RENCONTRE: Lucette Bellini, fille du peintre de la Belle Époque


Par Sophie Hasson-Grimaldi Rédigé le 15/01/2009 (dernière modification le 15/01/2009)

Lucette Bellini a sélectionné 41 pièces, de la collection privée de son père, produites depuis son atelier à Cannes. Cet atelier, où il réalisa dès 1953 des œuvres chères à son cœur, n’est autre que la Chapelle du Parc Fiorentina. Cet édifice, dans l’intrigue de la sagesse, marqua à tout jamais les années de Bellini à travers lesquelles l’éthique du peintre s’exprima subtilement.


Le Prince Rainier et Emmanuel Bellini. (c) La Chapelle Bellini
Artiste autodidacte, Emmanuel Bellini est né à Monaco en 1904. Dans l’infinitude de son destin, où ont pris siège ses toiles, rejaillissent, sous le regard d’une exposition intime menée par sa fille Lucette Bellini, des tableaux comme nulles autres semblables.
Disparu il y a vingt ans, les salons de La Maison de l’Amérique Latine à Monaco rendent un hommage émouvant à Bellini.
Les visiteurs en apprécient le talent, dans la trajectoire de l’instantanée lumière que l’âme sensible du peintre n’a cessé de retranscrire.
Lors du vernissage de l'exposition, nous avons rencontré Lucette Bellini.

Fille d’Artiste

Lucette Bellini le sait depuis toujours, auprès de son père qui peignait et qu’elle-même admirait en secret, la poésie émanant des chef-d’œuvres de l’artiste est significative. D’ailleurs, son témoignage demeure être un signe vivant, face aux prédispositions éloquentes qu’a su mener Emmanuel Bellini jusqu’au bout de sa vie.
"Dans sa carrière, mon père a maîtrisé plus de quarante thèmes différents dont, le cirque, les clowns, les paysages, les champs de fleur, l’architecture, les danseurs, les musiciens, les orchestres, les capitales … De la région méditerranéenne dont il est natif, l’hommage qu’il lui a rendu est partout présent à travers ses toiles, notamment en corrélation avec les couleurs de cette terre ensoleillée. À ses côtés, dans sa chapelle du Parc Fiorentina à Cannes, mon père ne m’a pas initié à la peinture, mais a silencieusement respecté mon goût pour la peinture, laissant, comme à lui, ma libre interprétation agir en fonction du rapport commun qui était le nôtre de vouer à l’art une passion sans limites. Bien sûr, j’ai assez vite acquis grâce à sa maîtrise les règles fondamentales que suscite l’expression picturale, rien qu’en observant son travail, mais ai pris une autre orientation à travers l’art naïf. Je me souviens bien des visites que lui ont fait des artistes d’exception, tant hommes de lettres, qu’artistes ou peintres, dont Van Dongen qui s’était lié d’amitié avec lui, ou encore, Jean-Gabriel Domergue, Maurice Utrillo, Picasso, Francis Carco, Michel Simon… Aujourd’hui, son atelier est devenu une salle d’exposition permanente, réunissant ses objets personnels, ses toiles, et le public ressent, dans ce lieu sublime, la chaleur éternelle que mon père a laissée derrière lui. J’ai créé en 1991, l’Association des « Amis de la Chapelle Bellini » à partir de laquelle j’ai pu éditer des ouvrages où figurent les collections de ses œuvres, dont celui pour 2010 qui fera l’objet de deux tomes où seront regroupées toutes les illustrations auxquelles il tenait tant".

Petit Bellini devenu Grand

En ses débuts, Emmanuel Bellini évolue autour du charme pénétrant de la Belle Époque. Ce temps révolu, où les calèches ont suivi les méandres de leur course légère, a gravé dans l’esprit du jeune Bellini un empreinte d’élégance dont il en traduisit plus tard toute la finesse.
Son œil exercé dès son enfance à parcourir le faste d’un monde sophistiqué, le conduit à peaufiner sa vision, sous l’éclairage sans égal du site azuréen, en l’occurrence dans l’atelier du professeur Colombo à Monaco.
Au fil de son apprentissage, auréolé d’une sérénité allant grandissante, Emmanuel étonne, sensibilise ses aînés au point que ceux-ci lui assurent que l’école des Beaux-Arts à Paris permettrait à son don inné d’éclore davantage. Cependant, au royaume du siècle dernier, l’architecture dans toute sa splendeur fait signe à Bellini d’entrer dans la légende, dont l’influence finit par le happer littéralement. Ainsi, le célèbre architecte Charles Dumas, renommé pour la réalisation d’ouvrages de style Belle Époque, lui enseigne à Nice les mouvances de cet art édifiant.
En 1929, Emmanuel Bellini a 25 ans et s’installe dans son propre cabinet d’Architecte situé à Cannes. À l’approche de la seconde guerre, celui-ci entreprend, parallèlement à son activité qui en ressent les turbulences, de dessiner des caricatures pour la presse. Il excelle dans ce domaine et signe ses croquis sous le pseudonyme de Mêne. Ses dessins deviennent célèbres, mordant l’actualité du moment autour de personnages qui en font la Une, que ce soit des artistes, des sportifs ou des hommes politiques.
Après la guerre, en 1948, le rôle d’illustrateur le quitte pour laisser place à Emmanuel Bellini. Son envie de peindre s’avère démesurée et, dès lors, sa nouvelle signature le supplante et l’ancre à jamais dans sa vocation initiale.

Triomphe de Bellini

En l’espace de deux ans, le peintre révèle sur ses toiles, à la gouache et la technique du couteau, un amour exacerbé où transpirent ses souvenirs, magnifiant ses calèches avec leurs galants et galantes en costumes 1900. De Cannes à Paris, les galeries d’art décèlent en lui son immense talent, se pliant à l’extraordinaire faculté du peintre qui, en un temps record, époustoufle où, entre autres, le peintre Jean-Gabriel Domergue s’exclame qu’enfin un peintre de génie est né.
Il est devenu un événement que la presse nationale couvre à la moindre apparition.
Rien ne l’aura jamais quitté que son prodigieux sens de la dextérité où la couleur apporte un choc visuel à ses tableaux, mariant la délicatesse à la force, sensibilisant au-delà de toute attente des thèmes, que livre la scène délicate de son imagination de façon phénoménale. En effet, ce coloriste hors pair, transporte sur la toile l’univers de l’architecture où de splendides cathédrales feront le tour du monde.

Diaporama dans la Galerie du Podcast Journal: Album Bellini

En savoir plus sur l'exposition: (voir notre article précédent)





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