Les déperditions scolaires, la gangrène du système éducatif sénégalais


Par Rédigé le 05/06/2010 (dernière modification le 05/06/2010)

La semaine de l’école de base bat son plein. Lancée le 30 mai dernier, elle prend fin ce dimanche 6 juin 2010. Cet évènement qui occupe une place prépondérante dans l’agenda du ministère de l’enseignement est une occasion saisie par les différents acteurs pour revisiter les questions et maux qui gangrènent le système éducatif telles que les déperditions scolaires.


Jardin d''enfants Keur Mame Ameth Diène (C) Elhadji Babacar MBENGUE
Placée sous le thème « Les déperditions scolaires, un défi pour le système éducatif : Tous pour l’achèvement du cycle primaire », cette quatorzième édition porte la volonté des autorités de l’Enseignement de vaincre la menace que constituent les abandons prématurés et les redoublements excessifs pour l’atteinte des objectifs du millénaire pour le développement en éducation. En effet, le Sénégal s’était engagé à l’horizon 2015 à assurer la scolarisation de tous enfants particulièrement des filles.
Lors de la cérémonie de lancement, le Ministre de l’Enseignement Préscolaire, le l’Elémentaire, du Moyen secondaire et des langues nationales, M. Kalidou Diallo, avait souligné que le taux d’achèvement du cycle élémentaire est à 56.6% non sans relever que ceci constitue un problème majeur. « Le Sénégal a un problème sur le taux d’achèvement ». Et d’ajouter : « Les résultats engrangés ne répondent pas à l’effort des dépenses publiques ». Pour rappel, le Président Abdoulaye Wade, dans le cadre d’une politique volontariste initiée depuis quelques années consacre plus de 40% du budget de l’Etat à ce secteur.

L’Education pour tous de Jomtien à Dakar

Ecole Sacoura Badiane de Dakar (C) Elhadji Babacar MBENGUE
La mobilisation de la communauté internationale sur la question de l’Education est grande et se mesure à l’aune des efforts qu’elle accomplie. Déjà, les bases étaient jetées lors de la conférence mondiale sur l’Education Pour Tous tenue à Jomtien en Thaïlande du 5 au 9 mars 1990. Cet événement qui en réalité constituait l’amorce d’un mouvement puissant consistait en la tenue de plusieurs réunions générales de partenaires qui devaient discuter sur les progrès liés à la mise en œuvre de cette nouvelle vision de l’éducation.
C’est ainsi qu’en 1991 et 1993 les représentants, des neuf pays les plus peuplés du monde, et de quelques autres nations, s étaient retrouvés respectivement à Paris et Delhi pour discuter avec les pays et organisations donateurs. Ainsi, une nouvelle rencontre réunit en 1996 à Amman, en Jordanie, la communauté internationale pour faire le bilan des progrès réalisés et veiller à ce que le mouvement continue d’évoluer.

En 1990, 155 organisations réunies à Jomtien se sont, donc, engagées à universaliser l’éducation d’ici l’an 2000, à évaluer les résultats obtenus et à effectuer un examen d’ensemble des politiques aux niveaux régional et international d’ici 2000–2001». Lors de la série de réunions sus- citées, la communauté internationale a réaffirmé son engagement concernant les objectifs de l’éducation pour tous. Des pays ont introduit toute une pléiade de réformes de l’éducation. En vue du Forum mondial de Dakar sur l’éducation pour tous, les progrès réalisés dans les pays, mais aussi les difficultés et les revers qu’ils ont subis ont été analysés dans une série de rapports nationaux, de synthèses régionales, d’études thématiques et d’autres dossiers. Le bilan 2000 de l’Education pour tous fut sans appel : des objectifs non atteints du fait de grands déficits dans l’éducation élémentaire. Ces derniers ont des causes multiples: le manque de démocratie, de professionnalisme des politiques en matière d’éducation et d’enseignement, de continuité et de cohérence, particulièrement en ce qui concerne les programmes informels d’éducation, le caractère autoritaire des méthodes d’enseignement et leur nombre insuffisant, les contenus non appropriés, parfois dans des langues étrangères que les apprenants ne connaissent pas, et surtout le refus actif du droit à l’éducation pour les filles et les femmes.

