Qu'est-ce qu'un gaulliste social?


Par Christophe Penaguin Rédigé le 28/07/2020 (dernière modification le 23/07/2020)

Depuis la nomination de Jean Castex au poste de Premier ministre, on entend beaucoup l'expression "gaullisme social". M. Castex se présente en effet comme un "gaulliste social". Mais qu'entend-on exactement par là?


Le général était-il un gaulliste social? (c) Biblioteca de Arte-Fundação Calouste Gulbenkian sur Foter.com / CC BY-NC-ND
Le nouveau Premier ministre, Jean Castex, se réclame du "gaullisme social". Adhérent du parti de droite Les Républicains, il a rendu sa carte après avoir été nommé chef du gouvernement. Quand on s'interroge sur la signification précise de l'expression "gaullisme social", on constate rapidement qu'une grande partie du personnel politique de droite français s'en réclame. De Laurent Wauquiez à François Fillon en passant par Alain Juppé, ils se sont tous identifiés, à un moment ou à un autre, comme "gaullistes sociaux".

La référence au général De Gaulle est un grand classique de la droite française, y compris chez les anciens de l'UDF, parti censé se démarquer de la formation gaulliste, le RPR, avant la création du grand parti réunissant les divers courants de la droite, l'UMP (devenu Les Républicains). Le général De Gaulle n'ayant jamais formalisé une théorie politique précise, il est aisé de se dire gaulliste en soulignant ainsi son attachement à la grandeur et à l'indépendance de la France. La référence au gaullisme peut aussi évoquer la volonté de se positionner au-dessus des partis politiques afin de privilégier l'intérêt général mais ce positionnement est en fait commun à la quasi totalité des personnalité politiques (personne ne se présente aux élections en affichant sa volonté de diviser la population et de sacrifier l'intérêt général à des intérêts particuliers).

Une expression très floue

Autant dire que se réclamer du gaullisme ne coûte pas grand-chose et ne permet pas vraiment d'éclaircir un positionnement politique. Mais qu'en est-il du "gaullisme social"? Historiquement, l'expression trouve son sens dans le cadre de la Guerre Froide, époque où une partie du mouvement gaulliste, du vivant du général, cherchait une troisième voie entre le capitalisme débridé et le communisme. Dans l'esprit du général De Gaulle, cette troisième voie devait reposer sur une association du Capital et du Travail afin de déjouer la lutte des classes. Concrètement, l'association Capital-Travail devait essentiellement prendre la forme de l'intéressement et de la participation, les salariés devant tirer profit des gains des entreprises. L'idée fondamental était de remplacer l'antagonisme entre Prolétariat et Patronat du marxisme par une collaboration entre salariés et patrons au profit mutuel des uns et des autres.

Toutefois, dès la présidence de Georges Pompidou, libéral convaincu, la droite "gaulliste" s'est massivement ralliée au libéralisme dérégulé, mouvement qui s'est amplifié sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing puis de Jacques Chirac. Depuis, le gaullisme social s'apparente à un serpent de mer de la droite, tout le monde en parle mais personne ne l'a vu. L'imprécision de la formule est renforcée par le fait que les politiciens qui l'utilisent lui substituent indifféremment les expressions "droite sociale" et "droite populaire" et lui donnent souvent un contenu plus sécuritaire que social ou économique (dans cette optique, la "droite sociale" serait une droite impitoyable avec le crime et la délinquance tout en restant économiquement libérale). C'est ainsi que lors de la dernière élection présidentielle, François Fillon s'est à la fois réclamé du gaullisme social et de Margaret Thatcher, Premier ministre ultra-libérale de la Grande Bretagne dans les années 1980.

Les mois qui viennent nous permettront de constater si la référence du nouveau Premier ministre au gaullisme social n'est qu'un élément rhétorique de communication ("gaullisme social" sonne évidemment mieux que "gaullisme anti-social") ou si Jean Castex compte vraiment renouer avec l'inspiration des "gaullistes de gauche" souhaitant refonder le contrat social sur lequel reposent les relations de travail.






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