Le Podcast Edito – La Syrie, objet d’un 'grand jeu’ entre Moscou et les Occidentaux


Par Jean-Luc Vannier Rédigé le 23/06/2013 (dernière modification le 23/06/2013)

Alors que les ministres des affaires étrangères des onze pays "Amis de la Syrie" se sont réunis samedi au Qatar avec l’intention d’examiner les moyens d’armer la rébellion, la récente réunion du G8 témoigne d’un "grand jeu" entre Moscou et les puissances occidentales au sujet de la Syrie. Dissuasion conventionnelle réciproque doublée d’un compromis cynique. Seul grain de sable dans ce raisonnement, la dégradation sécuritaire au Liban.


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Le communiqué sibyllin du récent G8 sur la Syrie – absence de toute référence sur le sort susceptible d’être réservé au président syrien, condamnation anonyme de l’utilisation des armes chimiques, report dans un futur indéterminé d’un sommet international sur ce dossier – en dit plus long que son apparent laconisme: l’avenir de ce pays est devenu le terrain d’un nouveau "grand jeu" entre Moscou et les puissances occidentales. Pour le premier, Bachar El-Assad ne doit pas perdre. Pour les seconds, il ne peut pas gagner.

Mû par une idéologie vieillotte et complexée tendant à considérer que toute épine dans la chair occidentale vaut avantage pour la diplomatie russe – un camouflet pour la naïve politique américaine du reset lancée par Barack Obama dès son arrivée à la Maison Blanche – Vladimir Poutine se dit prêt à livrer de nouvelles armes au régime et demeure vigilant sur son principal port militaire en méditerranée.

Pour les Occidentaux, la question n’est pas seulement celle de perdre la face après avoir appelé au départ inconditionnel du président syrien. Tout compte fait, la chute du pouvoir alalouite présente l’inestimable intérêt de briser les relations stratégiques entre Damas et Téhéran: un isolement et une pression supplémentaires sur l’Iran non dénués d’intérêt à mesure que se tend le compte à rebours sur la question nucléaire. La chute de Bachar empêchera par surcroît le Hezbollah de capitaliser plus encore sa victoire même si la milice chiite contrôle depuis longtemps les principales institutions du Liban voisin.

Le grain de sable libanais

Cette "guerre froide" se contente, pour le moment, d’un compromis cynique: maintenir le conflit en l’état de la part des "parrains" respectifs. "Renverser l'équilibre des forces" sur le terrain, selon l'expression de John Kerry à la réunion de Doha, ne signifie pas procurer un avantage décisif. Pour l’Ouest néanmoins, le fait d’aider, à partir de la Jordanie ou de la Turquie, certains des rebelles "accrédités" auprès de Washington, vise à affaiblir le Hezbollah et l’Iran qui y engagent nombre de leurs combattants. Comme l’affirme avec froideur un diplomate étranger sous couvert d’anonymat: "Cela les occupe, voire les épuise".

Autre but: "fixer" les jihadistes venus d’Europe et du Moyen-Orient dans cette zone conflictuelle. Reste à savoir si les vocations miliciennes suscitées par ces combats acharnés ne contrarieront pas la logique comptable des services de sécurité occidentaux. Seul "grain de sable", si l’on ose dire, dans ce calcul déshumanisé: la multiplication des incidents sécuritaires au Liban, lesquels se rapprochent de Beyrouth, menace cette logique de statu quo.





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