L'OREILLE DE VINCENT


Par Colette Dehalle Rédigé le 04/03/2009 (dernière modification le 04/03/2009)

Depuis le le 23 décembre 1888, on croyait savoir que Van Gogh s'était tranché le pavillon auditif gauche à Arles où il résidait depuis le 20 février, d'abord à l'hôtel-restaurant Carrel, 30 rue de la Cavalerie, puis à partir du mois de mai dans la Maison jaune au 2 place Lamartine.


Autoportrait à l'oreille bandée ou L'Homme à la pipe, Vincent van Gogh, 1889
Mais voilà que cette certitude-là est bien ébranlée avec les révélations que l'expert Rita Wildegans vient de faire dans un livre qui va paraître chez l'éditeur Osburg à Berlin, Van Goghs Ohr. Paul Gauguin und der Pakt des Schweigens, L'oreille de Van Gogh. Paul Gauguin et le pacte du silence. Au terme de patientes recherches, d'une enquête minutieuse basée sur la relecture des procès-verbaux de la police et des témoignages recueillis à l’époque, l'Allemande et son compatriote Hans Kaufmann insistent sur le fait que Van Gogh, retrouvé baignant dans son sang au matin du 24 décembre, ne se souvenait plus de ce qui s'était passé la veille et que l'origine de la blessure avait été établie uniquement sur la foi des déclarations de Gauguin. L'oreille aurait été tranchée par ce dernier lors d'une violente dispute alors qu'il était sous l'emprise de l'alcool. S'ajoute à cela un fait troublant, le départ précipité de Gauguin puis cet ordre qu'il avait donné qu'on expédie à Paris ses effets personnels dont son équipement d'escrime. Toutefois, il ne mentionne pas son épée, ce qui laisse supposer qu'il l'avait emportée avec lui. Même si Rita Wildegans et son collègue révèlent dans leur livre les nombreuses failles de la version officielle qu'ils ont découvertes, ils avouent cependant n'être pas totalement sûrs de la théorie qu'ils avancent. Ils ne font que s'appuyer sur toute une série de petits indices, maintiennent que c'est Gauguin qui savait tout de l'affaire, qu'il lui arrivait de mentir et qu'en outre c'était un amateur d'escrime.

Ils reviennent sur le fait que Van Gogh et Gauguin ont commencé à se disputer quand ce dernier eut annoncé à son ami qu'il allait quitter Arles, à la grande déception du Hollandais qui lui avait demandé de venir quelques mois auparavant, avec l'idée de créer une communauté d'artistes, à l'instar de celle qui avait existé précédemment à Pont-Aven. Gauguin était arrivé le 23 octobre. Van Gogh aurait alors été très mécontent, ils se seraient disputés, l'alcool aidant, l'affrontement se serait alors envenimé et Gauguin aurait pu trancher l'oreille de Van Gogh. Il a affirmé par la suite avoir vu Van Gogh déambuler dans les rues d'Arles un rasoir à la main, ce qu'il n'avait pas mentionné dans ses premières déclarations à la police. Les deux chercheurs jugent assez invraisemblable cette description de Van Gogh marchant dans la nuit pour apporter à la prostituée Rachel, un morceau de son oreille enveloppé dans du papier journal. Selon Rita Wildegans et Hans Kaufmann les deux peintres auraient décidé de ne rien avouer. Ils avancent donc une nouvelle version de cette affaire que l'on croyait classée une fois pour toutes.
Inutile de dire qu'elle ne passera pas inaperçue dans le cercle des critiques et des historiens de l’art européen.






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