Treize nouvelles et une rêverie, de Michel Cals


Par Jean-Luc Vannier Rédigé le 08/11/2012 (dernière modification le 07/11/2012)

Après son troisième roman "Le petit paresseux" qui entraînait le lecteur sur ses terres d’origine du Haut-Languedoc et signait un retour aux sources, cet agrégé de lettres, professeur jusqu’à peu à l’Université de Nice, rejoint avec ces "Treize nouvelles et une rêverie" (Éditions De Suffren) son genre initial. Un genre qui lui avait valu le Prix Prométhée en 1989 ("Les Marquises", préface de Marie-Claire Blais, Éditions L’Âge d’homme, Lausanne).


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Ces "Treize nouvelles et une rêverie" tentent au fil de ces histoires courtes une audacieuse synthèse entre pointillisme local et horizons lointains: invariables hésitations que nous devinons ataviques chez celui qui enseigne désormais à l’École de Journalisme de Nice. L’auteur semble à l’évidence tiraillé entre attachement et liberté, entre terroir et grand large, entre contemplation fataliste et nobles causes à défendre. Avec un inégal bonheur mais dont l’appréciation reste sans doute subjective. Nous partagerons avec "La visite", l’acuité de la vision réaliste d’un réfugié politique assigné en résidence dans le Haut-Pays niçois. Nous jubilerons aussi en devenant, dans "La quarantaine", le complice empathique de "l’inquiétante étrangeté" des angoisses ressenties par l’écrivain enfermé aux îles de Lérins. "Le signe du lion" nous plongera dans des abîmes de perplexité philosophique sur le rapport de l’humain à la vie, à la folie et à la mort avant que l’obscure chute du "Chien du Filali" ne nous aspire du côté de la cruelle fable enfantine. De chaque phrase surgit une représentation mentale: visualisation immédiate, puissante et tenace.

D’autres pages suscitent le doute. Dans "L’escadre blanche", la missive d’un officier de la marine impériale russe à son épouse nous laisse de marbre: en cause les coquilles qui émaillent les noms de cuirassés russes et qu’il serait bienséant de corriger afin d’éviter les foudres du nationalisme sourcilleux au Kremlin. Comment le Lieutenant de Vaisseau Vassili Vassilievitch a-t-il, ensuite, pu nommer en 1905 la ville de Saint-Pétersbourg d’un nom qui allait devenir le sien - Petrograd - seulement en 1914? Malgré leurs couleurs et leur humanisme, certaines saynètes de "bleds" nord-africains où l’universitaire a également professé quelques années, frayent avec cet exotisme facile recherché par les occidentaux en quête de dépaysement.

Promenade d'inspiration rousseauiste

Il y a en revanche chez Michel Cals, une fascinante énigme de l’écriture: son exigence exacerbée de la description, forme de respect à l’égard du lecteur auquel il entend restituer le plus fidèlement son éprouvé, devient chez lui un souci quasi obsessionnel de l’adjectivation. Celui-ci rend parfois indispensable la présence du dictionnaire des langues régionales pour saisir la métaphore. Au risque de charger, sinon de faire chavirer la barque de l’imaginaire. Les deux nouvelles les plus longues "La visite" et "La Salamandre", les plus expressives sinon les plus réussies de son opuscule, sont exemptes, notons le au passage, de ce foisonnement lexical.

Sa "Rêverie en forme de rivière", promenade d’inspiration rousseauiste, clive et conclut les treize nouvelles. Mais ces dernières se différencient-elles vraiment du dernier chapitre? Les "nouvelles" ont toutes un "héros": Michel Cals est celui de sa "rêverie", "continuation et substitut du jeu enfantin d’autrefois", écrit Freud dans son étude de 1908 sur "Le créateur littéraire et la fantaisie". L’estimation de l’auteur est sans doute parasitée par les affres de la modernité: la "loi de la rêverie" ne réside pas dans "le loisir" comme il le pense mais dans "le plaisir". Pour Michel Cals, celui d’écrire. Pour le nôtre, celui de lire.






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