Meilleur article de la semaine passée - Les minorités : le cache-sexe de l’Europe centrale


Par Rédigé le 27/05/2010 (dernière modification le 30/05/2010)

Le Fidesz nouvellement élu à la tête de la Hongrie l’avait promis, le parlement vient d’adopter un amendement à une loi qui permettra aux Hongrois vivant dans les pays limitrophes principalement, d’acquérir s’ils le souhaitent la citoyenneté hongroise. Plus de deux millions de personnes sont concernées, vivant surtout en Slovaquie, Roumanie et Serbie. L’Ukraine n’est pas intéressée puisque sa Constitution interdit déjà la double nationalité.


La couronne hongroise sous les ors du parlement. Photo (c) Karelj
Parce qu’il n’y a pas plus urgent semble-t-il, le nouveau gouvernement hongrois a cru bon de faire adopter par les députés un amendement concernant les minorités hongroises. Vieux serpent de mer, vieux cache-sexe agités devant les yeux des citoyens pour leur faire oublier les difficultés du quotidien.
Mais aujourd’hui qui croit que de vieilles recettes comme celles-ci fonctionnent encore ? Le nouveau gouvernement hongrois avec à sa tête Viktor Orban !

Tous ensemble?

Hier mercredi, 344 députés ont voté le texte. Cela veut dire que non seulement ceux du Fidesz l’ont voté, ce qui semble normal mais qu’à leur suite, les socialistes (32 sur 59) et d’autres encore, ont plébiscité la politique du gouvernement à une écrasante majorité. C’est comme si l’on se retrouvait aux grands heures de l’après traité de Trianon, où tous partis confondus n’étaient d’accord que sur un point : les minorités hongroises et la révision des frontières. 90 ans après on reprend les mêmes et on recommence ! De l’histoire, rien n’a été retenue, aucunes leçons ni expérience. Seulement trois députés ont voté contre et cinq se sont abstenus. Parmi les trois qui ont voté contre, on retrouve l’ancien Premier ministre Ferenc Gyurcsany. Par contre Katalin Szili, l’ancienne présidente socialiste du parlement et Attila Meszterhazy qui a conduit la liste du Mszp (Socialistes) lors des dernières élections ont voté pour. Certains députés socialistes ont quant à eux tout simplement quitté l’hémicycle et n’ont donc pas pris part au vote. Voilà un parti qui n’est pas divisé au moins ! Qu’il y ait divergences d’opinions tant mieux et vive le débat démocratique mais si il y avait une occasion de se serrer les coudes et de se situer au dessus de ce type de débat, c’était bien celle-ci. Occasion manquée. Faut-il enfin rappeler que d’après les sondages, 40% de Hongrois sont contre ce projet comme ils l’avaient d’ailleurs exprimé lors du référendum de 2004. Mais cette fois-ci, ils ont voté pour le Fidesz très majoritairement…. Il est vrai peut-être pas pour cette question en priorité. A ce sujet, les choses ne semblent pas avoir énormément évolué surtout avec la crise économique qui depuis a bien fait prendre conscience aux Hongrois que tout cela aurait un coût.

Vite fait, mal fait

Il faut reconnaître que les détails de la loi ne sont pas très clairs. Il faudra d’abord prouver son ascendance hongroise. Pour cela, il suffit que le requérant ait eu au moins un ancêtre, citoyen magyar. Sachant que jusqu’en 1920, nombre de Slovaques d’aujourd’hui faisaient partie du royaume de Hongrie, cela ne devrait pas être trop difficile à prouver. La langue ensuite. Il semblerait qu’il faille se "débrouiller" en hongrois, il ne s’agira pas d’un concours de littérature ni de linguistique. Sur ces deux critères, le citoyen slovaque désireux d’acquérir la citoyenneté hongroise pourra en faire la demande. Pour autant, le droit de vote n’est pas gagné, il semble planer comme un doute à ce sujet.

La nouvelle loi entrera en vigueur le 1er janvier 2011. Quel beau cadeau d’anniversaire pour l’Union européenne de la part de la Hongrie qui en prendra justement la présidence pour six mois !

Et les voisins qu’en pensent-ils ?

Robert Fico, le Premier ministre slovaque, favori des prochaines élections du 12 juin. Photo (c) Qorilla / Democratic Party
Si Orban Viktor veut entrer dans le clan des semeurs de zizanie, c’est réussit ! Mais est-il vraiment de son intérêt politique d’être assimilé à des personnages comme l’anti-Hongrois Jan Slota ou au populiste de gauche Robert Fico en Slovaquie ? La politique étrangère de la Hongrie sous sa première législature n’avait déjà pas été un franc succès, il semble pourtant que Orban et Martonyi persistent.
Les prochaines élections législatives en Slovaquie auront lieu le 12 juin. On peut donc aisément imaginer l’atmosphère qui règne ces jours-ci à Bratislava. Au parlement slovaque, mardi, des protestions ont été émises contre le projet hongrois. Les députés de la minorité hongroise se sont crus obligés de quitter les lieux. Viktor Orban fait là un autre beau cadeau à Robert Fico. Il a ainsi matière lui aussi à détourner l’attention des électeurs en la concentrant sur un potentiel danger hongrois. L’invasion des Huns n’est pourtant pas pour demain !
Dès le vote par le parlement hongrois, le slovaque a amendé de son côté son code de la nationalité et désormais tout citoyen slovaque perdra sa citoyenneté si il fait la demande d’une double citoyenneté. Toutes ces lois démagogiques et populaires votées sous le coup de l’émotion et dans un sentiment de défense le sont au détriment de la liberté de tout à chacun. En Europe centrale, on peut encore avoir une nationalité et une citoyenneté différentes. Les Hongrois de Slovaquie sont représentés à Bratislava par deux partis politiques, le MKP proche du Fidesz qui suite au vote du parlement slovaque a promis de soumettre à la Cour constitutionnelle le problème voire à la Cour européenne des droits de l’homme. Le HID reconnaît quant à lui, «une menace sérieuse pour les Hongrois de Slovaquie».
Quant aux autres grands voisins concernés que sont la Roumanie et la Serbie, le débat est beaucoup moins complexe et apporte au contraire de l’eau à leur moulin, puisque eux aussi sont embourbés dans des problèmes de double citoyenneté avec d’autres nationalités voisines.





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