Les animaux de compagnie au Japon


Par Florent Guerout Rédigé le 21/11/2019 (dernière modification le 19/11/2019)

Il existe au Japon 3 types de personnes : les femmes, les hommes et les animaux domestiques. Ils occupent une place souvent centrale dans le foyer. Essayons de comprendre quel rôle joue l'animal de compagnie au Japon et quelles sont les conséquences de ce phénomène de société.


Pourquoi un tel engouement ?

Un chien en jupe ©Florent Guérout

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Connaissez-vous l'histoire d'Hachiko (littéralement huitième prince en japonais)? Ce chien de race Akita est devenu célèbre pour sa fidélité après avoir attendu son maître pendant 7 ans à la gare de Shibuya alors que celui-ci était mort. Il est maintenant empaillé et exposé dans un musée à Tokyo et il possède également sa statue depuis 1934, bien en évidence devant la sortie de métro de Shibuya.
On pourrait penser que l'engouement des Japonais pour les animaux de compagnie est le reflet de cette histoire, symbole de l'amitié entre un chien et son maître. La réalité semble cependant un peu différente.
Le Japon est un pays connaissant un taux de natalité parmi les plus faibles au monde : 1,4 enfant par femme en 2016. Cette dénatalité entraîne un vieillissement de la population qui va de pair avec une augmentation du nombre de célibataires. A cela s'ajoute la difficulté de concilier carrière professionnelle et maternité ainsi que le manque de structures d'accueil pour les enfants en age d'aller en crèche et le coût de l'éducation.
En d'autres termes, la population japonaise vieillit et ne semble pas vouloir prendre les mesures nécessaires pour résoudre ce problème. Heureusement, ici comme partout, il est possible de faire l'autruche. Pourquoi ne pas s'offrir un animal de compagnie: placebo idéal car moins coûteux et plus facile à élever qu'un enfant ?
Ce constat peut paraître exagéré, cependant les chiffres témoignent d'une telle situation. En 2010, le Japon dénombrait 1,6 millions de naissances contre plus de 22 millions d'adoptions d'animaux (source Shukan Toyo Keizai). En 2016, 19 millions de chats et de chiens ont été adoptés alors que la population comptait 17 millions d'enfants entre 0 et 14 ans (source perspective monde).
 

Un marché en plein essor

Mochi, le chien du parc de Ueno ©Florent Guérout
Selon une étude faite par l'hebdomadaire économique Shukan Toyo Keizai, le nombre d'animaux de compagnie recensé en 2010 avait doublé en 15 ans. Cette expansion a naturellement entraîné le développement de nouveaux marchés : nourriture, jouets, soins, vêtements, bien être...
Avec une croissance de 3% par an depuis 2002, cette économie représenterait 1.137 milliards de yens, soit environ 10 milliards d'euros. Toujours selon cet hebdomadaire, en 2010, 61% des Japonais avaient un chien (36% avaient un chat) ou souhaitaient en adopter un dans l'année à venir et 59% considéraient que l'animal adopté était un membre de la famille.
Le gouvernement est même intervenu pour favoriser la santé des animaux domestiques. Ainsi, la fabrication de la nourriture est soumise à des contrôles stricts, de même l'importation des aliments bon marché depuis la Chine a été limitée.

Mon animal est "kawai" !

Deux chiens une poussette ©Florent Guérout
Souvent, ce qui frappe lorsqu'on croise des animaux domestiques au Japon, c'est la façon dont ils sont humanisés ou déguisés pour ressembler à des personnages de cartoon. Il existe comme une sorte d'anthropomorphisme transformant l'animal en quelque chose à mi-chemin entre l'être humain et la peluche. L'animal doit être "kawai", c'est à dire "mignon" ou "adorable" et on le promène fièrement en espérant susciter l'admiration des passants. Ainsi, il est possible de croiser un chihuahua habillé en princesse et trimbalé dans une poussette pour enfant. C'est amusant mais assez pathétique quand on y réfléchit un peu. On pense aux rôles redéfinis par cette drôle de mode et on se demande si la prochaine étape sera d'emmener pisser bébé au caniparc pendant que Médor regarde Tchoupi à la télévision.

Pourquoi pas ? Tout est envisageable : il est déjà possible d'emmener son animal au spa ou au yoga pour qu'il se détende un peu après une dure journée. Le chien est l'avenir de l'homme !
Autre dérive de cette mode, les bars à chats se multiplient au Japon et se déclinent également en bars à chouettes, lapins, hérissons, loutres... Pour environ 1200 yens de l'heure (10 euros) vous pourrez prendre votre café au milieu de ces animaux enfermés dans quelques mètres carrés : Kawai n'est ce pas ?

 

Le revers de la médaille

Un shiba inu dans une cage ©Florent Guérout
Ce phénomène de société entraîne des conditions d'élevage dramatiques pour répondre à la demande du consommateur. Les petites races étant actuellement en vogue, les éleveurs tentent de faire naître des animaux de plus en plus petits au péril de leur santé. Ainsi les chiennes reproductrices ont tendance a avoir un bassin trop étroit et doivent subir fréquemment des césariennes pour mettre bas (lorsqu'elle ne sont pas épuisées et abandonnées à leur sort à cause de grossesses trop rapprochées).

Poursuivons joyeusement : ce marché juteux est infiltré par les yakuzas (mafia japonaise). Les territoires qu'ils contrôlent grâce à leurs acquisitions immobilières leur assurent de profiter des retombées financières de cette économie. Ainsi, les animaux sont vendus à prix d'or à toute heure sans contrôle strict et avec des profits toujours en hausse.
Cette frénésie de la consommation s'accompagne également d'une hausse importante des abandons d'animaux. Les causes de ces abandons sont diverses : déménagement (les résidences interdisent souvent les animaux domestiques), séparation dans un couple ou pet shops qui n'ont pas réussi à vendre leur produit…

Sur les 10 millions de chats vivant au Japon, beaucoup sont abandonnés et deviennent des chats errants. Au Japon, chaque année les refuges saturés recueillent entre 350.000 et 600.000 chiens abandonnés puis gazés ou euthanasiés avant d'être incinérés.
Malgré ce constat macabre le commerce continue et on se débarrasse discrètement de l'animal lorsqu'il n'est plus possible de s'en occuper. Peu importe ! Tout est bien organisé et des spécialistes s'occuperont de la sale besogne. Un refuge a même appelé sa chambre à gaz "Dream box", on croit rêver....






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