Equité et inclusion dans l’accès à l’hygiène et à l’assainissement


Par Rédigé le 23/09/2013 (dernière modification le 23/09/2013)

Face aux inégalités d’accès aux toilettes et à la marginalisation de certains groupes dans le secteur de l’assainissement, le Conseil de concertation pour l’eau potable et l’assainissement (Wsscc), a initié une session de formation sur l’équité et l’inclusion à Dakar du 14 au 15 septembre.


Les acteurs africains appellent à une révolution des mentalités à Dakar

Ndèye Dagué Gueye,Présidente nationale du Comité des femmes de la Fédération sénégalaise des Associations des personnes handicapées du Sénégal. Photo (c) AT

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Après un bilan sombre et un diagnostic accablant en matière de discrimination dans le secteur de l’assainissement malgré les progrès de ces dernières années, les participants ont à l’unanimité, lancé un vibrant appel pour plus d’amour pour les personnes laissées-pour-compte dans l’accès aux services d’assainissement.

"En tant que femmes handicapées, l’accès aux toilettes est assez difficile pour nous. Parce que les bâtiments ne sont pas souvent accessibles. Et les femmes sur chaises roulantes face à une porte étroite, sont obligées de ramper pour faire leurs besoins avec tout ce qu’il y a comme risques d’infections et de fractures"
. C’est le cri d’alarme de Ndèye Dagué Gueye, femme handicapée par ailleurs, Présidente nationale du Comité des femmes de la Fédération sénégalaise des Associations des personnes handicapées du Sénégal. Dans ce pays comme partout ailleurs dans le continent africain, la réalité des femmes, des handicapés, et autres groupes marginalisées, est la même en ce qui concerne l’accès aux toilettes. "Vraiment c’est dur", s’est-elle alarmée à l’ouverture de la session ouverte au profit des acteurs du secteur, venus des pays de l’Afrique de l’ouest et du centre. Moment important surtout pour ces femmes handicapées qui ont été invitées aux échanges, cette session vise essentiellement à "partager des approches novatrices pour assurer l'équité d'assainissement et d'hygiène en Afrique, en particulier la gestion de l’hygiène menstruelle (MHM) et le handicap, les adolescents et les personnes âgées". Mais aussi, d’"améliorer les compétences et les approches sur l'application pratique des concepts d'équité et d'inclusion". Enfin, cette session permettra d’explorer les voies et moyens pour faire avancer la question de l’hygiène menstruelle dans les politiques et les pratiques à grande échelle en Afrique.
Après avoir fait une brève introduction sur le WSSCC qui s’emploie à faire résonner la voix de la société civile, Archana Patkar du Wsscc, a rappelé les trois axes d’intervention de cette institution, le plaidoyer et la communication, la gestion des connaissances et pratiques et la mobilisation de la volonté politique dans le secteur WASH. "Au WSSCC, nous pouvons aller là où les autres n’osent pas aller et travailler sur des sujets sur lesquels les gens ont besoin de connaissances", a-t-elle précisé.
Revenant sur le thème de la session de formation, elle a martelé que "l’équité et l’inclusion sont non négociables".Tout simplement au regard des situations d’inégalité et de marginalisation que connaissent les personnes exclues que sont les femmes, des jeunes, des handicapées, les personnes âgées.

Un état des lieux insupportable

Les participants au cours des travaux. Photo (c) AT
Dans un exercice de réflexion, les participants ont identifié les problèmes sur les différents types de barrières. Au titre des barrières sociales, on note le manque de participation des femmes à la prise de décision, l’insuffisance d’intimité dans la conception et la localisation des toilettes, l’insécurité… Mais, il y a aussi les barrières institutionnelles relatives au vide juridique dans certains pays en ce qui concerne les personnes handicapées, l’absence de suivi des politiques lorsqu’elles existent, l’absence de ressources… Sur le plan technique, il y a l’inaccessibilité aux ouvrages pour les personnes âgées ou handicapées et même des femmes enceintes, l’absence d’infrastructures adaptées…
Avant tout, il faudra s’attaquer aux tabous et pesanteurs sociologiques qui encouragent des comportements discriminatoires. C’est le cas encore dans certains us et coutumes où les femmes non mariées n’ont pas droit aux toilettes.

Face à cette litanie de problèmes, les témoignages des acteurs sont édifiants et les réactions révélatrices des situations d’inégale accès aux services d’assainissement dans tous les pays. Et, pour les uns comme pour les autres, les problèmes sont à tous les niveaux. En premier, les politiques et les stratégies qui ne font aucune place aux groupes marginalisés sont pointés du doigt. "Pour les politiques, ces questions ne sont pas prioritaires. Ce sont la construction des classes et écoles qui les préoccupent", s’insurge, Boureima Tabalaba du Mali.

A l’image de l’exercice d’identification des problèmes, les participants ont aussi recherché dans les groupes de travail, des approches de solution: renforcement de capacités, campagnes de plaidoyer, implication des chefs traditionnels, mise en place des cadres de concertation, élaboration et mise en œuvre de politiques et stratégies adéquates… Plus intéressant, les acteurs qui sont restés pro-actifs durant les travaux ont également recherché des exemples de bonnes pratiques dans les pays malgré ce contexte sous régional peu propice à la prise en compte des laissés-pour-compte de l’assainissement. Il s’agit par exemple de la construction d’ouvrages adaptés aux personnes âgées en Côte d’Ivoire ou au Burkina-Faso, de la réalisation de toilettes pour les filles dans les écoles pour favoriser l’hygiène menstruelle…
Aujourd’hui, pour tous les acteurs réunis, il faut intensifier la sensibilisation. "Le plaidoyer doit se faire partout, constamment et envers tous", a martelé l’un des participants. "Tant qu’on ne prend pas en compte les personnes marginalisées, toute notre lutte pour l’accès de tous à l’assainissement sera vaine", Mariam Traoré de l’Unicef Mali.

Au total, il faut pour changer les choses, une révolution des mentalités. Dans cette entreprise, toutes les parties prenantes sont concernées. Si les acteurs politiques sont visés dans le manque d’élaboration des lois favorables et la faible mobilisation des financements, les partenaires au développement doivent aussi changer de perception. C’est ce que soutient la Directrice régionale de Wateraid Sénégal, Marième Dème, "Nous avons beaucoup failli. L’inclusion et l’équité devraient être là depuis". Parce qu’argumente-elle, "on ne peut pas parler de développement durable si on n’est pas inclusif". Mais, elle prévient également "il ne faudrait pas que l’inclusion et l’équité soient comme les questions de genre, où chacun inscrira dans son programme pour chercher le financement et en faire un effet de mode".

Ainsi, loin d’être un effet de mode, la recherche d’équité et d’inclusion en matière d’accès à l’assainissement, est une question de justice sociale. Et, après plus d’une décennie de silence coupable, l’heure a désormais sonné et le moment plus que jamais venu de changer les choses pour le bien-être de tous. Car, "on ne peut plus l’accepter", a conclu Archana Patkar.





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