Les galipettes du Comte Ory à l'Opéra de Marseille


Par Rédigé le 22/03/2012 (dernière modification le 22/03/2012)

Éternelle jeunesse d'un sacré Rossini


Berlioz qui n’aimait pas beaucoup Rossini, reconnaissait tout de même au Comte Ory des qualités, non seulement d’inspiration, mais aussi d’imagination et de sentiment.
La Direction de l’Opéra de Marseille, qui aime les gageures, a choisi de présenter cet ouvrage dans une production qui fit les beaux soirs voici quelques temps des opéras d’Angers-Nantes.
Le premier de pur bel canto dans son répertoire, bien français par son contenu, mais bel et bien italien par sa forme.
Ory est en effet marqué par cette constante ambiguïté qui, malgré la facilité de l’écriture rossinienne, rend son approche particulièrement difficile.
Ce vaudeville de Scribe, quelque peu licencieux, gamin et malicieux, sauvegarde, à la fin, la morale. Et prétend à une philosophie populaire, au bon sens bourgeois. Le texte passe vite pour une simple pochade, mais par bonheur, Rossini garde toujours une sorte de fraîcheur spontanée, de verve inimitable, de renouveau thématique qui sauvent constamment les situations. Comme s’il avait saisi la cassure profonde entre les vers pompeux-pompiers "Louis-Phillipards" et une intrigue qui aurait demandé la plume d’un Boccace!
La musique devient donc le lieu de ce désaccord et se prend à un tel piège caricatural qu’il est impossible d’y discerner les intentions de l’auteur. Bref, toutes ces conventions ont créé un petit chef-d’œuvre.
Entre grivoiseries et ripailles, le spectacle signé Frédéric Bélier-Garcia (décors Jacques Gabel et Claire Sternberg, costumes de Catherine Leterrier) se déroule comme un feuilleton télé de notre enfance ou un film hollywoodien de série B (Raimbaud s’est fait la tête de Robert Wagner dans Prince Vaillant), avec en prime ce bouillonnement plein de vie si nécessaire aux ensembles. Ce Broadway sur Cannebière est continuellement hilarant, nuancé, d’un rire franc et sincère, culminant dans une scène du lit au relief insoupçonné que l’on dirait sponsorisée par un club échangiste.
Face à ce comique bon-enfant, jamais salace où pointe avec bonheur cet art insoupçonné d’une élégante et subtile caricature filtrée par l’aristocratie de la première moitié de XIXe, Roberto Rizzi Brignoli dirige cette merveilleuse enluminure musicale dans un rythme intarissable, mène son monde, l’Orchestre et le Chœur de l’Opéra de Marseille au succès.
A la jolie crédibilité de Stéphanie d’Oustrac, Isolier volontaire et appliqué répond un Jean-François Lapointe aussi bon acteur que chanteur, fourvoyant avec aplomb, classe et chic inimitables sa voix cuivrée de grand baryton Verdi aux cascades de l’opera buffa. Son Rimbaud tout sur le muscle, en sort ragaillardi, décapé, moderne. Marie-Ange Todorovitch campe elle aussi avec finesse une Ragonde à la jeunesse, à la vis comica irrésistibles, loin des matrones ménopausées saisies par le Démon de Midi vues ici et là un peu partout… et qui ne faisaient plus rire du tout.
Pour sa part, Nicolas Courjal est un Gouverneur plein de superbe et donne une belle allure à son air, seul morceau un peu conventionnel dans une partition où chaque note a de l’humour, a de l’esprit.
Le rôle-titre exige un interprète aux moyens étendus (avec ses quelque vingt ut et ut dièse), à la fois capable de retenue pour la cabalette et d’éclat dans les fioritures. Ils sont ceux de Marc Laho. Le Comte est bon, très bon même, qui se prend au jeu de la gaudriole sans vulgarité et force la sympathie dans son priapisme avancé.
On pouvait aimer beaucoup, à la folie, passionnément la Comtesse Adèle d’Annick Massis. Le chant est savamment mené sur le souffle et se développe dans une ligne parfaite.
Le public, à la première, semblait s’amuser beaucoup aux gags cinématographiques qui truffaient le spectacle.
Débauche de talents donc pour cette éternelle jeunesse musicale d’un compositeur qui reste encore aujourd’hui une énigme.





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