Tiger Moms: de Confucius à l’éducation 2.0


Par Rédigé le 26/01/2016 (dernière modification le 25/01/2016)

Les pays asiatiques occupent régulièrement les premières places du classement PISA (Programme for international student assessment) qui jauge le niveau scolaire des élèves de 15 ans à un niveau mondial. Rien d’étonnant à ce que nombre d’Occidentaux se questionnent sur les vertus du modèle d’éducation asiatique. Afin d’évaluer les possibilités de transposition de ce système éducatif en occident et le phénomène émergent des Tiger Mom, nous avons interviewé Alexandre Dana, co-fondateur de Live Mentor.


Amy Chua, Tiger Mom. Photo (c) Qalandariyya

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La domination de ces pays au PISA, au nombre desquels comptent Taïwan, Shanghai, Hong Kong, Singapour, la Corée du Sud et le Japon s’explique entre autre par l’importance accordée au savoir dans ces contrées. Ces pays, à la civilisation inspirée des enseignements de Confucius, privilégient des valeurs tel que le travail, les études dans le respect des traditions et de la hiérarchie familiale. Dans ces pays, hier encore émergents, la réussite sociale obnubile les familles avec le Japon comme modèle. La réussite passe par l’apprentissage scolaire considéré comme une possibilité offerte à chaque enfant de profiter d’un ascenseur social quelques soient ses origines. C’est dans ce contexte qu’en Chine, est apparu le phénomène des mères tigres. Initialement, les Tiger Moms se dévouaient entièrement à l’éducation des enfants, cessant pour la plupart toute autre forme d’activité. Dans un système éducatif centré sur la performance, la question des conséquences liées à la pression exercée sur les enfants doit être posée.


Vidéo archive de l'INA: le retour de Confucius dans la société chinoise


Un système à double tranchant

L’éducation asiatique est porteuse de réussite, mais elle peut aussi représenter une charge trop lourde pour les épaules de certains enfants. Le Japon a, par exemple, connu une vague de suicide. Les élèves concernés se pensaient indignes de leurs parents après la publication de mauvais résultats scolaires. C’est la principale limite de ce modèle puisque dans les pays asiatiques, il existe une sorte de contrat entre parents et enfants. Ces derniers contractent une dette à la naissance et ont à la rembourser par leur respect, leur éducation et leur réussite. L’enfant est ainsi porteur de l’honneur familial, l’échec s’apparente alors à une trahison. C’est ainsi qu’en dehors d’une performance suffisante, la vie n’a plus de sens pour certains enfants. Et pourtant, dans une société en pleine mondialisation, axée sur la compétitivité, ce modèle éducatif s’exporte. Est-il réellement transposable aux sociétés occidentales?

Amy Chua: la Tiger Mom planétaire

C’est en 2011, qu’Amy Chua est partie à la conquête du monde en prônant une éducation pour le moins rigide. Convaincue de la supériorité des mères chinoises comme elle l’explique dans un essai publié en janvier 2011 dans le Wall Street Journal, Amy Chua édicte règles et interdits afin d’éduquer, voire de "conditionner" ses enfants. Car le débat est bien là entre adeptes et détracteurs des éducations proches du formatage. Qu’en est-il de la place de l’enfant et de sa structuration propres? Existe-t-il une place pour le développement de l’imagination et de la créativité, dans une éducation où chaque moment est géré et organisé par l’adulte. Pour tenter d’en savoir plus, nous avons questionné Alexandre Dana, président de Live Mentor. Un service de mentorat en ligne, pour une éducation 2.0.

Interview d'Alexandre Dana

Alexandre Dana, co-fondateur de Live Mentor. Photo courtoisie (c) service presse
Alexandre Dana est co-fondateur de Live Mentor, un service de cours et de mentorat en ligne. Il a accepté de nous donner son point de vue sur l'éducation asiatique, les Tiger Moms à la française et l'impact de ce modèle d'éducation sur les enfants.

Quel est le profil type d’une Tiger Mom?
C’est une mère au foyer très impliquée dans l’éducation de ses enfants. La Tiger Mom va sans cesse fixer des objectifs à ses enfants. Exigeante, elle n’est pas pour autant froide et distante : les Tiger Moms admirent terriblement leurs enfants. La Tiger Mom veut transmettre cette volonté de réussir, et peut se sacrifier financièrement pour donner à ses enfants toutes les chances de réussir.

Les Tiger Moms françaises ont-elles des particularités?
Les Tiger Moms françaises restent marquées par l’éducation occidentale qui s’attache à respecter la liberté de l’enfant et ses choix. Elle va interroger (très régulièrement certes) son enfant sur ses envies d’avenir, puis tout mettre en œuvre pour qu’il atteigne son objectif (devenir pilote d’avion par exemple). Par ailleurs, les Tiger Moms françaises sont marquées par une défiance très forte vis-à-vis du système scolaire français (la 25e place de la France au classement PISA n’aide pas).

Peut-on rapprocher les Tiger Moms françaises d’Amy Chua, si oui de quelle manière?
Les Tiger Moms françaises peuvent donc être rapprochées d’Amy Chua car elles créent également leur système d’éducation. C’est en ce système qu’elles ont confiance et qu’elles investissent.

Quelles sont, selon vous, les répercussions de ce type d’éducation?
Les répercussions de ce mode d’éducation sont variables, on ne peut pas faire de généralités. Certains enfants vont se sentir étouffés. D’autres, au contraire vont avoir un développement personnel assez fulgurant: leur maman a tellement confiance en eux qu’ils ne s’interdisent aucun futur. Nous avons beaucoup tendance en France à condamner assez vite l’éducation asiatique. La réalité est plus nuancée.

Quel est le rôle des mentors en termes d’éducation?
Le rôle des mentors est multiple, surtout face à des Tiger Moms. Le mentor est à la fois là pour l’élève, mais aussi pour ses parents. J’ai créé LiveMentor parce que je crois au mentorat. La relation qui s’établit entre un mentor et un élève est une relation privilégiée où chacun s’investit au-delà du contenu des apports académiques: savoir-faire, savoir-être, partage des valeurs. Pour le mentor aussi, l’aventure est formatrice.

C’est ainsi que le président et créateur de Live Mentor évoque finalement l’idée de "créer un nouveau système éducatif autour du mentorat", un système éducatif 2.0.
Si Confucius recommandait d’oser être sévère, il n’en était pas moins adepte de la bienveillance. Il est donc possible qu’éduquer un enfant de manière bienveillante et bien-traitante nécessite de lui apporter un cadre structurant suffisamment bon pour qu’il puisse s’y développer en liberté.





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