Métier: femmes d'affaires!


Par Walassa Mulondani Lech Rédigé le 25/11/2008 (dernière modification le 01/12/2008)

Des femmes d’affaires se battent avec les hommes dans le commerce international à travers la ville de Bukavu. Elles défient désormais les hommes dans leur dernier bastion. La crise qu’a connue le pays a donné des idées à ces business women d’un nouveau genre. Leur terrain de chasse : les pays asiatiques. Quand elles se présentent aux services de migration, ces femmes n’hésitent pas à balancer dans la rubrique profession : Femmes d’affaires. Eh oui ! Femmes d’affaires elles les sont devenues et elles piquent une sainte colère quand on dit commerçante.


Simple phénomène de crise ou révolution sociale, les femmes congolaises se lancent dans le commerce international. Elles ont remis les parures féminines au placard et portent des pantalons pour plus de souplesse et d’efficacité. Dans tous les aéroports de la région elles se font facilement remarquer par leur verbe haut et leurs grands éclats de rires. Destination très fréquentées : Dubaï, dans les Émirats Arabes Unis, Thaïlande, Shanghai, Hong Kong. Ces nouvelles business women passent le temps à discuter... affaires.
Elles ont la particularité de vivre dans une région en pleine effervescence dans un pays sorti de guerre. C'est le cas de le dire. Là où les hommes ont échoué, les femmes réussissent.
Les produits les plus divers passent entre les mains de nos nouveaux chefs d’entreprises. Les produits de beauté, l’habillement et même l’électroménager. Tout y passe. Tellement ces femmes veulent prouver à ceux qui doutent encore de leur efficacité que quelque part dans le ciel sombre du pays ,quelque chose marche encore grâce à la femme. L’image de mère de famille a cédé la place à la femme d’affaires, un métier jadis réservé aux hommes. "C'est une bonne chose d'avoir des concurrentes dans notre métier. La concurrence est un élément important dans l'économie moderne. Il va falloir prendre en compte cette présence des femmes dans les affaires car c'est un plus dans la croissance de nos économies africaines qui tardent à se mettre sur les rails pour le développement économique du continent", déclare le président de la Fédération des entreprises du Congo, section Sud Kivu, Monsieur Olive MUDEKEREZA, abordé sur la question.

Plus dynamiques que les hommes


Faire la route de Dubaï, ce n’est pas aller en villégiature pour ces femmes décidées à réussir et trouver une justification à leur aventure. Ce sont les circonstances créées par l’instabilité politique permanente dans leur pays qui les ont poussées à abandonner maris et enfants pour une hypothétique opération de survie. "Les hommes, trop marqués par le fonctionnariat et l’âge, n’ont plus la force de l’initiative", estime une autre femme d’affaires, ancienne professeur de lycée en RDC. "Résultat : ils gardent la maison pendant que les femmes vont tenter l’aventure dans les avions."
Cette ancienne prof a mis de côté sa licence de Lettres de l’Université de Kinshasa et son métier pour les affaires : "Il le fallait bien. Le métier ne paie pas. J’ai essayé de travailler pour mériter mon diplôme et faire honneur à mes parents qui avaient tant souffert pour me faire étudier mais c’est un calvaire et même un suicide, à terme, que d’être enseignante en ce moment au Congo. Et puis, il y a eu la guerre". Une guerre où le Rwanda était fortement impliqué. Mais elle avoue ne pas en vouloir à ses copines rwandaises du métier. "Elles sont, autant que moi, victimes de la barbarie des politiciens."

Dix à quinze mille dollars en espèces

Après cinq longues heures de vol elles embarquent pour Dubaï après l’étape de Nairobi, toutes calculettes et calepins à la main, refont pour une énième fois les calculs avant le grand jour des achats. Dubaï est un immense centre commercial. Il vaut donc mieux savoir où l’on va et ce que l’on veut acheter, le séjour étant très court. Elles ont le temps de mettre une dernière main au programme d’une journée très chargée dans un hôtel où elles descendent régulièrement. "C’est pour des raisons de sécurité, expliquent-elles. Ici, les transactions se traitent quasi-exclusivement en espèces. Nous sommes chacune obligées de voyager avec 10 à 15000 dollars en espèces. Vous rendez-vous compte des dangers que comporte le parcours ?" Actuellement, nous avons une autre manière de transférer notre monnaie. C'est à travers les commerçants expatriés et quelques fois par des agences de transfert.
"Peu importe disent-elles. Ce sont les risques du métier." Au moins la marmite continuera de bouillir et les enfants d’aller à l’école sans l’angoisse d’être chassés des cours pour non paiement des frais scolaires. Le mari, lui, pourra rentrer ses colères, ses jalousies et sa fierté de mâle pour un nouveau costume made in Emirates que Madame aura pris le soin d’acheter. A les entendre, les femmes ne sont pas peu fières d’avoir ainsi grignoté un peu du pouvoir des hommes sur ce terrain si particulier.

Secret de la réussite : ténacité et persévérance


Tout en tenant à leur foyer, ces femmes ont des idées très bien fixées sur leur rôle. Elles se savent exposées à tous les dangers qu’implique ce genre de travail mais elles tiennent à réussir malgré les idées reçues et les on-dit. Noëlle, sur la photo, dans sa boutique pense que leur secret à toutes c’est la volonté de réussir tout en gardant la dignité. "Une femme qui se lève tôt le matin pour aller au champ ou au bureau n’a pas plus de mérite que celle qui tient une boutique. Il faut avoir des nerfs solides. Toutes les femmes ont les mêmes devoirs et contraintes envers leur foyer. Le mari attend de vous la réussite et vous n’avez aucune excuse en cas d’erreur".

Yvette, mère de trois enfants, tient une maison bien connue à Bukavu. En cette fin d’année, la boutique « Esthétique » spécialisée dans l’habillement fait de bons chiffres."Notre réussite tient sur le fait que nous savons exactement ce que nous voulons. Nous sommes comme des chiens de chasse qu’on lâche pour ramener le gibier auprès du maître. Il est donc important pour la femme d’affaires de se montrer tenace et persévérante pour mériter la confiance et les encouragements du mari. Nous ne sommes pas soumises aux caprices des hommes mais on ne peut faire les affaires que dans la liberté responsable. Être dans le commerce n’enlève rien à une femme déterminée, la volonté de gagner la vie de sa famille. Il faut des sacrifices car rien n’est facile dans la vie", tranche Madame Yvette.






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