Un après-midi à l'Opéra de Monte-Carlo


Par Rédigé le 09/02/2021 (dernière modification le 09/02/2021)

En ces temps de pandémie où les salles de spectacles sont fermées, il maintient sa programmation de la saison 2020-2021, pour le plus grand bonheur de ses habitués et aussi des autres…


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Les 22, 24, 26 et 28 janvier dernier, Thaïs, comédie lyrique en trois actes et sept tableaux de Jules Massenet était à l’affiche. Un horaire unique, 14h, pour cause de couvre-feu à 19h et naturellement le respect le plus strict des gestes barrière. Ces représentations n’étaient pas uniquement fréquentées par un 3e âge entièrement libre de son temps, on y rencontrait comme toujours un public varié dont celui venu des départements français limitrophes et de l’Italie voisine.

L’oeuvre était d’autant plus attendue qu’elle n’avait pas été donnée depuis plus de 70 dans ce splendide Opéra de Monte-Carlo dû aux plans de Charles Garnier, l’architecte de l’Opéra de Paris et inauguré le 25 janvier 1879. La série de représentations avait alors commencé le 25 février 1950, dans le rôle-titre on remarquait Denise Duval dont le nom est à jamais lié à certaines oeuvres de Francis Poulenc.

Quant à la véritable première en Principauté, elle avait eu lieu le 15 février 1913, suivie de deux autres représentations les 23 février et 27 mars. Avec Maria Kouznetzof, une habituée de la maison, dans le rôle de Thaïs. Le critique musical André Corneau parlera de "tempêtes d’applaudissements" et il terminera ainsi son article du 16 février 1913 dans le Journal de Monaco "Et la pièce et les interprètes succombèrent sous le faix des acclamations".  En ce temps-là, la saison commençait en janvier et le directeur était le célèbre Raoul Gunsbourg qui a régné sur l’Opéra monégasque de 1892 à 1951 et a forgé sa réputation internationale. Il avait par ailleurs réalisé la mise en scène et l’orchestre était dirigé par Léon Jéhin, personnalité indissociable de la vie musicale de Monaco durant une trentaine d’années.

La création de Thaïs remontait au 16 mars 1894 à l’Opéra de Paris avec Sybil Sanderson, la soprano américaine fidèle interprète de Massenet, il en avait commencé la composition en 1892, et fera subir à l’oeuvre plusieurs transformations. Une partie de la critique avait été scandalisée par l’histoire de cette courtisane d’Alexandrie devenue sainte et qu'on a longtemps honorée le 8 octobre. Le 13 avril 1898, elle sera reprise à l’Opéra de Paris dans sa nouvelle version, définitive.
 

En Egypte au IVe siècle

Au commencement était un poème de plus de deux cents vers d’Anatole France, La légende de sainte Thaïs, comédienne, publié en 1867 dans une éphémère revue Le chasseur bibliographe puis du même auteur Thaïs, conte philosophique paru dans la Revue des deux Mondes en juillet-août 1889 et l’année suivante sous le nom de Thaïs chez l’éditeur Calmann-Lévy. En 1994, Louis Gallet en tire un livret dont s’inspire le compositeur. Au lendemain de la création de Thaïs à l’Opéra de Paris, Anatole France s’était adressé en termes fort élogieux à Massenet "Cher Maître, vous avez élevé au premier rang des héroïnes lyriques ma pauvre Thaïs… Je suis heureux et fier de vous avoir fourni le thème sur lequel vous avez développé les phrases les mieux inspirées".

Cette nouvelle production de Thaïs en collaboration avec l’Opéra de Hong Kong est due à Jean-Louis Grinda, par ailleurs directeur artistique de l’Opéra de Monte-Carlo, qui en a assuré la mise scène comme toujours élégante. Jean-Yves Ossonce, grand connaisseur de la musique lyrique française était à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo.

La célèbre “Méditation de Thaïs” si révélatrice du drame qui se joue était interprétée avec beaucoup d’émotion par Liza Kerob, premier violon de l’orchestre. Une très belle distribution, entièrement francophone excepté la soprano lettone Marina Rebeka qui interprète le rôle de la pécheresse repentie avec une excellente élocution française, en habituée de ce rôle qui lui est familier depuis le festival de Salzbourg de 2016. On retiendra aussi et ne s’en étonnera pas non plus, la perfection du baryton Ludovic Tézier dans le rôle de l'anachorète Athanaël, le rédempteur de l’héroïne, accablé par ses fantasmes. On peut ajouter que le reste de la distribution était de premier plan.
 

Des liens très étroits avec la Principauté

Massenet connaissait déjà Monaco quand il s'y rend en 1902 pour la création de son opéra Le jongleur de Notre-Dame. A cette occasion, le Prince l'avait fait Grand-Croix de l’ordre de Saint-Charles. Les deux hommes s’appréciaient. Albert Ier ne lui disait-il pas "Votre musique baigne les âmes d’une atmosphère de bonté qui sort de votre coeur, la vie semble plus facile quand on s’en imprègne". Pour sa part, le compositeur déclarait lors d'un de ses séjours "Le rêve commençait. Faut-il dire tout ce qu’ont de merveilleux ces jours passés comme un songe dans ce paradis dantesque, au milieu de ce décor splendide, dans ce luxueux et somptueux palais tout embaumé par la flore des tropiques".

Le Prince avait commandé à celui qu'on appelait "l’enfant chéri " la cantate La Nef triomphale pour chœur et orchestre, pour l’inauguration du Musée océanographique de Monaco le 29 mars 1910. Le 7 mars 1903, Massenet est à nouveau à Monaco pour l’inauguration d’un monument à Berlioz. Six autres de ses opéras furent créés à l’Opéra de Monte-Carlo. Chérubin en1905, Thérèse en 1907, Don Quichotte en 1910, Roma en 1912. Les deux derniers Cléopâtre, en 1914 et Amadis en 1922 le furent de façon posthume, le compositeur étant mort le 13 août 1912 à l'âge de 70 ans. Le 23 février 1914 était inauguré sur les terrasses du Casino de Monte-Carlo le buste de Massenet dû au sculpteur russe Léopold-Bernard Berstamm.





 





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