La crise démocratique en questions


Par Rédigé le 05/05/2019 (dernière modification le 04/05/2019)

En France, le mouvement des "gilets jaunes" et la mise en place d’un Grand débat font partie des signes de la crise démocratique actuelle. Afin de mieux comprendre le phénomène de défiance des citoyens envers la classe politique et le pouvoir nous sommes allés à la rencontre de Lise Gallois, médiatrice, spécialiste de l’intelligence collective.


Lise Gallois vit dans la région de Montpellier depuis 15 ans. Elle réside dans une mini-maison en bois autonome "tiny house" depuis trois ans. Son activité consiste à accompagner l’émergence de l’intelligence relationnelle inter et intrapersonnelle: coaching, médiation CNV (processus de médiation de conflits basé sur la communication non violente), accompagnement d’organisations pour faciliter l’intelligence collective dans des objectifs variés; émergence de créativité, cohésion, décisions, processus participatifs... Elle est une des représentantes du mouvement Colibris.

Depuis plusieurs années la défiance des citoyens envers la classe politique et le pouvoir est importante. Comment analysez-vous ce phénomène?
Je le vois comme l’agonie d’un certain système dans lequel on cultive la séparation en niant l’interconnexion entre les êtres vivants et les humains en particulier. Dans cette agonie se manifestent à outrance les caractéristiques de ce système de pensée basé sur cette séparation radicale: les méchants/les gentils, ceux qui savent/les ignorants.

D’après vous, qu’est-ce qui pourrait améliorer la situation?
Déjà, c’est une bonne nouvelle à mon sens que ces signaux outranciers montrent le chemin, là où la vie ne passe pas, donc ça cogne douloureusement, et c’est une opportunité.
Concrètement, pour commencer à améliorer la situation il s’agit d’opérer un changement de regard: de voir le monde des humains comme une unité, avec ses polarités, ses couleurs nuancées, mais où, quand je regarde l’autre, je regarde une part de moi. Ça ôte tout d’un coup un sacré mur qui occasionne peurs et comportements violents.

Comment concrètement mettre en place des changements au niveau local comme au niveau national?
Il s’agit que des initiateurs soient au clair sur leurs intentions. Que leur projet ne serve pas leur nombril uniquement, mais le vivant et l’enthousiasme de vivre ensemble. Qu’ils invitent d’autres à les rejoindre et que ces groupes vérifient les bases sur lesquelles ils s’avancent en commun. Il faudrait oser confronter et voir les divergences, oser initier au besoin plusieurs projets unis par les mêmes socles, créer des ponts entre eux et reconnaître à chacun sa place. Et il s’agit, et c’est la dimension qui manque à mon sens aujourd’hui, d’écouter à chaque pas où en est le groupe, s’il est prêt à poser le prochain pas.
Il s’agit de se remettre dans un mouvement, là où la fixité présidait jusqu’à présent. On a des valeurs et des directives figées, qui ne sont plus re-questionnées régulièrement au vu de l’écoute des besoins.
Il y a donc un chemin à mon sens qui consiste à oser reposer les bases, et écouter régulièrement où chacun en est, quels sont les besoins, vérifier l’adéquation des moyens à ces besoins. Cela vaut au niveau local, comme au national pour moi.
Avec davantage d’autonomie du local, passer d’une fédération avec un centre névralgique qui ressemble à un gros carrefour engorgé, ou un sommet de pyramide très pointue, à un réseau agile entre initiatives locales. Il s’agit d’œuvrer aux infrastructures adaptées qui servent à connecter les talents, plutôt qu’à consolider un pouvoir d’une poignée sur une majorité. Il existe des outils pour cela. Cela permet d’ailleurs de faciliter la prise de décision au niveau national.

Crise démocratique.mp3  (371.84 Ko)


Pour avancer dans plus de cohésion, le travail individuel sur sa propre personne (peurs, désirs…) est-il vraiment indispensable? Si ou ipourquoi?
Comme partagé en d’autres mots dans la question un peu plus haut, tout part d’un filtre de regard individuel. Nous portons chacun comme une focale, plus ou moins encrassée, qui projette à l’extérieur la forme que nous portons intérieurement. Cela se reflète donc dans tout projet collectif. Si nous nous croyons séparés, nous allons bâtir des projets marqués par cette séparation. Si nous avons peur du rejet, nous créons des projets marqués par une empreinte de peur avec outrance sécuritaire et rigidité.
C’est un changement de regard individuel qui est la clé, et la condition sine qua non.

Dans quelles différentes formes ce travail individuel peut-il se concrétiser?
Toutes les formes; thérapie, rencontres, lectures... sont possibles, mais chacun est seul à savoir, devant son miroir, à quel point il est dans une démarche authentique.







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