Les insolites de Jeanne


Par Jeanne Voisin Rédigé le 04/11/2011 (dernière modification le 02/11/2011)

"Dire, ne pas dire" - Un bien curieux préfet


Dire, ne pas dire

Portrait d'Armand Jean du Plessis, cardinal-duc de Richelieu et de Fronsac, peint vers 1637 par Philippe de Champaigne, actuellement à la National Gallery de Londres

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Depuis 1635, l'Académie française créée par le cardinal de Richelieu a pour mission de "Fixer la langue française, lui donner des règles, la rendre pure et compréhensible par tous". Fidèle à son rôle de gardienne de la langue, elle s'est manifestée récemment d'une façon plutôt inattendue. En effet, la vieille dame du quai Conti n'hésite pas à utiliser les moyens les plus modernes. Sous la rubrique "Dire, ne pas dire", elle met en ligne les bonnes formules destinées à corriger celles, fautives, que l'on entend trop souvent. Ainsi commence-t-elle avec quelques expressions qui ont le don d'horripiler les personnes qui se refusent à les utiliser. Elle s'en prend tout d'abord à ceux qui en lévitation au-dessus des villes, tels certains personnages de Chagall, nous assènent à l'envi "je suis ou je travaille sur Paris" et qui semblent ignorer qu'en français, on peut tout simplement être ou travailler à Paris... Elle fait remarquer aux utilisateurs d'"après que" avec le subjonctif, que c'est l'indicatif qu'il faut dans ce cas. "Pas de souci" n'a pas grâce à ses yeux, elle propose "cela ne pose pas de difficulté, ne fait aucune difficulté, ou bien ne vous inquiétez pas, rassurez-vous..." Elle bannit aussi "au niveau de" qui s'emploie trop souvent à la place de "quant à, en ce qui concerne, pour ce qui est". Ladite vieille dame dont l'âge n'a pas altéré la faculté de s'indigner, c'est d'ailleurs à la mode chez les vieillards depuis quelque temps..., trouve aussi à redire à l'emploi du verbe "impacter". Elle n'aime pas qu'on dise "La crise impacte l’activité économique, la rentabilité, l’opinion", elle préfère entendre "La crise affecte l’activité économique, a des conséquences sur l’activité économique, modifie la rentabilité, touche l’opinion". L'anglicisme "best of" peut être remplacé par "florilège, le meilleur de", ou pourquoi pas par "choix, sélection", tout simplement. Avec "gérer un divorce, un échec, ses doutes, ses enfants" sa patience est à bout, aussi recommande-t-elle "affronter un divorce, faire face à un échec, vivre avec ses doutes, s’occuper de ses enfants". On ose espérer que cette initiative des Immortels sera bien accueillie et portera ses fruits, exauçant ainsi le vœu de Jean-Mathieu Pasqualini, directeur de cabinet d'Hélène Carrère d'Encausse, secrétaire perpétuel de la docte assemblée "... avec "Dire, ne pas dire", la compagnie vise un public plus large. Nous voulons donner accès à tous à cet élément essentiel du patrimoine culturel : la langue française". Et comme le précise l'académicien Yves Pouliquen, chargé par la compagnie de coordonner ce projet, "Le vocabulaire s'est considérablement appauvri. Cela nuit à la rigueur de l'expression de la pensée".

Un bien curieux préfet

Basilique-cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Privat de Mende. Photo (c) Patrick Giraud
On connaissait "Le sous-préfet aux champs", charmant récit d'Alphonse Daudet dans "Les lettres de mon moulin". Au XXIe siècle on peut y ajouter une suite, "Le préfet chez Thémis". En effet, tout récemment comparaissait devant le tribunal correctionnel de Mende, une dame ci-devant préfet de ce chef-lieu de la Lozère, entre 2007 à 2009. Et nous disons bien préfet et non préfète comme on a pu le lire dans les gazettes, tant ce dernier mot nous paraît ridicule, n'en déplaise aux féministes qui font semblant d'ignorer que préfète et sous-préfète ont longtemps désigné l'épouse du préfet ou du sous-préfet et qu'en les appelant ainsi, ce n'était pas toujours du bien qu'on leur voulait ! La dame en question était donc accusée d'avoir emporté de la préfecture lozérienne un ensemble d'objets variés, balance romaine, paire de bougeoirs en cristal, fauteuils Louis XVI, six verres à orangeade, pour une valeur supérieure à 14.000 €. Le personnel de la préfecture avait eu aussi la désagréable surprise de voir disparaître une tenue de maître d'hôtel et la directrice de cabinet n'avait pas retrouvé son imperméable blanc. Notre préfet écumait les brocantes lozériennes à son avantage, croyant que les 1.000 € mensuels qu'on lui allouait pour frais lui étaient personnellement destinés. Les objets achetés étaient acheminés par voiture de fonction jusqu'à une aire d'autoroute où le mari qui attendait, les chargeait sur son propre véhicule et partait pour la maison des Ardennes. Faut-il que la vie de préfet à Mende soit bien morne pour qu'on la pimente ainsi d'épisodes dignes des pires romans policiers! Cette étrange personne s'est défendue en disant que ce poste à Mende lui avait été proposé en 2007, auparavant elle était médecin inspecteur de la DRASS, Direction régionale des affaires sanitaires et sociales, et partant ne connaissait pas bien les us de sa nouvelle profession qui ne lui avaient pas été expliqués. Bien que l'accusée soit assistée de deux avocats, cela ne convainc guère le procureur qui a jugé son comportement "pathétique et médiocre" et a réclamé douze mois d'emprisonnement avec sursis, 10.000 € d'amende et cinq ans d'interdiction de droits civils, civiques et de famille. Par ailleurs, deux mois de prison avec sursis ont été demandés pour le mari. Le jugement a été mis en délibéré au 1er décembre. Mais aussi, quelle idée d'être allé chercher pour ce poste une personne déjà âgée de 53 ans, venue d'un autre corps et que rien de prédisposait à la fonction. A moins que les jeunes Rastignac frais émoulus de l'ENA, ne préfèrent dès leur sortie de l'école des cadres plus riants que ceux d'une localité provinciale. Il se dit cependant que la préfecture de Mende est un très beau bâtiment face à la cathédrale.





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