L’analyse de la pauvreté au Cameroun


Par Bienvenu Stéphane TOUMBI Rédigé le 15/09/2009 (dernière modification le 17/04/2018)

La réduction de la pauvreté et l’élimination de l’extrême pauvreté sont les priorités du gouvernement camerounais depuis son admission à l’initiative PPTE.


Des taudis tout au tour de la Cité des Palmiers (quartier résidentiel)
Les pauvres au Cameroun sont ceux qui vivent en dessous du minimum vital. Leur taux est passé de 50% en 1990 à 40,2% en 2001. Selon les prévisions officielles, ce taux continuera à baisser et on le situe à 25,25% en 2015.
Alors qu’il fallait en 2001 avoir annuellement moins de 232 500 CFA pour être déclaré « pauvre», depuis 2008, on est pauvre au Cameroun avec 269 400 CFA par an. Soit une augmentation du seuil de pauvreté de plus de 13,7%.
La cause directe de la pauvreté au Cameroun est le chômage. Ce phénomène économique reste principalement urbain (10 ,7%). Yaoundé et Douala affichent les taux les plus élevés, avec respectivement 14,7% et 12,5%(3). Selon les chiffres de l’Institut National de la Statistique, 39,9% de la population camerounaise vivraient en dessous du seuil de pauvreté, fixé à 738 CFA/jour. Le taux de pauvreté évaluée à 12,2% en milieu urbain, atteint 55% en milieu rural.
Il va de soi qu’une partie importante de la population est de ce fait exclue de la consommation. Ainsi malgré une légère baisse du chômage entre 2001 et 2008 due en partie à la reprise économique, c’est à l’extension et au développement du secteur informel qu’il faut attribuer cette baisse du chômage. Tous observateurs et analystes sont unanimes sur l’évolution du secteur informel qui a évolué fortement depuis la crise de 1986 et a atteint des seuils inquiétants. Aujourd’hui, près de 90% des travailleurs au Cameroun exercent dans le secteur informel. Les principales caractéristiques de ce secteur sont cependant les conditions de travail et de rémunérations très précaires.
Même si la croissance de ce secteur permet de remédier au problème du chômage, il faut souligner que son extension s’accompagne de l’accroissement de la pauvreté.

En ce qui concerne les causes du chômage au Cameroun, elles sont nombreuses. On peut citer entre autres :
- Le gaspillage des ressources humaines qui ne sont pas mise en valeur. Le
problème se pose davantage en termes de sous-emploi et de travail mal rémunéré dans le secteur informel. Le principal problème du marché du travail au Cameroun n’est pas tant le chômage, que le sous-emploi (c’est-à-dire qui font moins de 35 heures de travail par semaine) et les niveaux trop bas de salaires. 69,3% des travailleurs gagnent moins que le salaire minimum légal du pays qui est d’environ 25 000 FCFA (40 euros), un salaire de misère insuffisant pour vivre et subvenir à leurs besoins. Il faut noter que 4 personnes actives sur 3 sont en situation de sous-emploi.
- Un système éducatif faiblement orienté sur l’emploi. Le système éducatif camerounais se caractérise par une grande inadéquation entre la formation et l'emploi. Le profil du chercheur d’emploi dressé par le Fonds National de l'Emploi (FNE) montre que 65 % des chercheurs d'emplois sont diplômés mais non qualifiés. Ainsi il ressort de cette enquête qu'environ 80% des élèves sont orientés vers l'enseignement général, 15% vers l'enseignement technique et 5% vers l'enseignement technique professionnel ; ce qui explique certainement cette inadéquation.
- L’insuffisance des dispositifs de financement des projets par le secteur financier. Les banques n’accordent de crédits qu’à ce qui peuvent fournir des garanties et les crédits accordés sont de courte période ; ce qui empêche toute possibilité d’investissement. Le Fonds PPTE crée pour lutter contre la pauvreté ne le fait guère, car les conditions exigées sont telles qu’il faut être une grande organisation pour y parvenir.

La situation est plus alarmante chez les jeunes et les femmes qui sont de plus en plus nombreux à arriver sur le marché du travail et qui sont cantonnés dans des emplois précaires, temporaires ou de mauvaise qualité. Les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur sont particulièrement touchés par ce phénomène. Ils sont chauffeurs de taxi, vendeurs de livres d’occasions au bord des routes de Douala et de Yaoundé. Dans cet environnement économique, le diplôme ne facilite plus nécessairement l’insertion professionnelle, puisque le taux de chômage augmente de manière pernicieuse.
Les jeunes et les femmes issus de groupes sociaux défavorisés sont particulièrement touchés perpétuant ainsi le cercle vicieux de la pauvreté et de l'exclusion sociale. Leur situation est d’autant plus dramatique que l’accès à un travail décent leur est refusé faute de relations et de soutiens suffisants. Les évènements de janvier 2008 à Douala, à Yaoundé et dans certaines autres grandes villes du pays attestent ce ras de bol des jeunes.

La face visible de la pauvreté au Cameroun est l’extension de l’habitat dans le centre ville (Les quartiers PK 10, PK 9, PK 8 et Béedi qui entourent la cité des palmiers sont de véritables ghettos qui laissent une impression de désordre et de laideur)

Une vue du quartier « Village ». LA TAUDIFICATION EST ICI DE RIGUEUR.
En dehors du quartier Akwa Nord, le seul quartier périphérique de la ville qui respire le bien être et l’opulence, les autres quartiers périphériques sont des espaces d’extrême pauvreté où la prostitution et le banditisme ont élu domicile. On peut citer Deido avec ses rues de la joie, le quartier « Village » avec son carrefour «mama j’ai raté ma vie». Ces quartiers sont caractérisés par une occupation anarchique de l’espace, l’absence de schéma directeur d’aménagement et de plan d’occupation du sol, l’absence d’infrastructures essentielles.
Ces quartiers sont aujourd’hui le repère du petit et grand banditisme. La prostitution dans ces quartiers n’a pas d’âge. Les parents qui sont sensés protéger leurs enfants sont ceux là mêmes qui les envoient dans la rue à la recherche de la survie. La dignité ici est un mot bannit du vocabulaire des gens tout comme la morale. La lutte pour la survie est la seule règle dans ces espaces de vie où la pauvreté endémique, l’absence de repères, d’espoir et de morale fabrique des citoyens sans âmes et sans sentiments.
C'est vrai que la promotion d'un emploi productif pour les jeunes hommes et jeunes femmes occupe aujourd’hui une place de choix dans les discours politiques et les recommandations des organisations internationales.
Mais cette politique doit commencer par une resocialisation des populations.

Même si l’environnement économique est redevenu favorable (en termes de croissance économique), aucun effet n’est encore perçu sur le marché du travail. Les mécanismes de répercussion des fruits de la croissance sont bloqués par le système administratif et politique. La volonté politique de placer la problématique de l’emploi en général et de l’emploi des jeunes en particulier au cœur de la problématique de développement reste encore faible. Cependant les discours politiques récents donnent de l’espoir.

Aujourd’hui la solution demeure l’auto emploi avec cependant le développement d’un capital de solidarité issu de la reconstitution des liens organiques dans le cadre familial et pourquoi pas du développement d’un capitalisme de proximité à travers les clubs d’investissements.





Autres articles dans la même rubrique ou dossier: