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Le gouvernement béninois face à l’engrenage des primes des fonctionnaires


Par Gervais Loko Rédigé le 12/04/2010 (dernière modification le 11/04/2010)

Sous la pression des syndicats, les différents exécutifs béninois ont octroyé, au fil des ans, diverses primes aux fonctionnaires. Ces derniers totalisent actuellement une cinquantaine de primes qui commencent à peser lourd sur les finances publiques. Le FMI et la Banque mondiale, pour libérer leur aide au développement, exigent que le gouvernement fasse d’abord le ménage. La résistance syndicale est violente et sans appel.


Le président Boni Yayi préoccupé par le climat social tendu et les exigences du FMI. Photo (c) DR
Le président Boni Yayi préoccupé par le climat social tendu et les exigences du FMI. Photo (c) DR
Éducation, santé, agriculture, poste… ce sont quelque 14 départements ministériels sur 30 qui sont secoués par des grèves perlées ou sporadiques. Au cœur des 155 revendications recensées demeurent en bonne position les questions de primes. Des primes qui ne font pas toujours l’unanimité. En janvier, l’opinion publique béninoise a été choquée par une grève sans service minimum du personnel du plus grand centre hospitalier du pays – le CNHU Hubert Koutoucou Maga de Cotonou – pour des primes dites d’arbre de Noël. «Comment peut-on paralyser un hôpital pour une prime de 2500 FCFA (moins de 4 euros) ?», s’étaient indignés la plupart des Béninois.

Selon une étude menée par le gouvernement béninois, il existe une cinquantaine de primes dans l’administration publique, la plupart en violation de la loi portant statut général des agents permanents de l'État qui n’a reconnu que 16 primes. Les personnels de la santé et de l’éducation gardent la palme du plus grand nombre de primes : primes de motivation, de risques, de craie, de rentrée, d’incitation à la fonction enseignante et prime pour travaux de nuit…Les primes de zones déshéritées accordées aux enseignants pour les inciter à aller dans les régions enclavées du pays coûtent à l'État plus de 5 milliards de francs CFA (7,6 millions d’euros) par an.
La question de primes a bénéficié d’une trop grande attention de la part du régime actuel qui, en trois ans de règne, a crevé le plafond de la masse salariale. Celle-ci a augmenté de 66% depuis 2006, soit 90 milliards de francs CFA (137,4 millions d’euros). «En trois ans, l’agent permanent de l'État a eu son revenu mensuel augmenté de 30 à 45%», souligne Adidjatou Mathys, directrice de cabinet du ministre de l'Économie et des Finances.
Les institutions de Brettons Wood dénoncent cet accroissement de la masse salariale. Notamment le Fonds monétaire international (FMI), en négociation avec le gouvernement pour lui accorder une facilité de crédit, exige que le Bénin mette en œuvre «une politique vertueuse en matière de finances publiques» en respectant, entre autres, les «critères de convergence» de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA). Aux termes de ces critères, la masse salariale ne doit pas dépasser 35% des ressources fiscales de l'État. Aujourd’hui, le Bénin a culminé les 42%.

«Une question de discipline budgétaire»

Sonné et de plus en plus désargenté du fait de la crise économique, le régime en place veut revoir sa copie sur la panoplie de primes et indemnités. Preuve de ce désarroi gouvernemental, les propos du chef de l'État béninois, Boni Yayi. Lors d’une concertation avec le Front regroupant les syndicats des trois ordres de l’enseignement, il aurait déversé «une colère noire sur les enseignants». «Il nous a dit qu’il n’est candidat à rien et que nous pouvons blanchir l’année…», a rapporté Raouf Affagnon, porte-parole du Front. Les propos du chef de l'État n’ont pas été infirmés ni confirmés mais Kint Aguiar, le ministre de la fonction publique a fait savoir que Boni Yayi était en tout cas mécontent et que c’est le ras-le-bol d’un président qui a beaucoup fait pour les fonctionnaires et en particulier les enseignants.
Le gouvernement veut visiblement se conformer aux exigences du FMI. Il a récemment lancé un processus pour officiellement harmoniser les primes dans l’administration publique. En réalité, il veut procéder à leur réduction. «C’est une question de discipline budgétaire et de respect de la loi», a justifié le ministre de la fonction publique.
Les syndicats lèvent le ton, estimant qu’il n’est pas question de remettre en cause des droits acquis. La pression syndicale n’est pas seulement sur le gouvernement. Les quatre confédérations syndicales du Bénin ont organisé, le lundi 22 mars, et ce pour une deuxième fois après celle de janvier, une marche de protestation contre le FMI et la Banque mondiale (BM). Elles exigent le départ immédiat de ces institutions.

