Les vacances, un droit ou un luxe?


Par Rédigé le 13/09/2016 (dernière modification le 20/04/2021)

Le 20 juin 1936, les congés payés étaient définitivement adoptés dans l'Hexagone. Cette mesure initiée par le Front Populaire permettait alors à des centaines de milliers de familles de passer quelques jours hors des usines, pour profiter de deux semaines de repos. Pourtant, 80 ans plus tard, il n'est pas certain que les objectifs fixés par le Front Populaire aient été atteints. Car si l'on compte en moyenne six semaines de congés payés par salarié, ils ne sont plus forcément synonymes de départ en vacances.


Une mise en place tardive

Image du domaine public.

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L'idée d'instaurer des journées de repos obligatoires a émergé sous Napoléon III, puisque dès 1853, celui-ci décréta que les fonctionnaires d’État pouvaient jouir de 15 jours de "vacances payées" annuels. Une idée qui inspira bon nombre de nos voisins, qui décidèrent de mettre en place un système global de congés payés. Ainsi, de 1905 au début des années 1930, l'Allemagne l'Autriche-Hongrie, les pays Scandinaves, la Tchécoslovaquie, la Pologne, le Luxembourg, la Grèce, la Roumanie, l'Espagne, le Portugal et même le Mexique et le Brésil généralisent tout à tour cette pratique.

Durant toutes ces années, la France reste en retrait concernant cette pratique, qui demeure l'apanage de quelques "privilégiés". En promulguant la généralisation des congés payés le 20 juin 1936, le gouvernement de Léon Blum mettait donc fin à une vieille anomalie. Cette année là, ils ne sont que 600.000 à profiter de leurs congés pour s'offrir quelques jours à la mer, ils seront 1,7 million dès 1937. Une fois la guerre passée, le temps des congés sera régulièrement allongé, jusqu' à atteindre les cinq semaines en 1982, sous ordonnance du gouvernement Mauroy. C'est d'ailleurs à cette période que les départs en vacances atteignent leur pic, puisque de 1964 à 1989, ils grimpent de 42% à 62%.

Un miroir des inégalités

Pourtant, la courbe des départs s'est ensuite mise à décliner, notamment chez les familles les plus en difficulté. En 2008, année où la crise financière se faisait le plus sentir, seuls 52% des ménages avaient pu s'offrir quelques jours de répit. Si la tendance est globalement repartie à la hausse, les vacances restent un carrefour des inégalités. En effet, depuis 2011, les différents calculs montrent qu'environ 60% de la population française profite d'au moins quatre jours de vacances dans l'année. Un chiffre à nuancer puisqu'il ne concerne que 40% des personnes dont le salaire est inférieur à 1.200 euros mensuels, contre 86% des personnes dont le revenu est supérieur à 3000 euros.

Tout aussi inquiétant, la durée des voyages des foyers les plus modestes se restreint. Les courts séjours (1 à 3 nuits loin du domicile) sont désormais plus courants que les longs séjours (4 nuits et plus). Ainsi, pour 60% des vacanciers, la France est la destination privilégiée, car c'est la destination la plus proche et la plus abordable financièrement. Et si le budget augmente, avec 2233 euros en moyenne par famille (contre 2181 euros en 2015), il reste en dessous de la moyenne européenne qui se situe à 2247 euros. Enfin, partir plusieurs fois au cours d'une même année relève d'un certain privilège. Si plus de 40% des cadres peuvent se le permettre, cela ne concerne que 10% des ouvriers. Des données qui montrent que, si une majorité de familles parvient à s'offrir quelques jours loin de son domicile, les vacances se consomment de façon très différente selon sa place dans l'échelle sociale.

En 1936, Léon Blum se félicitait du bien fait des congés payés sur la santé de ses concitoyens: "La France a désormais une autre mine et un autre air. Le sang court plus vite dans un corps rajeuni... Tout fait sentir qu'en France la condition humaine s'est relevée". clamait-il. 80 ans plus tard, le droit au départ en vacances ne va pourtant plus de paire avec les congés payés et fait figure de miroir des inégalités qui règnent entre les Français.
 


Les croisières nouvelles générations

Mais autre signe des temps, la consommation touristique a changé. La typologie des voyages réalisés par classe socio-professionnelle ne cesse d'évoluer, en démocratisant des modes de transport jusque là réserver à un faible pourcentage des voyageurs. Exemple type de cette nouvelle forme de tourisme, les croisières. Longtemps représentées par des paquebots exclusifs, les croisières ont énormément changé leur image rendant accessible un voyage avec un beau navire  sans pour autant céder au prestige lié à ce tourisme.

Le camping, nouvel eldorado pour classes supérieures

A l'inverse, des types de logements touristiques longtemps considérés comme populaires et bons marchés tirent aujourd'hui vers des prestations de plus en plus haut de gamme, en multipliant les prestations de services et le confort des logements. 
L'exemple le plus criant est aujourd'hui le camping. Alors que les emplacements dédiés aux traditionnelles tentes  se réduisent comme peau de chagrin, les bungalows luxueux avec clim, wifi et cuisine équipées "comme à la maison" attirent des CSP plus avec enfants, venus profiter d'un confort nouveau à des prix élevés. 





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