Nord-Kivu: des groupes armés font la loi dans le Parc National des Virunga


Par Rédigé le 24/04/2016 (dernière modification le 22/04/2016)

Le Parc National des Virunga est en proie à l’insécurité engendrée par l’activisme des groupes armés. La partie la plus affectée est le secteur centre de ce parc situé à cheval entre le sud du territoire de Lubero et le nord du territoire de Rutshuru, province du Nord-Kivu, dans la partie Est de la République démocratique du Congo.


Carte des parcs en RDC (c) Aliesin

Insécurité RDC Virunga.mp3  (1.93 Mo)

Les agents de l’Institut congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN), les pêcheurs sur le lac Édouard et les voyageurs qui traversent le parc sont les plus affectés par cette insécurité.

Pour alerter, 15 organisations de la société civile Nord-Kivu membres du SPED (Synergie des Écologistes pour la Paix et le Développement) ont adressé, le 11 avril 2016, une lettre au Gouverneur de Province du Nord-Kivu. Dans cette correspondance, ces organisations lancent un cri d’alarme à l’autorité provinciale sur l’insécurité qui prévaut dans ce parc. Elles soulignent que le Parc National des Virunga est un site du patrimoine mondial qui ne devrait pas constituer un lieu de retraite des groupes armés. Ces organisations exigent que des opérations militaires bien planifiées soient menées pour assainir le Parc de ces groupes armés.


Des conséquences sur plusieurs plans

Des zèbres dans la réserve de Naivasha - Kenya. Photo (c) Pierre Buingo, septembre 2013
Dans un récent rapport, la Synergie des Écologistes pour la Paix et le Développement, a fait savoir que le mois de mars 2016 a été particulièrement meurtrier dans le parc de Virunga. Au moins 30 personnes ont été kidnappées et 3 autres tuées sur le tronçon routier Kiwanja-Kanyabayonga, dans la zone où ces groupes armés sont actifs.

Paul Kasereka porte-parole de cette synergie renseigne que ceux qui ont eu la chance d’être relâchés parmi les kidnappés ont versé des rançons allant de mille à plus de dix milles dollars américains à leurs ravisseurs. Cette rançon serait, selon Kasereka, une autre voie pour ces groupes armés de financer leurs actions.
Paul Kasereka s’inquiète. Selon lui une route principale fréquemment utilisé par des voyageurs traverse le Parc National des Virunga et c’est sur cette route que la plupart de cas de kidnapping sont signalés. Ces groupes armés vont plus loin car ils commencent même à s’attaquer aux militaires et gardes de parc.
D’autres sources locales citées par Radio Okapi, la radio onusienne, indiquent que les pécheurs qui exercent leur activité sur le lac Édouard sont aussi la cible de ces groupes armés qui opèrent dans le versant de Kamuhororo entre les villages de Vitshumbi et Nyakakoma au sud de lac Édouard.

Ils imposent une taxe illégale qui varie de 6.000 à 10.000 francs congolais à chaque pirogue de pêche pour avoir l’accès dans cette zone. La semaine dernière, une dizaine d’embarcations des pêcheurs, qui n’avaient pas leurs jetons qui confirment le paiement de la taxe auraient été arrêtées par ces miliciens. Ces pécheurs ont été sommés de payer des amendes allant de 100 à 250.000 francs congolais avant de récupérer leurs pirogues, les poissons et du matériel de pêche saisis.

Le porte-parole de la synergie SPED plaide pour l’assainissement du Parc des Virunga de tous les groupes armés qui en ont fait un lieu de retraite.
Paul Kasereka rappelle: "Le Parc National des Virunga est un site du patrimoine mondial dans lequel nous avons beaucoup d’animaux qui doivent être protégés. On ne connait pas d’où ces milices trouvent les moyens pour s’attaquer aux militaires et gardes de parc. Lorsqu’ils kidnappent des civils, ils exigent une rançon exorbitante qui va au-delà des économies dont pourraient disposer les pauvres voyageurs. C’est pourquoi nous demandons aux autorités compétentes de prendre des mesures pour chasser ces bandes armées du Parc National des Virunga".

Des groupes armés actifs peu connus

Des animaux dans la réserve de Naivasha, Kenya. Photo (c) Pierre Buingo, septembre 2013
"Tout reste un peu flou sur les dénominations de ces groupes mai-mai. Ce qu’on connait à présent c’est qu’il y aurait 4 groupes différents dont l’activisme accroit d’une semaine à une autre", explique Bernardin Nyangi, journaliste à Radio Okapi qui couvre l’actualité dans la zone du Parc national des Virunga et environs.

Selon Bernardin Nyangi, trois groupes sont dirigés par les dénommés Charles Chuma, Sokoro et un certain Kambale Katsuva. Ils sont actifs dans la zone de Kamuhororo au sud du Lac Edouard en groupement Binza, dans la partie nord-est du territoire de Rutshuru.

La même source indique qu’un autre groupe mai-mai aussi actif dans la zone de Kamandi au sud-est du territoire de Lubero, toujours dans le Parc est dirigé actuellement par un certain Jackson, secondé par un certain Amani. L’activisme de ces groupes armés devient de plus en plus préoccupant dans cette zone où ils s’érigent en maitres absolus. Ils ont profité du retrait, il y a quelques jours, des éléments de la force conjointe FARDC-Gardes de Parc.

Des mesures prises, mais inefficaces

Des antiloppes dans la reserve de Naivasha, Kenya. Photo Pierre Buingo, septembre 2013
Depuis début 2016, les autorités civiles et militaires du Nord-Kivu sont à la recherche d’une solution durable pour mettre fin à l’activisme des groupes armés et à l’insécurité dans le Parc des Virunga, mais à ce jour, les efforts n’ont pas encore aboutis.

Le conseil provincial de sécurité a décidé, depuis mars dernier, que l’armée congolaise organisera des escortes pour des convois des voyageurs et commerçants qui passent par le parc, jusqu’à Kanyabayonga. Un mois après, la société civile locale, estime que même si cette initiative est bien louable, elle n’a pas résolu totalement le problème.
L’activisme de ces bandes armées s’observe toujours, ces derniers continuent d’opérer en toute liberté sur les axes secondaires.

Le chargé de communication de l’ICCN Joël Wengamulayi a fait savoir que son l’ICCN et d’autres services de sécurité collaborent pour améliorer la situation dans le Parc. Joël Wengamulayi renseigne par ailleurs qu’entre fin mars et mi-avril en cours, ils ont réussi à arrêter 3 leaders de ces groupes armés actifs dans le territoire de Rutshuru. Tous sont détenus à Goma par l’auditorat militaire.

Alors que la société civile locale regrette que ces arrestations n’aient pas affaiblie la capacité de nuisance de ces groupes armés, le chargé de communication de l’ICCN, lui, estime que ces arrestations sont le résultat de l’opération visant la restauration de l’autorité de l’État au sein du Parc National des Virunga.






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