Entre le marteau et l’enclume

«Depuis 1993, nous avons toujours combattu le FMI et la BM et nous avons réussi à les faire chasser du pays. Si le chef de l'État nous avait consultés quant à leur arrivée, on lui aurait dit que c’est du parjure. Nous sommes un pays souverain. Le FMI n’a plus le droit de venir ici pour des raisons historiques suivantes : c’est eux qui ont suscité les départs volontaires de la fonction publique, le départ ciblé de plus de 400 travailleurs du ministère de l’économie et des finances, fait partir plus de 850 travailleurs du développement rural. Ils ont également suscité l’élaboration d’une loi sur l’avancement au mérite et si nous l’avions acceptée, peut-être que notre fonction publique serait déjà désagrégée. Mais grâce à la mobilisation des travailleurs, nous avons dit non à cette réforme…», a martelé, lors de la manifestation, Gaston Azoua, responsable de la Centrale des syndicats des travailleurs du Bénin (CSTB).
Le FMI dont une délégation était alors présente sur le territoire national, n’a pas directement réagi. Mais au sortir d’une audience avec le chef de l'État, Johannes Mongardini qui a conduit une mission de deux semaines du FMI au Bénin dans le cadre de la signature d’un programme économique triennal 2010-2013, a souligné que le Bénin n’a pas le choix par rapport à la maîtrise de sa masse salariale. «Ce n’est qu’à ce prix qu’il pourra maintenir le niveau des investissements publics et faire accélérer la croissance économique qui est de 2,7% en 2009 contre 5% en 2008», a assuré M. Mongardini.
Le gouvernement, coincé entre le marteau des institutions de Brettons Wood et l’enclume des syndicats, ne sait comment s’en sortir. Après avoir plié l’échine devant les enseignants du supérieur en février en concédant la prise d’un décret synonyme de salaire plus conséquent et d’importantes primes et indemnités, il vient encore de céder le pouce dans la fronde qui l’oppose aux enseignants du primaire et du secondaire. Ces derniers voulaient que la prime au logement soit augmentée et surtout que les 25% de prime à la fonction enseignante dont ils bénéficient leur profitent également pendant la retraite.
Après trois mois de débrayage, le gouvernement a accepté de revoir à la hausse (50%) leur prime au logement avec un impact financier évalué à 6 milliards de francs CFA mais demande un peu de temps pour étudier la revendication liée à la prime à accorder aux enseignants retraités. «En l’état actuel des choses, cette revendication ne peut être satisfaite», tranche la directrice de cabinet du ministre de l'Économie et des Finances. En effet, le Fonds national de retraite accumule des déficits depuis une quinzaine d’années. Pour l’année 2010 par exemple, sur les 32 milliards de francs CFA à payer aux retraités, le Fonds ne dispose dans ses caisses que de 15 milliards, l'État devra compléter 17 milliards pour ne pas à subir l’ire de la couche vulnérable des retraités. «L'État ne peut pas faire plus maintenant», explique Pascal Irénée Koupaki, ministre d'État chargé du développement qui a conduit, en lieu et place du président de la République, les négociations avec le Front des syndicats des trois ordres de l’enseignement.
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