Mort à Venise


Par Rédigé le 19/08/2009 (dernière modification le 19/08/2009)

Il y a quatre-vingts ans, au matin du 19 août 1929, Sergueï Pavlovitch Diaghilev, né le 31 mars 1872 à Selitchi près de Novgorod, s'éteignait au Grand Hôtel des Bains sur la plage du Lido de Venise. Hôtel qu'avait immortalisé Luchino Visconti dans son fim Morte a Venezia en 1971, inspiré de Der Tod in Venedig, nouvelle de Thomas Mann publiée en 1912, qui fut aussi le sujet de l'opéra de Benjamin Britten Death in Venice en 1973.


Cette année 1929 vit la fin de ce grand esthète mais aussi celle des Ballets russes dont par ailleurs, diverses expositions, particulièrement à Monaco au nouveau musée national, à la Villa Sauber, célèbrent le centième anniversaire. Leurs dernières représentations eurent lieu à l'Opéra de Vichy, quatre jusqu'au 4 août. Cimarosiana, suite de danses tirées du dernier acte de l'opéra, Le astuzie femminili de Domenico Cimarosa, chorégraphie de Léonide Massine, créée à Monte Carlo, 8 janvier, 1924. Il y avait aussi deux autres chorégraphies du même Massine, le Tricorne, musique de Manuel de Falla, décors et costumes de Pablo Picasso, créé le 22 juillet 1919 à l'Alhambra de Londres et La Boutique fantasque, musique de Gioacchino Rossini, orchestrée par Ottorino Respighi, décors et costumes d'André Derain, créé le 5 juin 1919 au même endroit. Ils avaient clôturé la saison à Monaco le 12 mai avec Cléopâtre sur des musiques d'Arensky, Tanéiev, Rimski-Korsakov, Glinka, Moussorgsky et Glasounov, chorégraphie de Fokine, décors et costumes de Léon Bakst, créé au Châtelet de Paris le 2 juin1909. Y figuraient aussi le Tricorne et Schéhérazade, musique de Rimski-Korsakov, chorégraphie de Fokine, décors et costumes de Léon Bakst, créé le 4 juin 1910 à l'Opéra de Paris.
Malgré la maladie de Diaghilev, les Ballets avaient continué cette année-là leurs créations avec deux chorégraphies de George Balanchine. Le Bal, ballet en deux tableaux, musique de Vittorio Rieti, décors et costumes de Giorgio de Chirico, créé le 7 mai 1929 à l'Opéra de Monte-Carlo avec Alexandra Danilova et Anton Dolin. Le Fils prodigue dont le sujet bien connu a été emprunté par Boris Kochno au XVe chapitre de l'Evangile seon saint Luc, musique de Sergueï Prokofiev, décors et costumes de Georges Rouault, avec pour principal interprète Serge Lifar, créé à Paris au théâtre Sarah-Bernhardt le 21 mai 1929.
Après des spectacles à Londres et Paris, Diaghilev en compagnie du jeune Igor Markevitch qui devait faire plus tard une grande carrière de chef d'orchestre et compositeur, font un voyage sur le Rhin, vont au festival de Baden-Baden, à celui de Salzbourg où ils voient don Giovanni. Diaghilev est enfin à Venise le 8 août et s'installe au 5e étage du Grand Hôtel des Bains. Lifar arrive un peu plus tard. Diaghilev ne va pas bien du tout mais continue à faire des projets. Les médecins qui continuent à l'examiner ne comprennent rien à son état, il va du lit au fauteuil, le 12 il se couche et ne se lèvera plus, Kochno arrive le 16.
Cet été-là, Coco Chanel se trouvait sur le yacht Flying cloud de Hugh, Richard, Arthur Grosvenor, deuxième duc de Westminster, cousin d'Edouard VII, qu'elle avait rencontré à Monte-Carlo et avec qui elle entretenait une liaison. A bord, il y avait aussi Misia, surnom de Marie Sophie Olga Zénaïde Godebska qui avait épousé en troisièmes noces le peintre catalan José María Sert, connu pour avoir décoré le Palais des nations à Genève. Elles sont au large des côtes dalmates quand le 17 août un homme d'équipage apporte à Misia Sert un radiogramme où Diaghilev lui disait qu'il était très malade, les deux amies retournent à Venise. Elles le trouvent bien affaibli, grelottant dans son lit, Chanel repart sur le yacht et Misia reste au chevet du malade toute la journée. Vers 22h elle retourne à l'hôtel Danieli, deux plus tard, Kochno lui téléphone de revenir, Diaghilev était dans le coma. Elle envoya chercher un prêtre qui vint à contre-coeur, Diaghilev étant orthodoxe. Le 19 à 3h du matin il meurt. Pour se procurer l'argent de l'enterrement, Misia était partie pour mettre en gage son collier de diamant, elle rencontre Coco Chanel qui revenait prise d'un pressentiment. Elle paiera les funérailles qui eurent lieu le lendemain, le cercueil fut placé dans une grande gondole et conduit à l'église orthodoxe grecque, après le service on partit pour le cimetière sur l’île voisine de San Michele. Depuis 1870, il comporte une section réservée aux étrangers, divisée selon la religion juive, catholique, orthodoxe et évangélique. Dans la première des trois gondoles du cortège se trouvaient Misia, Chane, Kochno et Lifar, la douleur des deux derniers eut quelque chose de théâtral devant la fosse au moment de l'inhumation. D'après Chanel "Serge Diaghilev n'emporte avec lui qu'une paire de boutons de manchettes que Serge Lifar, effondré par la perte de son ami, échangera contre les siennes." Les deux amies quittèrent Venise à bord du Flying cloud. Une quarantaine d'années plus tard, Igor Fiodorovitch Stravinski mort à 89 ans à New York le 6 avril 1971, fut enterré près de la tombe de Diaghilev.






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