La Nouba des monstres


Par Omar Chaalal Rédigé le 28/06/2020 (dernière modification le 28/06/2020)

La vérité est la base de toute éducation. Le sens des mots change avec le temps et les couleuvres s’adaptent à toutes les circonstances. A chacun sa propre manière de pratiquer la nouba. Certains sont morts pour que vive l’Algérie. D’autres s’éternisent dans le système en changeant de peau comme le serpent afin d’en tirer profit.


Introduction

Mains liées
Selon Wilhelm Grimm, ces éléments mythiques qu'on retrouve dans tous les contes ressemblent aux fragments d'une pierre brisée que l'on aurait dispersés sur le sol, au milieu du gazon et des fleurs, les yeux les plus perçants peuvent seuls les découvrir. Leur signification est perdue depuis longtemps, mais on la sent encore et c'est ce qui donne au conte sa valeur. 

À l'heure où les moyens d'expression dans les espaces qui permettent  aux opinions de s’exprimer librement n'ont jamais été aussi nombreux, où les témoignages des uns et des autres sont de plus en plus accessibles, considérés, relus, sauvegardés, partagés et commentés, on peut très facilement retracer le passé historique d'un inconnu arriviste qui évoque noblesse et nationalisme. De la même manière, on ne peut plus s'interroger sur ce qui a poussé un citoyen lambda à dénoncer les combines d'un responsable, à lui rappeler ses dires et garder comme références ses actes et ses comportements.
Ma mère n'était ni académicienne ni responsable, mais ses contes m'ont été très bénéfiques. Elle était très consciente et savait comment dire la vérité face au mensonge diffusé par les émissions de la radio militaire.

La Voix du Bled était considérée comme une sorte de culture durant la guerre de libération. A travers cette voix, les Ouléma improvisés diffusaient la culture des monstres.

Ma mère m'a raconté que dans son bon vieux temps, dès la plus tendre enfance, les parents, les voisins et les disciples de cheikh Bou Aamama, cheikh Al Hadad, cheikh Mohamed Bachir El Ibrahimi et cheikh Ben Badis dans les écoles coraniques libres, apprenaient aux jeunes Algériens comment se tenir dans leur vie quotidienne. Ils leur ont toujours répété que la vie est un défi.

Il faut être raisonnable et éviter de réagir comme des bêtes féroces. Pour inculquer le nationalisme dans les  jeunes esprits, les grands-mères chantaient les poèmes patriotiques relatant les victoires des aïeux. Soyez des gens de bonne souche pour bien comprendre la mécanique de ce monde. Soyez de bons guerriers et défendez avec foi et courage votre terre contre les envahisseurs. Suivez l'exemple de vos héros révolutionnaires et souvenez-vous de la bataille de Sidi-Brahim.

La nouba

Le mot nouba, dans le titre, veut dire "attendre son tour". Jadis, durant l'empire Ottoman, les musiciens se succédaient, chacun attendant son tour pour chanter devant le calife. Aux Etats Unis, la nouba est un spectacle magnifique et exceptionnel situé à Disney World, Orlando. Dans ce cirque les clowns attendent leurs tours pour faire rire les spectateurs. Durant l'empire napoléonien les monstres colons faisaient la nouba pour torturer nos pères et terroriser la population. Durant l'empire Bouteflika, la nouba se pratiquait par les fils de ladite nomenklatura. Ces derniers attendaient leur tour chez Ali Hadad à la villa du chemin Mackley, à Ben Aknoun pour bénéficier d'un gain illégal. La nouba chiffonne la politique et nous rappelle la haine et la rancune des monstres colons. Il est temps de déboulonner les pratiquants de la nouba du système politique comme on déboulonne les statues de la honte ces jours-ci !

Les mémoires de Juin

Nous sommes en juin. Ce mois fait revenir dans la mémoire des Algériens trois évènements très importants. Le premier, le 11 Juin 1845, la journée des enfumades à Chlef. Le second, le19 juin 1871, la statue de liberté arrive au port de New York venant de France. Le troisième, le 19 Juin 1956, journée d'exécution d'Ahmed Zabana et Abdelkrim Ferradj. Ces deux héros de la révolution furent les premiers, d'une liste de 222 moudjahidines, à être guillotinés par la barbarie des monstres. Aujourd'hui, cent cinq ans après les enfumades, les couleuvres protègent les intérêts des fils du colonel Montagnac en Algérie et veulent nous faire retourner à l'Algérie de Leroy de Saint-Arnaud.

Un fils de Fafa

Me référant à Sibeth Ndiaye, une conseillère en communication auprès du président Macron “Il y a des personnages historiques qui, compte tenu des choix qu'ils ont fait, n'ont plus leur place autre part que dans les livres d'Histoire”, je pense qu’il est bon de rappeler à nos enfants les bonnes leçons de notre histoire. La bataille de Sidi Brahim est une excellente illustration de la témérité et la stratégie de guerre chez nos aïeux. Elle doit être enseignée dans nos écoles. Dans cette bataille, le capitaine Gentil de Saint-Alphonse, frappé d’une balle à la tête tombait de son cheval comme une statue immobile. Le cavalier algérien qui l'avait tué d'un coup de pistolet, lui avait crié en faisant feu: Abdelkader ! Ce cavalier n'était autre que l'Émir. A la vue de cette catastrophe, le colonel Montagnac transmet à sa faible troupe son courage désespéré. Le colonel Montagnac tombe mortellement blessé. Un fils de Fafa, le caïd de Nedroma, Nekkach, recueillit une partie au moins des survivants et refusa d'ouvrir les portes de sa ville aux troupes de l’émir.

