L'agroforesterie: la richesse insoupçonnée de l'arbre


Par Rédigé le 25/06/2019 (dernière modification le 24/06/2019)

Dimanche 19 mai 2019, l’Association Française d’Agroforesterie organisait à Montpellier la journée internationale d'agroforesterie "Des arbres dans nos assiettes". Aujourd'hui plus qu'hier nous savons que les activités humaines ont un impact déplorable sur la biodiversité, le sol, l'eau, l'air... Face à ces enjeux écologiques et environnementaux, l’arbre champêtre semble retrouver sa place initiale dans les systèmes de production agricole avec, à terme, un potentiel économique certain.


Aurélien Castel, agriculteur normand. © J. P.
Agriculteur, ingénieur en développement agricole et rural de formation, Aurélien Castel exploite 25 ha de terres cultivées, dont 18 ha d'agroforesterie et aussi 35 ha de prairies à Saint-Martin-de-Mieux, dans le Calvados. Dans l'objectif de recréer de la biodiversité, de limiter son impact environnemental et de se diversifier, il plante une parcelle agroforestière de 7 ha en février 2016 puis une seconde de 11 ha en décembre 2018, toutes deux avec une densité faible, respectivement de 30 et 35 arbres par hectare.

Un retour en arrière adapté aux évolutions récentes

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L’agroforesterie est un mode de production agroécologique associant au sein d'une même parcelle, une production agricole – cultures, pâture – ainsi que des arbres et/ou arbustes imitant l'environnement forestier naturel. "C'est un système qui existe depuis la nuit des temps, de par le monde, dont l’appellation récente est l'agroforesterie. Auparavant, il était commun de voir des arbres au milieu d'un champs, c'était déjà une forme d'agroforesterie". En France, les systèmes agroforestiers traditionnels ont fortement régressé depuis les années 1950, période du remembrement et de la modernisation du matériel agricole.

"Aujourd'hui, l'arbre est réintroduit de manière moderne en l'intégrant dans l'espace car le matériel et son dimensionnement ont changé. En effet, en grande culture la praticité d'entretien et la facilité pour réaliser les travaux agricoles sont essentielles". Les principales évolutions par rapport à l’agroforesterie traditionnelle concernent donc la disposition des arbres mais aussi leur densité. "Effectivement, les interactions arbres-cultures vont être plus ou moins intenses selon la densité d'arbres à l'hectare: plus la densité est élevée, plus il y aura d'ombre. En optant pour une faible densité dans un système de culture, l'interaction sera faible dans 25 ou 30 ans avec, probablement, une perte de rendement de l'ordre de 15 ou 20% maximum. Par contre, à très forte densité la photosynthèse est bien moindre. Toutefois, l'ombrage est très intéressant pour l'élevage, notamment en période de sécheresse en maintenant l'humidité dans la prairie".

"L'agroforesterie est un système de production qui commence à prendre de l'ampleur, surtout auprès de la jeune génération d'agriculteurs, mais la surface en France reste pour l'instant, peu conséquente". Toutefois, des aides misent en place par les régions et divers organismes en faveur de ce nouveau mode d'agriculture, auront un effet bénéfique sur l'augmentation des parcelles agroforestières.

Des avantages écologiques et environnementaux: une biodiversité retrouvée

Schéma des interactions arbre-cultures dans un système agroforestier © Association française d'agroforesterie
Dans des systèmes de grandes cultures, l'arbre est en concurrence direct au sol avec les cultures. "Alors, plutôt qu'une implantation racinaire de surface comme dans les forêts, dans les champs cultivés, les racines de l'arbre descendent plus profond. Ainsi, l'arbre capte des éléments en profondeur, issus de la dégradation de la roche-mère, ce dont les cultures sont incapables. Par exemple, par des interactions écologiques, l'arbre peut rendre le phosphore assimilable pour les cultures. De même, ses racines puisent l'eau en profondeur et la remonte par capillarité". De plus, suite à la tombée des feuilles au sol, la décomposition génère des matières organiques: "une herbe toujours très appétante est présente au pied de l'arbre, c'est d'ailleurs la première que les animaux mangent. Cet effet est tout aussi positif dans un système de grandes cultures". L'ascenseur hydraulique, la pompe à nutriments ainsi que les matières organiques sont donc bénéfiques pour les cultures, en limitant les besoins en eau et les apports d'engrais chimiques utilisés dans l'agriculture intensive actuelle.

L'association d'arbres ou d'arbustes fruitiers et forestiers au sein d'une même parcelle cultivée ou pâturée est facteur de biodiversité. "Les arbustes forestiers constituent de petites niches à coccinelles: celles-ci combattent les pucerons pouvant être présent dans les arbres fruitiers. Les coccinelles mais aussi les abeilles reviennent alors qu'elles avaient quasi-disparues depuis quelques années. Leur présence est importante, tout comme les vers de terre dans nos cultures étant des indicateurs biologiques d'une bonne qualité de vie de l'écosystème".

Une source de diversification

La parcelle agroforestière est aussi une source de diversification ayant pour but une rentabilité échelonnée dans le temps. "En comparant cela à de l'épargne, l'arbre fruitier produit des intérêts à moyen terme et l'arbre forestier une épargne de retraite. Ma partie fruitière sera complémentaire de mon activité de production et de vente directe de viande de bœuf et de veau. Des pommes ainsi que des poires locales et écologiques seront alors proposées pour toucher de nouveaux clients, ma partie forestière sera utilisée pour la menuiserie. Pour d'autres, l'alternative serait de planter des arbres à croissance rapide pour la production de bois déchiqueté ou de chauffage".

Parcelle agroforestière de 7 ha plantée en février 2016, Saint-Martin-de-Mieux, Calvados. © J. P.
L'arbre champêtre apporte un des éléments de réponse aux urgences climatiques, écologiques et environnementales. Opter pour des essences variées permet la biodiversité et répond aussi à l'urgence face au déclin des populations d'abeilles, à la raréfaction des coccinelles... Alors que les scientifiques tirent la sonnette d'alarme depuis plusieurs années, les résultats des élections européennes des 25 et 26 mai 2019 en France reflètent, enfin, une prise de conscience. Face à l'augmentation du prix des carburants et des intrants agricoles en général, certains agriculteurs utilisent désormais des techniques plus économiques tout en étant plus respectueuses de l'environnement.






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