de morts dus à la guerre, l’Azerbaïdjan se trouverait au bord d’un effondrement économique total.

En tant qu’État, l’Azerbaïdjan ne survit aujourd’hui uniquement que par ses exportations de pétrole et de gaz naturel. C’est grâce à ses ventes que l’Azerbaïdjan s’arme à présent et fanfaronne régulièrement face à Artsakh et l’Arménie. C’est pourquoi les puits de pétrole, les pipelines de pétrole et de gaz et autres infrastructures sont des sites d’importance stratégique et, par conséquent, des cibles légitimes. N’est-il pas évident, qu’aux premières heures de la guerre, il ne restera que des débris fumant de métal, à la place de ces infrastructures ? Il est également important de souligner que l’Azerbaïdjan ne peut prendre de contre-mesures similaires, car l’économie arménienne, même avec tous ses points faibles, est incomparablement moins vulnérable, puisque nous n’avons pas deux ou trois structures dont la destruction impliquerait l’arrêt de nos exportations et donc la perte de 90% de notre revenu actuel.

Sans parler du fait qu’Aliyev doit des comptes non seulement à son propre peuple, mais également à toutes les compagnies étrangères qui ont fait des investissements énormes dans ce domaine et dont plusieurs n’ont pas encore atteint un retour sur investissements. Pourquoi Aliyev a-t-il besoin d’une guerre ? L’Émir de Bakou est content de lui-même, lui qui pompe la richesse minérale du pays entier, tout en maintenant la majorité de la population de ce pays, le propriétaire légal de la grande richesse de ce pays, dans un état de pauvreté extrême. Aliyev utilise un « anti-arménianisme » fanatique afin de maintenir le pouvoir qu’il a volé et les richesses qu’il a volées.

Aliyev est un véritable voleur - ceux qui volent le pouvoir sont toujours des voleurs - et donc son cœur est toujours dans une situation critique. Par conséquent, bien que je trouve que la guerre soit fortement improbable, elle ne peut pas être complètement exclue. Dans des situations tendues, les guerres peuvent aussi éclater d’elles-mêmes. Cependant, en tant que mouvement politique planifié, je crois qu'Aliyev serait partant pour une telle aventure (il n'y a pas d’autre mot pour cela) dans un seul cas, soit si la propre position d'Aliyev en Azerbaïdjan était si affaiblie, qu'il lui serait difficile de s'assurer une fois de plus de réussir à prendre le pouvoir par les fraudes et les falsifications. Cela revient à dire qu’il faut envisager tous les événements politiques de l'Emirat de Bakou dans une perspective visant à maintenir la richesse et la position d'Aliyev. Si la guerre reste l’unique voie pour Ilham Aliyev de maintenir sa mainmise sur le pouvoir, il la fera.

Cependant, comme il n'y a pratiquement aucune véritable opposition actuellement en Azerbaïdjan, je ne pense pas que l'Émir se sente directement menacé par quelqu'un. Ilham Aliyev n'est pas intéressé par la victoire ou même par la défaite de l'armée azerbaïdjanaise aujourd'hui. En Orient, les gens sont impitoyables envers les émirs vaincus ; dans le même temps, rien n'est plus dangereux pour un tyran d'Orient que les soldats et les généraux d'une armée victorieuse.


Ara Papian
Directeur, Centre “Modus Vivendi”
21 juin 2010

©Traduction de l’anglais C.Gardon pour le Collectif VAN – www.collectifvan.org





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