On en sait davantage sur Luigi Lucheni


Par Rédigé le 06/10/2025 (dernière modification le 04/10/2025)

On croyait perdus les résultats de l’autopsie du meurtrier de l’impératrice Elisabeth d’Autriche… 127 ans plus tard, les archives de Genève nous prouvent qu’il n’en était rien.


Elisabeth, impératrice d'Autriche-Hongrie (c) DR
Et ce document ainsi que l’enquête de police nous en apprennent davantage sur la personnalité de cet anarchiste dont on avait fait un tueur primitif.
En ce début d’après-midi du 10 septembre 1898, sur le quai du Mont-Blanc à Genève, l’impératrice sortait de l'hôtel Beau-Rivage avec sa dame de compagnie, la Hongroise Irma Sztáray de Sztára et Naymihály. Elle était poignardée en pleine rue alors qu’elle s’apprêtait à monter sur "Le Genève" de la Compagnie générale de navigation sur le lac Léman. Lequel devait la conduire à Pregny chez la baronne de Rotschild. Elle fut ramenée à l’hôtel où elle s’éteignit un peu plus tard.

Immédiatement, le meurtrier est arrêté et la presse en fait très vite le portrait d’un anarchiste sanguinaire et fruste. 
Cependant, Lucheni, 25 ans, envoie une lettre à un journal napolitain où il se déclare anarchiste mais n’entend pas être récupéré par les criminologues de l’époque dont l’Italien Cesare Lombroso, qui décelait dans les traits physiques l’origine du crime. Il cite Lombroso quand il dit “je ne suis pas un délinquant” rappelant ainsi le titre d’un livre célèbre d'un de ses livres “L’uomo delincante”. Lucheni connaît ces théories et bien d’autres.

Le lendemain, une cérémonie publique rassemblait un grand nombre de Genevois.
Pour le chercheur Ludovic Maugué, qui a exploré ses archives judiciaires de Genève. "Lucheni est un individu lettré qui va continuer à lire en prison de manière très intense. C’est-à-dire qu’il va emprunter énormément de livres, tout Montesquieu, tout Voltaire, il a lu Schopenhauer, il lit la Bible quand bien même il est athée".

En 1898, la justice genevoise redoutait l’existence d’une vaste organisation anarchiste et Maugué ajoute "Cette enquête va notamment se déployer jusqu’en Argentine et on cherche même un supposé complice là-bas. On écrit donc à la délégation suisse en Argentine de bien vouloir diligenter des enquêtes sur place. Et ça on le fait dans plein de pays d’Europe, en Angleterre, en France, en Autriche, en Autriche-Hongrie", ajoute le chercheur. 
 
Luigi Lucheni était né à Paris de père inconnu, il fut balloté d'orphelinats en familles d'accueil. Lors de son procès, le 12 novembre 1898, il se déclara anarchiste et fier de son acte. Il fut condamné à la réclusion à perpétuité et il rédigea ses mémoires dans la prison de l'Evêché à Genève. Le 19 octobre 1910, on le retrouva mort, pendu avec sa ceinture. Son corps, ses écrits et tout ce qui le concernait furent étudiés par les plus grands spécialistes.

Le résultat de son autopsie, réalisée à la morgue de la rue de l’Ecole de médecine, n’avait jamais été publié et les archivistes de l’État de Genève découvrent le rapport. "Ce document n’était pas caché ou perdu. Mais il a fallu enquêter pour le retrouver avec beaucoup de rigueur car la morgue avait déménagé et donc changé de département de tutelle" indique Anouk Dunant Gonzenbach, archiviste d'État adjointe. Elle résume "Le rapport d’autopsie de Luigi Luccheni a été écrit par le docteur Louis Mégevand. Il y a son nom, son prénom, sa date de naissance, la date de son décès. Cause de la mort, on peut lire pendaison entre parenthèses, suicide. On trouve sur ce rapport d’autopsie des coupures de presse. Sur la page de droite, on voit vraiment le rapport d’autopsie où organe par organe, le docteur décrit le poids de chaque organe, le cerveau, le cœur, les poumons, le foie, qui ont été pesés".

A Genève, les Journées européennes du patrimoine ont eu lieu en Suisse les 13 et 14 septembre, les Archives d'État ont exposé les documents officiels retraçant toute l’affaire. acte de décès, procès de novembre 1898, autopsie.





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