Ainsi en 2000, les 1 500 participants, réunis à Dakar, ont souligné que, bien que des choses très importantes aient été réalisées dans de nombreux pays, il reste inacceptable que plus de 113 millions d’enfants (des filles pour la plupart) n’aient pas accès à l’éducation primaire. 880 millions d’adultes étaient encore analphabètes, la discrimination des femmes imprégnait toujours les systèmes d’éducation, et la qualité de l’enseignement ne répondait pas aux besoins des sociétés. Le cadre d’action de Dakar évoquait les défis du 21e siècle: il était axé sur l’importance de l’éducation des filles, de la qualité de l’enseignement et sur l’impératif d’atteindre les exclus de l’éducation. Les gouvernements participants s’étaient, ainsi, engagés à atteindre les objectifs suivants:
- étendre et améliorer les activités d’encadrement et d’éveil lors de la prime enfance, en particulier pour les enfants les plus vulnérables et défavorisés;
- garantir que d’ici 2015 tous les enfants, en particulier les filles, les enfants vivant dans des conditions difficiles et ceux issus de minorités ethniques, aient accès à une éducation primaire gratuite et obligatoire de bonne qualité et qu’ils puissent achever leur scolarité;
- garantir que les besoins éducatifs de tous les jeunes et adultes puissent être satisfaits grâce à l’accès équitable à une éducation et à des programmes idoines d’enseignement de compétences pour la vie;
- augmenter de 50% le pourcentage des adultes alphabétisés, en particulier celui des femmes, et offrir aux adultes un accès équitable à l’éducation élémentaire et à l’éducation permanente d’ici 2015;
- éliminer d’ici 2005 les disparités relevant du genre dans l’éducation primaire et secondaire et réaliser l’objectif de l’égalité des sexes en s’attachant à assurer aux femmes le plein accès paritaire à une éducation élémentaire de bonne qualité;
- améliorer tous les aspects de la qualité de l’éducation et en assurer l’excellence dans l’ensemble pour que tous obtiennent des résultats reconnus et mesurables, en particulier en ce qui concerne l’alphabétisation, l’apprentissage du calcul et l’acquisition de compétences essentielles dans la vie.

Beaucoup de facteurs plombent les efforts du Sénégal

La faiblesse du rendement scolaire au niveau de l’enseignement élémentaire est attestée par les différentes évaluations réalisées dans le cadre du Programme d’Analyse des Systèmes Educatifs pour la CONFEMEN (PASEC) et du Système National d’évaluation des Rendements Scolaires (SNERS) mais aussi par la revue de la seconde phase du Plan décennal de l’Education et de la formation (PDEF).

Selon les conclusions du PASEC seuls 15% des élèves de l’élémentaire maîtrisent correctement les rudiments fixés comme objectifs. Aussi, 0.2% seulement accèdent à la maîtrisent globale tandis que 30% sont en voie de maîtrise. A cette faiblesse qui est une des cause probable de déperditions s’ajoutent d’autres facteurs que sont excessifs d’abandon et de redoublement.
Les taux de redoublement sont alarmants : 13.5% dans la région de Kolda, 11.5% à Dakar. Par contre, les régions de Matam et Tamba enregistrent respectivement 0.8% et 5.3%.
En sus, une analyse sectorielle faite en 2004 avait révélé « qu’un enfant habitant en zone rurale peut espérer passer 3.5 ans dans le cycle primaire alors que s’il habite en ville, il peut espérer y passer les six ans requis pour ce cycle.

Cette semaine nationale de l’école de base sera, à n’en pas douter, un cadre de réflexion pour initier des actions prioritaires en vue de réduire les pertes énormes liées à la déperdition. Aussi, saura t-elle mobiliser tous les acteurs de l’éducation, autorités scolaires, administratives, locales autour de cette problématique pour que Dakar 2015 ne connaisse pas l’insuccès de Jomtien ? L’avenir nous le dira !





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