Cordes aux cous et mains liées

Ma mère a vécu un siècle. Elle avait deux ans quand la Première guerre mondiale a surgi. Elle a vécu la Seconde guerre mondiale. Elle a vécu les atrocités sauvages des soldats français pendant la guerre de révolution dans un hameau au pied de l’Ouarsenis. Ce hameau portait le nom de Beni-Slimane pendant la période ottomane, puis Had Ouled Bou-Slimane pendant la colonisation française, après l'indépendance il fut nommé Lardjem. En 1957, elle a vue des groupes d’hommes, cordes aux cous et mains liées, fusillés publiquement dans le souk de Lardjem. Elle cherchait son fils parmi les morts. Ma mère était très sensible, à chaque fois qu’elle entend "La Rue Bugeaud dans la ville de Tiaret" elle se rappelle la barbarie de ce maréchal français. Pour ma mère Bugeaud est le monstre, le plus grand criminel de tous les temps. En 1840, Bugeaud avait mis une stratégie de massacre et de radia. Il a déplacé toute une population. Il a empêché les fellahs de récolter et de semer. Il a enfermé des femmes, des enfants et même des vieillards et les a brulés vivants (Réf. Benjamin Stora). Je suis chimiste et connais les dégâts causés par les enfumades. Pour être plus clair, une enfumade est une technique qui consiste à asphyxier des personnes à l’intérieur d’une grotte en allumant devant l'entrée des feux qui consomment l'oxygène et remplissent l’intérieur de fumée. Je vous rappelle les paroles du monstre Bugeaud “Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, imitez Cavaignac aux Sbéhas ! Enfumez-les à outrance comme des renards". À Orléanville, Chlef, le 11 juin 1845, le colonel Pélissier a réprimé la tribu des Ouled Rhiah en asphyxiant des centaines d’hommes, des femmes et des enfants partis se réfugier dans les grottes du Dahra. L’officier aurait appliqué les préceptes de son monstre supérieur Bugeaud. Le journal britannique Times, Juillet 1845, décrit Pélissier comme un monstre qui déshonore son pays.

Une grosse crapule

Dieu merci ! Les écrans de nos smartphones sont ouverts sur le monde et les rayons de lumière nous arrivent. Les petits écrans détractent les fourberies historiques de certains journalistes politiquement rangés et humainement dérangés. Ces journalistes voient en Bugeaud le bourreau comme "un soldat laboureur et un homme politique visionnaire". Je rappelle à ces dérangés que ce criminel a incendié des champs de blés. Il a empoisonné les sources d’eau potable, détruit des villages et a raflé des troupeaux sur le passage de ses soldats. En contraste, sur Facebook, le vrai visage de ce monstre sans foi est bien décrit. Des jeunes internautes français ont désigné ce voleur de troupeaux comme "une grosse crapule", un "boucher en uniforme", un "criminel de guerre". Ils ajoutent : Ce monstre ne mérite ni statues ni rues à son nom en France.

Nos jeunes sont très conscients, ils savent que la main droite du colon a offert aux Américains la Statue de la Liberté et sa main gauche a offert la guillotine aux Algériens. Victor Hugo est allé visiter les ateliers où se dresse la Statue de la Liberté, achevée et prête à partir pour New York. Drôle d’humaniste ! Victor Hugo oublie ses conseils aux généraux français en Algérie et la muraille vivante de ses militaires en Algérie !
Je continue mon texte par un passage de la lettre de Jacques Leroy de Saint-Arnaud qui résume la mission des colons dans mon pays "L’avenir de ce pays est immense, mais l’or qu’il engloutira est incalculable. Nous vivons sur une ville romaine, et nos tuniques mesquines flottent au même vent qui agitait ces amples tuniques et ces toges romaines si nobles. La ville ancienne dort sous nos pieds. Il y a une mosaïque admirable qui servait d’enseigne au tombeau de saint Réparatus. Je veux faire bâtir l’église chrétienne au-dessus. Une voûte bien faite la conservera visible dans toute sa beauté, et le temple de Dieu s’élèvera là où il était il y a quatorze siècles".

Conclusion

Je conclue mon texte par les paroles de Victor Hugo que certains de nos intellectuels prennent pour un model humaniste : "Chose étrange à dire et bien vraie pourtant, ce qui manque à la France en Alger, c'est un peu de barbarie. La première chose qui frappe le sauvage, ce n'est pas la raison, c'est la force. La colonisation militaire doit couvrir et envelopper la colonisation civile comme la muraille couvre et enveloppe la cité. La colonisation militaire, c’est une muraille vivante. Quel meilleur obstacle continu qu’un camp français. Mettez le soldat en avant du colon comme vous mettez un fer au bout d’une lance. (Ref. Franck Laurent "Victor Hugo face à la conquête de l’Algérie"). En fin, je suis convaincu que les jeunes Algériens suivront le chemin de leur aïeux et répéterons en chœur les paroles de Zabana "La mort pour la cause de Dieu est vie qui n’a pas de fin, et la mort pour la patrie n’est qu’un devoir. Je meurs mais l’Algérie vivra". Les paroles de Zabana ont anéanti les fantasmes de Leroy de Saint-Arnaud qui voulait christianiser l’Algérie.
 





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