Les préjugés sur les pauvres sont un obstacle à la lutte contre la pauvreté


Par Christophe Penaguin Rédigé le 11/04/2020 (dernière modification le 01/04/2020)

Les personnes pauvres prennent rarement la parole dans le débat public. On parle à leur place et ce que l'on dit sur elles renvoie souvent à un ensemble de préjugés qui les stigmatisent. Ce sont ces idées toutes faites que le livre "En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté" examine. Car on ne pourra pas combattre efficacement la pauvreté tant qu'on n'aura pas battu en brèche les idées fausses sur les pauvres.


Pour lutter contre la pauvreté, il faut d'abord comprendre les pauvres. (c) Franco Folini sur Foter.com
La situation sanitaire actuelle le souligne de manière tragique, les pauvres sont toujours les premières victimes des catastrophes qui s’abattent sur une société. L’épidémie nous oblige à nous poser certaines questions. Comment se confiner quand on n’a pas de logement ? Comment respecter les règles d’hygiène quand on n’a pas accès de manière simple et régulière à un point d’eau ? Comment survivre quand on dépend au jour le jour de l’aide d’associations qui peinent à maintenir leurs activités ?

La crise ne fait que révéler des difficultés auxquelles les personnes pauvres sont confrontées au quotidien. Ces difficultés sont, bien entendu, d’ordre matériel mais il faut aussi tenir compte des représentations faussées de la pauvreté qui circulent dans la société. En effet, mal comprendre les pauvres et la pauvreté, c’est s’interdire de se donner les moyens efficaces pour lutter contre la précarité. C’est aussi, lorsque ces représentations erronées amènent à tenir les pauvres pour responsables de leur situation, ajouter le mépris et la honte aux problèmes concrets auxquels sont déjà confrontés ces personnes.

Démonter les préjugés, c’est l’objet du livre "En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté" publié par les Editions Quart Monde et les Editions de l’Atelier. La première édition du livre remonte à 2013 et l’édition 2020, "revue et augmentée", est désormais disponible. Les auteurs connaissent parfaitement leur sujet puisqu’il s’agit de Jean-Christophe Sarrot, journaliste pour ATD Quart Monde, et Paul Maréchal, délégué national d’ATD Quart Monde en France. Fondé en 1957, le mouvement ATD Quart Monde mène un grand nombre d’actions de terrain auprès des personnes les plus précaires. Le mouvement se donne aussi pour objectif de changer le regard de la société sur les personnes pauvres.

Dans une première partie, le livre s’attaque aux idées fausses sur les pauvres. Véhiculés dans les conversations quotidiennes, dans des discours politiques et, parfois, médiatiques, ces lieux communs sont nombreux. "Les chômeurs ne veulent pas travailler", "On ne vit pas si mal avec le RSA", "Les pauvres sont des fraudeurs", autant d’exemples parmi les 63 affirmations erronées examinées dans cette première partie. Les explications sont chiffrées, sourcées, elles s’appuient sur des études scientifiques.

La deuxième partie examine les "idées fausses sur les solutions" pouvant être apportées à la pauvreté. Il existe en effet un lien direct entre une représentation faussée de la pauvreté et la mise en avant de solutions inefficaces. Si, par exemple, on se représente les pauvres comme des fraudeurs invétérés, on en tirera facilement comme conclusion que pour combattre la pauvreté, il faut surveiller et sanctionner les pauvres. Cette deuxième partie est plus orientée politiquement que la première. Par exemple, "l’idée fausse" 77 est formulée comme suit : "Pour réduire le chômage et la pauvreté, il faut baisser les impôts des entreprises". Or, l’idée selon laquelle une baisse des impôts peut stimuler l’activité et, par conséquent, réduire le chômage, n’est pas aberrante. Toutefois, même quand les analyses du livre sont contestables, elles restent intéressantes car le but des auteurs est toujours de montrer qu’une affirmation présentée comme une évidence est en fait susceptible d’être discutée. C’est le cas dans ce "chapitre" 77 où les auteurs montrent, exemples et études à l’appui, qu’une baisse des impôts des entreprises peut fort bien ne pas avoir d’effet sensible sur le niveau de chômage.

C’est pourquoi la lecture de ce livre est utile est stimulante. Que l’on partage ou pas l’orientation politique des auteurs, leur ouvrage amène le lecteur à interroger des idées qui, à force d’être distillées dans le débat public comme si elle relevait du bon sens, finissent par élever un mur d’incompréhension entre le pauvres et le reste de la population.

En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté. Editions Quart Monde et Editions de l'Atelier. 6 euros.






Autres articles dans la même rubrique ou dossier: