La chronique culturelle de Colette: En passant par la Suisse...


Par Rédigé le 21/04/2016 (dernière modification le 21/04/2016)

De Molière, mis en musique par Gounod, à Paul Signac, en passant par Charlie Chaplin, la rive suisse du lac Léman réserve en ce début de printemps de bien agréables surprises.


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Tout d'abord, à Genève au Théâtre des Nations, dans le quartier des organisations internationales, où depuis février dernier, le Grand Théâtre de la ville s’est installé pour deux ans, le temps de se refaire une beauté. Avec "Le Médecin malgré lui", opéra-comique en 3 actes de Charles Gounod, sur un livret de Jules Barbier et Michel Carré, d’après la pièce éponyme de Molière. Il est dédié "à son Altesse impériale Madame la princesse Mathilde", cousine de Napoléon III, cette amie du compositeur est protectrice des arts. "Le Médecin malgré lui" fut créé le 15 janvier 1858 à Paris, au Théâtre Lyrique, un an avant Faust et Berlioz le jugeait "Œuvre excellente de tout point de vue". Ce ne fut certes pas la meilleure pièce de Molière ni la plus connue. Il en va un peu de même pour Gounod, cette adaptation musicale est rarement représentée, et on peut le regretter. Aussi ne fallait-il pas manquer les représentations de Genève dans la mise en scène de Laurent Pelly, des décors de Chantal Thomas, sous la direction du chef Sébastien Rouland à la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande. Les passages parlés avec le texte originel de Molière alternent avec les musicaux où les librettistes se sont efforcés de rester dans le même registre. Ce qui donne un ensemble fort divertissant d'un peu moins de deux heures sans entracte, et le public se délecte aux facéties de Sganarelle. Ce fagotier, une sorte de bûcheron, bat sa femme Martine. Pour se venger, elle révèle à deux émissaires du riche Géronte qui cherchent un médecin pour Lucinde, sa fille muette, que s'ils rouent de coups son mari, il finira par avouer qu'il est l'homme qu'il leur faut. Il guérit Lucinde qui n'était pas muette mais entendait ainsi montrer qu'elle ne souhaite épouser que Léandre. Géronte n'en voulait pas pour gendre, le jugeant trop pauvre, il reparaît ayant hérité d'un oncle. Tout finit donc bien et dans la bonne humeur sur la scène comme dans la salle où le public ne ménage pas ses applaudissements à cet ensemble aussi bons chanteurs que comédiens accomplis. 



Charlot entre au musée

Et le sien… le Chaplin's World. Il en est ainsi depuis le samedi 16 avril 2016, à Corsier-sur-Vevey, cette localité du canton de Vaud, sur les rives du Léman, où Charlie Chaplin a vécu au Manoir de Ban de 1952 à sa mort le 25 décembre 1977. Le Québécois Jean-Pierre Pigeon en est le directeur. Le choix du 16 avril n'est pas anodin, en effet Charles Spencer Chaplin a vu le jour à Londres le 16 avril 1889. L'inauguration s'est déroulée en présence de nombreux invités et envoyés des médias du monde entier. Et le public pouvait découvrir les lieux le lendemain. Au Chaplin's World, on (re)découvre la vie et l’œuvre du génial artiste, l'existence qu'il a menée au Manoir de Ban avec sa femme Oona, fille de l'écrivain Eugène O'Neill, prix Nobel de littérature 1936, et leurs huit enfants. Cette demeure est inscrite à l’inventaire suisse des biens culturels d'importance nationale. Pour Eugène Chaplin, un des fils du couple "Le manoir a changé, mais l'esprit Chaplin est resté. C'est ce que je trouve formidable avec ce projet". Et son frère aîné Michael de renchérir "C'est en mouvement et c'est très beau". Seize longues années ont été nécessaires pour concrétiser le projet. La Compagnie des Alpes, propriétaire du musée Grévin, a réalisé ce travail pour un budget de plus de 60 millions de francs suisses, un peu moins de 60 millions d'euros, et elle espère accueillir au moins 300.000 visiteurs par an. Yves Durand, l'un des concepteurs du projet précise que le manoir a été totalement restauré "On y retrouve des objets et du mobilier très personnel qu'il affectionnait et on aborde des volets privés et publics, comme ses voyages et sa popularité, les scandales qui ont entouré sa vie parfois sulfureuse, son expulsion des Etats-Unis et son amour pour la Suisse". Un bâtiment a été construit spécialement pour abriter des décors reconstitués et le public se retrouve à Hollywood, durant les années où on réalisait des films muets. Au Chaplin's World tout est mis en œuvre, extraits de film cultes, documents d'archives, et même la cabane de la "Ruée vers l'or" qui penche, pour que le visiteur au bout de deux ou trois heures, n'ignore plus rien de l'univers chaplinesque. Pour Frédéric Maire, directeur de la Cinémathèque suisse "Celui qui ne connaît pas Charlie Chaplin va apprendre et découvrir énormément de choses". De plus, des expositions temporaires seront organisées dans les prochaines années. La Cinémathèque suisse a mis à la disposition du musée bon nombre d'appareils, surtout des caméras et des visionneuses, ainsi que des affiches, des photo d'archives du Ciné-Journal suisse.
Rappelons que le souvenir de Charlie Chaplin est vivace en trois autres endroits de cette côte du Léman que l'on appelle la Riviera vaudoise. Au cimetière de Corsier-sur-Vevey où le cinéaste repose, sur le quai Perdonnet à Vevey où a été érigée sa statue en 1982. Ainsi que sur les deux tours de Gilamont à Vevey, inaugurées en 2011 et ornées de fresques géantes représentant des passages de ses films.


