Liban : La Suisse du Moyen-Orient le temps d’une conférence économique


Par Jean-Luc Vannier Rédigé le 05/11/2010 (dernière modification le 05/11/2010)

Invité par la Chambre de Développement Economique de Monaco à présenter les secteurs susceptibles de générer des investissements de la Principauté, l'Ambassadeur du Liban à Paris Boutros Assaker a dressé un tableau élogieux de l'économie libanaise. Mais il a passé sous silence les graves signes d'instabilité politique à même de miner la confiance d'éventuels investisseurs.


SEM Boutros Assaker. Photo (c) Eva Esztergar
« Les mois à venir, une période idéale » au Liban, estime l’Ambassadeur du pays du Cèdre en France. Economiquement s’entend. Avec une croissance du PIB qui frôle 9%, des capitaux arabes qui, secret bancaire aidant, avoisinent les 7 milliards de dollars, avec un million et demi de touristes venus découvrir Beyrouth by night l’été dernier, Boutros Assaker pouvait sans honte savourer sa participation à l’Ambassador's Lunch organisé par la Chambre de Développement Economique de Monaco. Faut-il croire au miracle libanais ? Toujours est-il que le pays du Cèdre a réussi, selon le diplomate, à « esquiver la crise financière mondiale » en raison notamment de la « confiance des investisseurs en la stabilité de ses institutions financières ». Reste toutefois à concrétiser une « stratégie gouvernementale » dans le prolongement des Conférences de Paris I, II et III destinées à soutenir une économie plombée par une dette record de 50 milliards de dollars.

D’où la curiosité manifestée par des entreprises de Monaco venues découvrir les secteurs industriels, technologiques et énergétiques susceptibles de les intéresser et ce, dans l’attente d’une mission monégasque prévue au Liban pour le début de l’année prochaine. Une mission dont le point d’orgue sera la visite officielle de SAS le Prince Souverain Albert II le 13 et le 14 janvier. Certes, les grands projets ne manquent pas mais ils doivent tenir compte des spécificités de la situation politique libanaise que Boutros Assaker s’est bien gardé de préciser : la « privatisation de la MEA à hauteur de 25% » évoquée par l’Ambassadeur reste hypothétique en raison de l’opposition déterminée de ministres au sein même du Gouvernement. La réelle attraction suscitée par les investissements dans le secteur -en plein développement- du tourisme devient plus aléatoire dans les régions contrôlées par le Hezbollah et les promesses naissantes offertes par la découverte de pétrole au large des côtes libanaises, « certifiées par une société finlandaise » selon le représentant du Liban, donnent déjà lieu à de vifs tiraillements entre les trois piliers institutionnels du régime sur les conditions de partage de cette manne à venir.

Prospérité économique contre insécurité politique

Quartier festif de Gemmayzé avec au fond la Mosquée Al-Amine du centre-ville de Beyrouth. Photo (c) Jean-Luc Vannier
Invité pour une présentation « exclusivement économique », l’Ambassadeur Assaker n’a donc pas eu la tâche ingrate de commenter la grave détérioration de la situation politique intérieure au Pays du Cèdre qui inquiète les puissances occidentales (voir notre article précédent). Le Ministre français des affaires étrangères Bernard Kouchner est d'ailleurs attendu ce vendredi dans la capitale libanaise pour calmer les tensions relatives au Tribunal Spécial tandis que son homologue américaine s'est entretenue par téléphone avec le premier Ministre libanais Saad Hariri. L’optimisme monégasque ne semble pas prendre en considération les sombres perspectives qui brouillent le bel horizon esquissé par Boutros Assaker : la Société des Bains de Mer n’a-t-elle pas nommé un représentant permanent à Beyrouth pour identifier et canaliser le flux de touristes du Golfe arabo-persique vers la Principauté? L’Ambassadeur du Liban à Paris a probablement raison d’y croire : la France elle-même préparerait la prochaine visite de Christophe de Margerie, le président de Total au Moyen-Orient où il passera forcément par le Liban. Prospérité économique contre insécurité politique : un pari audacieux. Et une question : l’aéroport international Rafic Hariri de Beyrouth sera-t-il encore ouvert début janvier pour accueillir l’avion du Prince Souverain ?


En podcast audio ci-dessous, SEM Boutros Assaker au microphone d'Eva Esztergar





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