Une institution qui est en train de disparaître


Par Rédigé le 10/03/2021 (dernière modification le 09/03/2021)

C’est bien ce qu’il se produit en ce moment avec la fermeture de plusieurs librairies Gibert à Paris.


Clap de fin pour les librairies Gibert (c) DR
Gibert était effectivement une véritable institution. Tous les étudiants et aussi les lycéens et sans doute les collégiens ont un jour franchi le seuil de ces magasins, soit pour acheter, principalement d’occasion, des manuels d’enseignement et aussi des romans, des dictionnaires, des livres de toutes sortes. Ces magasins faisaient tellement partie du paysage du Quartier latin, on y était tellement habitué qu’on ne se posait même pas de questions sur leur origine et encore moins sur la différence entre les appellations Joseph Gibert et Gibert jeune.

On se demandera sans doute alors pourquoi des commerces qui ont accueilli pendant des décennies des centaines de milliers d'acheteurs ou de visiteurs ont pu en arriver à cette extrémité. Pour un délégué syndical CGT de Gibert Joseph, l'échec de la reprise de l'enseigne est due en partie à l'absence de stratégie du groupe. "Rien n'a été fait depuis l'intégration dans Gibert Joseph en 2017. Nous disposons de plusieurs milliers de m2 mais pas de stratégie face à la baisse de fréquentation. Certains locaux sont à la limite de la salubrité. Enfin, on se retrouve avec deux entités comparables et massives". Il faut dire aussi que les événements de ces derniers mois n'ont guère été favorables, travaux du RER C, manifestations des Gilets Jaunes, les deux confinements et l'absence d'étudiants dans le quartier.

Gibert Jeune, est placé en redressement judiciaire en 2017, puis racheté par son concurrent Gibert Joseph faute d'autres offres de rachat, la société a annoncé qu'elle fermait ses trois derniers magasins de la place Saint-Michel, aux numéros 5, 6 et 10.
Cette histoire de famille car c'en est une va s’achever tout prochainement.

En 1886, Joseph Gibert, professeur de lettres classiques au Collège Saint-Michel de Saint-Étienne, vient tenter sa chance à Paris, "où il ouvre face à Notre-Dame, sur le parapet du quai, quatre boîtes de bouquiniste", comme le dit le site Internet. Deux ans plus tard, il ouvre sa première librairie au 23 quai Saint-Michel et profite de l’essor du secteur scolaire avec les réformes de Jules Ferry. Les ventes de livres scolaires d’occasion explosent. Joseph Gibert meurt en 1914 et laisse le négoce à ses deux fils Joseph et son cadet Régis, Tout reste en l'état jusqu’en 1929. Cette année-là ils se séparent, Joseph s'installe 30, boulevard Saint-Michel, et baptise son magasin Gibert Joseph. Régis, reste au 23, quai Saint-Michel et devient Gibert jeune. Gibert Joseph s’agrandit peu à peu et acquiert les 26, 30 et 34 bd St Michel. Parallèlement, il crée un réseau de librairies à Lyon, Grenoble, Saint-Étienne, Clermont-Ferrand, Poitiers, Dijon, Toulouse, Montpellier, Marseille, ainsi qu’en région parisienne.

Gibert jeune ne quitte pas Paris. En 1934 il "émigre" rive droite, et ouvre une librairie 15 Bd St Denis où il applique le principe alors nouveau du libre-service et s'installe en 1971 au 5 place St Michel.
Il ne reste presque plus rien de Gibert Jeune. Le 2, place Saint-Michel, est définitivement fermé. Le 4 a été transformé en supermarché. L’immeuble du 5 lui a été vendu en juin, à un acquéreur qui a revu fortement à la hausse le prix des loyers et la direction a choisi de se séparer du magasin, pour financer le plan social. Deux magasins seulement devraient rester ouverts, les numéros 23 et 27 du quai Saint-Michel. La mairie de Paris a préempté ce dernier le 8 décembre 2020, par sa société mixte Semaest. Le 27 offre un spectacle bien triste rayons la papeterie vides et derniers articles bradés. Il en est de même à la librairie ésotérique du 23, quai Saint-Michel, au 6 place Saint-Michel, on regrette le manque de communication. Quant au personnel, il ne sait pas ce qu’il va devenir.
 





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