"Signac, une vie au fil de l’eau"

Sur les hauteurs de Lausanne, dans un vaste parc d'où l'on a une vue imprenable sur le Léman, se niche une élégante demeure du XIXe. Elle abrite la Fondation de l'Hermitage où deux ou trois fois par an, sont proposées des expositions originales. Celle intitulée "Paul Signac. Une vie au fil de l'eau" s'y tient jusqu'au 22 mai 2016. Marina Ferretti, directeur scientifique du Musée des impressionnismes à Giverny et coresponsable des Archives Signac est commissaire de cette exposition qui est organisée en partenariat avec le Museo d’Arte della Svizzera italiana à Lugano. Elle y sera d'ailleurs présentée de septembre prochain à janvier 2017.
Le visiteur peut suivre la carrière de l’artiste, né le 11 novembre 1863 et mort dans cette même ville le 15 août 1935, depuis l'impressionnisme jusqu’à ses voyages le long des côtes de France et au sein des grands ports européens, en passant par sa rencontre en 1884 avec Seurat, le maître du pointillisme. Il s'agit des œuvres d’une seule collection privée, réunie par une famille suisse passionnée par l'artiste. Collection assez abondante, 140 peintures, dessins et aquarelles, pour évoquer toute cette carrière et suivre toute son évolution. Mais aussi découvrir la passion de ce peintre pour la mer, ce fut un excellent navigateur, qui fut pour lui une source infinie d'inspiration et même un sujet d'expérimentation.
En juin 1880, il est encore collégien, la découverte de Claude Monet lors d'une exposition dans les locaux de la revue la Vie moderne, décide de sa carrière. Il aborde la peinture quasiment en autodidacte, et évoquera l'eau qui le fascine. Une autre rencontre décisive est celle qu'il fit le 15 juin 1884 avec Georges Seurat, les deux hommes deviendront amis. Ils fréquentent le Manufacture des Gobelins où Eugène Chevreul se livre à des expériences sur les couleurs. Pour Seurat, il en sortira "Un dimanche après-midi sur l'île de la Grande-Jatte", un des joyaux de l'Art Institute à Chicago. A la mort de ce dernier en 1891, Signac poursuit presque seul l'application des théories sur la division des tons, ce qui nous donne à l'Hermitage les superbes "Balises de Saint-Briac" ou "Mont-Saint-Michel, brume et soleil", par exemple. Puis, au tournant du siècle ce sera la découverte de Saint-Tropez où se succèdent les artistes dont Matisse ou Marquet. Et viendra la période des voyages, Marseille, la Rochelle, Venise, Rotterdam, Istanbul, il réalise des aquarelles qui parfois se transformeront en tableaux dans son atelier. On peut les apprécier au sous-sol de la Fondation.
Une salle réunissant des tableaux des principaux peintres aux techniques et objectifs voisins de ceux de Signac, tels Pissarro, Luce, Van Rysselberghe et Cross, complète cette exposition.
Paul Signac était le grand-père maternel de Françoise Cachin, célèbre historienne de l'art et conservateur de plusieurs musées parisiens. Elle dirigea aussi le musée d'Orsay.





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